[Film] Kill Your Friends, de Owen Harris (2015)

Londres, 1997. Les groupes pop comme Blur, Oasis et Radiohead règnent en maîtres sur les ondes. Steven Stelfox, 27 ans, producteur de musique et chasseur de talents, écrase tout sur son chemin. Poussé par sa cupidité, son ambition et une quantité inhumaine de drogues, il recherche le prochain tube. C’est l’époque d’un business où les carrières se font et se défont. A mesure que les tubes se font plus rares, il tente désespérément de sauver sa carrière.


Avis de Cherycok :
Premier long métrage d’Owen Harris, qui ne s’était illustré jusqu’à présent que sur des séries telles que Black Mirror, Journal Intime d’une Call Girl ou encore Misfits, Kill Your Friends est l’adaptation d’un roman du même nom de 2008 écrit par John Niven, également scénariste du film, et qui dépeint avec énormément d’acidité et de cynisme le milieu de la musique en Angleterre à la fin des années 90. Un roman autobiographique étant donné que John Niven y a travaillé durant 10 ans avant de devenir écrivain, une expérience de laquelle il semble être sorti traumatisé tant ce qu’il nous raconte, et ce que Owen Harris retranscrit à l’écran, est d’une noirceur hallucinante, le genre de milieu pourri jusqu’à la moelle où la règle numéro un est de marcher sur la gueule, voire de piétiner allègrement, ses amis / collègues dès qu’ils deviennent un peu trop gênants pour évoluer dans votre carrière. Décrit par la presse spécialisée comme un American Psycho sur le milieu de la musique, Kill Your Friends est clairement une réussite.

Entre comédie glaçante et thriller, tout à tour drôle, cinglant, violent, incisif, voire gore dans ses dix dernières minutes, Kill Your Friends nous dépeint donc le gentil petit milieu de la musique dans l’Angleterre de la fin des années 90, avant la crise du disque des années 2000 en partie à cause du piratage, une monumentale machine à fric préférant mettre sur le devant de la scène des artistes sans aucun talent mais dont les tubes pourront rapporter un max de pognon plutôt que de donner leur chance aux gens réellement talentueux. Une industrie insouciante en pleine gloire économique où les producteurs balançaient de l’argent sur des groupes sans réellement se soucier de leur succès car pour eux, un flop serait rattrapé par le suivant.
Et pour incarner le personnage principal, Owen Harris a fait appel à Nicholas Hoult que le grand public a pu découvrir avec son rôle marquant dans Mad Max Fury Road. Véritable attraction principale de Kill Your Friends, il incarne un personnage qu’on aime détester mais qu’on a pourtant envie de suivre jusqu’au bout pour voir jusqu’où il est prêt à aller dans sa soif de pouvoir. Froid et cynique, survolté lors de certaines envolées presque lyriques (le repas avec le groupe suédois), il est absolument magistral du début à la fin. Pour donner vie à son personnage de Steven Steflox à l’écran, le réalisateur avoue s’être en partie inspiré des frasques de Don Simpson, célèbre producteur américain décédé en 1996 connu pour être le bad boy d’Hollywood, consommateur outrancier de drogues et d’alcool par citernes entières et fêtard invétéré, pas avare en coups de gueule. Et on veut bien le croire tant le personnage de Nicholas Hoult correspond à cette description, un ego surdimensionné, le personnage se croyant constamment supérieur aux autres, ne reculant devant rien dans sa quête du pouvoir, ayant une faible opinion du public qui achète les disques à coups de matraquages marketing.

Portrait au vitriol d’un univers impitoyable (Dallaaaaaas…) aux destins dépravés, Kill Your Friends nous raconte une descente aux enfers dans un milieu où les femmes en sont, pour leur majorité, réduites à des objets sexuels, où un gros connard est dirigé par un encore plus gros connard. Un film au final assez macabre, très irrévérencieux, pouvant créer un certain malaise, déformant certainement la réalité en allant dans l’exagération et le jusqu’au-boutisme, mais qui doit tout de même être dans le vrai tant ce milieu a la réputation d’être pourri et sulfureux. Malgré un scénario au final assez convenu et ne racontant que peu de choses, le rythme débridé et l’important travail de montage donnent à Kill Your Friends une certaine puissance qui va s’en retrouver décuplée grâce à une bande originale excellente. Blur, Oasis, Radiohead, Mark Morrison, Prodigy, The Chemical Brothers, que des groupes d’actualité si on prend en compte la période dépeinte dans le film (fin des années 90 donc) qui apportent un certain cachet à des moments clés. La scène dans l’appartement bercée par Karma Police de Radiohead restera un moment dans les mémoires de ceux qui auront vu le film.
Il est de bon ton de préciser que la voix off est omniprésente et notre (anti)héros, et ce tout le long du film, fait d’incessants regards caméra pour s’exprimer au public. C’est un style auquel on adhère ou pas mais, force est de constater, que dans la manière dont est raconté le film et dans la façon dont le personnage de Steven Steflox prend tout le monde pour de la merde, ça passe crème.

LES PLUS LES MOINS
♥ Nicholas Hoult, exceptionnel
♥ Ce coté cynique très british
♥ Une bande originale excellente
⊗ Met peut-être un peu de temps à démarrer
Kill Your Friends, c’est le genre de petit film qui sur le papier ne paie pas de mine, mais qui pourtant dégage quelque chose de très particulier. Bien que ce qu’on nous raconte sont les ignominies d’un directeur artistique horrible dans ses pensées et ses actes, on en ressort avec le sourire, et rien que pour ça, le pari est réussi. Une comédie noire, très noire, et au final un très bon film.



Titre : Kill Your Friends
Année : 2015
Durée : 1h43
Origine : Angleterre
Genre : Qui sera le plus immonde ?
Réalisateur : Owen Harris
Scénario : John Niven

Acteurs : Nicholas Hoult, Craig Roberts, James Corden, Tom Riley, Joseph Mawle, Georgia King, Ed Skrein, Jim Piddock, Edward Hogg, Rosanna Arquette, Moritz Bleibtreu, Damien Molony

 Kill Your Friends (2015) on IMDb


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Auteur : Cherycok

Webmaster et homme à tout faire de DarkSideReviews. Fan de cinéma de manière générale, n'ayant que peu d'atomes crochus avec tous ces blockbusters ricains qui inondent les écrans, préférant se pencher sur le ciné US indé et le cinéma mondial. Aime parfois se détendre devant un bon gros nanar WTF ou un film de zombie parce que souvent, ça repose le cerveau.
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