[Film] Space Jam: Nouvelle Ère, de Malcolm D. Lee (2021)

Le champion de basket-ball et icône mondiale LeBron James et son plus jeune fils Dom, qui rêve de devenir un développeur de jeux vidéo plutôt que de suivre les traces de son père, se retrouvent piégés dans Serververse, un espace virtuel dirigé par une IA malveillante appelée Al-G Rhythm.


Avis de John Roch :
Récemment, je rappelais à votre bon souvenir, et au mien, la croûte qu’était (et reste) Space Jam, grosse opération commerciale camouflée en film. J’avais terminé ma chronique sur ces mots : «et dire que sa suite est considérée comme pire…». Space Jam: Nouvelle Ère est-il pire que son prédécesseur ? Peut-on à proprement parler d’une suite souvent annoncée mais dont la mise en chantier n’a fait que de capoter pendant près de 25 ans ? Ces questions, elles deviennent secondaires. Pour aller plus loin, elles n’ont même pas lieu d’être. Space Jam: Nouvelle Ère n’a même pas à être comparé à son modèle tant le film est autre chose. Autre chose que Space Jam mais aussi autre chose dans le cinéma de manière globale. Car du titre, ce n’est pas Space Jam qu’il faut retenir, mais le Nouvelle Ère. Ce film, on va appeler ça comme ça, est une chose étrange et en parler aujourd’hui alors que la grève des scénaristes qui a secoué Hollywood est sur le point de se terminer donne un peu plus de pertinence à mon ressenti qui ressort du métrage. On ne va pas revenir sur toutes les revendications qui ont poussées à cette grève historique, mais sur un point en particulier qui s’avère être inquiétant. Oui, l’emploi de scénaristes, ainsi que tout métier artistique, est en danger face au développement des intelligences artificielles. En ce sens, Space Jam: Nouvelle Ère peut être perçu comme une forme d’avertissement, pire encore comme un film dangereux. Parce que si c’est ça le futur du cinéma, la Nouvelle Ère qu’annonce le titre, l’avenir du Blockbuster, déjà pas glorieux de nos jours, ne donne franchement pas envie. Ce qui va suivre est un ressenti personnel, je tiens à le préciser car d’une part je n’ai jamais eu prétention à faire de mes chroniques des paroles d’évangile, et d’autre part j’espère de tout cœur me planter sur toute la ligne.

Oui, cette capture est bel et bien issue de Space Jam: Nouvelle Ère

Dans le fond, Space Jam: Nouvelle Ère est une copie à peine cachée de Space Jam premier du nom. Même introduction qui expose un gamin plein de potentiel futur GOAT en devenir, même générique montrant l’ascension fulgurante du Basketteur, mêmes enjeux dont le destin dudit basketteur dépend d’un match de basket. Tout juste les rôles s’inversent car si il y a 25 ans ce sont les Looney Tunes qui venaient chercher Michael Jordan, c’est ici le contraire et c’est LeBron James qui va à leur rencontre pour constituer une équipe. Les deux films ont bien évidement en commun un basketteur dans le rôle principal et sur ce point pas de miracle, Michael Jordan faisait part d’une piètre prestation, LeBron James ne fait guère mieux. LeBron acteur, c’est James basketteur à qui on aurait enlevé l’aura, le charisme et la puissance qu’il dégage sur le terrain, ni plus ni moins. Cependant, la pilule passe un peu mieux ici puisque « l’acteur » est sous forme de dessin animé pendant une bonne partie du métrage. LeBron James, c’est aussi un daron qui coache ses deux fils pour qu’ils deviennent à leur tour des futures stars de la NBA, au grand dam du plus jeune, plus porté sur la conception de jeux vidéo que sur la balle orange, qui cache à son papa son envie de participer à un stage de développeurs à l’E3 (qui comme chacun le sait était en phase terminale à date du tournage depuis très longtemps, et est décédé depuis. Ça en dit un peu sur la crédibilité du scénario, mais j’y reviendrai). Histoire de passer un moment père-fils loin d’un terrain de basket, Lebron James emmène avec lui son fiston à un rendez-vous ultra important chez la Warner Bros., qui lui présente une idée révolutionnaire du nom de Warner 3000 : scanner son image afin de pouvoir l’intégrer dans n’importe quel film ou univers du studio. Seulement ladite idée ne plaît pas au basketteur qui refuse catégoriquement l’offre, ce qui met en rogne celui qui en est à l’origine : Al G. Rhythm. Vous l’aurez compris en lisant son nom, il ne s’agit pas d’un exécutif de la Warner, mais d’une IA qui contrôle le Serververse où se trouvent toutes les productions du studio. Vexé par LeBron James, l’algorithme va kidnapper son fils et va lui proposer un deal : un match de basket dans le Serververse. Si Lebron James gagne, il est libre de repartir. Si il perd, il deviendra un membre du Serververse à part entière.

Oui, c’est toujours Space Jam: Nouvelle Ère

Déjà handicapé par un début de script anémique et mielleux comme seul les USA peuvent en pondre (le père qui va apprendre à mieux connaître son fils dans l’adversité, avec toute la morale bien pensante et le sens de la valeur familiale qui va avec), Space Jam: Nouvelle Ère va très rapidement complètement partir en couille dès lors que Al G. Rhythm va entrer en scène et envoyer LeBron James dans le monde des Looney Tunes. Un monde dépeuplé où ne reste que Bugs Bunny, les autres ayant été attiré par la promesse de Al G. Rhythm de vivre de nouvelles aventures dans le Serververse. Dans celui-ci, LeBron James et Bugs Bunny vont y voyager pour former une équipe de basket, mais alors que le premier a en tête une dream team composée de Superman, le Géant de Fer et King Kong, le second lui fait à l’envers et participe au recrutement dans le seul but de retrouver les autres Looney Tunes, qui participeront donc au match de basket tant attendu. C’est à ce moment que les choses déraillent : Bip-Bip et Coyote sont en pleine poursuite dans Mad Max: Fury Road ; Grosminet est dans les bras du Docteur D’Enfer ; Emma Webster, plus connu sous le nom de Mémé, est dans la matrice ; Charlie le coq lui participe à une bataille à dos de dragon dans Game Of Thrones ; d’autres sont dans l’univers animé de DC… Alors oui, décrit comme ça, Space Jam: Nouvelle Ère semble être une auto fellation de la Warner, ou tout simplement être une resucée de la foire aux easter eggs de Ready Player One. Seulement dans le film de Steven Spielberg, l’easter egg était au centre du récit et surtout, malgré l’abondance de personnages issus de différents films ou jeux vidéos, le film restait cohérent dans leur design au sein de l’univers de l’Oasis.

Ça me fait penser que je n’ai jamais vu Casablanca tiens

Ici c’est tout le contraire, Space Jam: Nouvelle Ère mélange absolument tout et n’importe quoi dans la plus totale incohérence. Rien n’a de sens ou de logique que ce soit en terme de scénario ou de design dans la succession de saynètes, on ne peut pas appeler ça autrement, qui compose la première partie d’un métrage qui va encore plus loin dans sa seconde dès lors que le tant attendu match de basket commence. Et là, attention les yeux car ça part très loin (et putain, faut voir la gueule du machin en 4K). Tous les personnages de l’univers de la Warner ont tous été repris, dans une version ou l’autre de leurs apparitions à l’écran, tels quels, quand ce ne sont pas des figurants grossièrement grimés à en faire pâlir les plus mauvais cosplayeurs de la planète pour les plans les plus rapprochés. Même sur le terrain, le design des personnages des deux équipes n’a aucune once de sens et se mélange tant bien que mal. Mais c’est surtout l’arrière plan qui choque, et ce n’est pas une question de CGI ratés mais un sentiment étrange, un manque de naturel comme on n’en a jamais vu au cinéma. Le sentiment que tout a été généré par une intelligence artificielle, à l’image du film dans sa quasi entièreté. Tout ressemble à un « génère moi ceci dans cela », comme on peut en trouver dans une blinde de sub reddit, jusqu’à un placement de produit si grossier qu’il n’ pas pu être pensé par un être humain. Cela ne vaut pas que pour les images mais aussi pour l’écriture du film, qui semble avoir été généré par ChatGPT puis légèrement affinée par la suite. Jamais un film n’a eu de dialogues si banals, téléphonés et prévisibles au point que les répliques de Space Jam: Nouvelle Ère, vous les devinerez juste avant que les personnages ouvrent la bouche et pour aller plus loin, je lui ai demandé au GPT de m’écrire « un dialogue émouvant entre LeBron James et son fils », et croyez moi ou pas, je me suis retrouvé avec le même style de répliques. Alors certes, il y a des scénaristes et des digital artists crédités au générique, un paquet même, mais c’est sans oublier que, désormais, les arts numériques comportent l’intelligence artificielle comme support de création. Tout sonne faux dans Space Jam: Nouvelle Ère, et tout ce manque de naturel et de cohérence jamais atteint donne justement cette impression que la technologie a pris le pas sur l’être humain.

Oui oui, je vous assure que c’est bien une capture de Space Jam: Nouvelle Ère

La question, c’est de savoir où en a voulu en venir la Warner ? Le discours n’est jamais clair. D’un coté, cette histoire de Warner 3000 alerte sur les possibilités offertes par l’IA, on notera également la personnalité et surtout la mort symbolique de Bugs Bunny qui peut être perçu comme un adieu au cinéma d’antan pour mieux nous préparer au futur. De l’autre, on a l‘impression que le studio est tombé dans le panneau et a fait un film complètement rongé par la technologie, dont il ne ressort absolument rien, si ce n’est une définition de ce que peut être un film sans âme. Il ressort également que désormais tout est possible : n’importe qui ou n’importe quoi peut être incrusté n’importe où d’un simple coup de baguette magique numérique, de quoi se poser de sérieuses questions d’ordres éthiques envers l’industrie Hollywoodienne, notamment envers des acteurs qui peuvent désormais retrouver leur image à travers un personnage qui peut être utilisé pour tout et n’importe quoi. Une question éthique qui n’est pas nouvelle. Peu s’en souviennent ou ne le savent pas, mais en son temps Final Fantasy: Les Créatures De L’Esprit et son photoréalisme avaient déclenché un tollé dans l’industrie cinématographique (jusqu’à freiner James Cameron dans le développement d’Avatar) qui avait peur de cette technologie qui aurait pu remplacer les acteurs du milieu. Ce n’a jamais été le cas, mais depuis tout a évolué avec la performance capture et les deep fake qui ne font que de ce perfectionner avec le temps, tout comme l’intelligence artificielle qui commence à donner des résultats de plus en plus bluffants. Pour moi, Space Jam: Nouvelle Ère est une forme d’avertissement des dérives dans lesquelles l’industrie cinématographique pourrait tomber, en se reposant uniquement sur la technologie pour donner au public ce qu’il veut, ou plutôt ce qu’il pense croire qu’il veut. Alors certes, Space Jam: Nouvelle Ère est un spectacle total, le rythme est plus que frénétique, on se fait jamais chier, certains plans sont classes, le caméo de Michael Jordan, mais pas celui qu’on croit, est bien vu (seul passage qui semble avoir été écrit par un être humain) et pour en prendre plein la gueule, c’est clair qu’on en prend plein la gueule. Mais à quel prix ? Vous pensiez que les blockbusters actuels sont des films sans âmes ? Vous n’avez pas vu ce Space Jam: Nouvelle Ère qui n’est pas un film, mais un produit, et cette fois, le terme est tout ce qu’il y a de juste. Voilà, c’était mon ressenti sur Space Jam: Nouvelle Ère. Je suis peut être parti loin, je me suis peut être trompé sur toute la ligne et vu la chose sous un angle complètement hors sujet, mais je n’espère que ça…

Oui oui c’est bien une cap… bon ok, je la boucle.

LES PLUS LES MOINS
♥ Pour en prendre plein la gueule, c’est clair qu’ on en prend plein la gueule
♥ Un rythme de folie
♥ Le caméo de Jordan, sympa
⊗ Un film qui nique absolument toute logique, sens et cohérence sur tous les points. Et là, tout est dit
⊗ Un film qui, à mon sens, fait réfléchir sur les dérives que pourrait amener l’IA dans l’industrie cinématographique
⊗ Par pitié LeBron, reste sur le terrain !

Space Jam: Nouvelle Ère porte bien son sous titre. Mon ressenti est peut être hors sujet sur cette chose qui nique absolument toute logique, sens et cohérence sur tous les points, mais ça pourrait être ça le futur du cinéma. Et ça, c’est moche.



Titre : Space Jam: Nouvelle Ère / Space jam: A New Legacy
Année : 2021
Durée : 1h55
Origine : USA
Genre : Le futur?
Réalisateur : Malcolm D. Lee?
Scénario : Juel Taylor, Tony Rettenmaier, Keenan Coogler, Terence Nance, ChatGPT…

Acteurs : Les Looney tunes, Mad Max: Fury Road, Austin Powers, Matrix, Game Of Thrones, Casablanca, Rick Et Morty, un basketteur. Il y a des acteurs aussi…

Space Jam: A New Legacy (2021) on IMDb


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Auteur : John Roch

Amateur de cinéma de tous les horizons, de l'Asie aux États-Unis, du plus bourrin au plus intimiste. N'ayant appris de l'alphabet que les lettres B et Z, il a une nette préférence pour l'horreur, le trash et le gore, mais également la baston, les explosions, les monstres géants et les action heroes.
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