[Film] Funky Forest : The First Contact, de Ishii Katsuhito, Ishimine Hajime et Miki Shunichiro (2005)

Les éléments banals de la vie quotidienne peuvent sembler bizarres. À l’inverse, les choses saugrenues sont parfois plus faciles à comprendre.


Avis de Rick :
Il fallait bien que ça arrive un jour ou l’autre. Oui, malgré toute la bonne volonté du monde, malgré mon amour pour le cinéma Japonais totalement délaissé en France sauf quand il s’agît de gros films (Kenshin, bien que les derniers prirent la minuscule porte Netflix) ou de films appréciés en festival (Drive my Car), malgré mon amour pour les films étranges, malgré mon amour pour l’étrangeté tout court, et malgré mon amour pour ces vaillants éditeurs qui osent sortir des films hors du commun et éloignés des standards du grand public en France, ici Spectrum Films donc, et bien j’ai quasiment détesté Funky Forest : The First Contact. Par où commencer d’ailleurs tant l’exercice est complexe ? Film d’une durée conséquence de deux heures et demi écrit et réalisé à six mains (donc, à trois, sauf s’ils sont aliens, ce qui est possible), chacun avec ses obsessions, et qui vont ici mettre bout à bout des scènes parfois sans rapport aucune les unes avec les autres jusqu’à aboutir d’un métrage bien difficile à définir.

Les trois coupables ? Ishii Katsuhito, réalisateur de l’excellent The Taste of Tea, sortant en même temps chez Spectrum Films d’ailleurs et dont je vous ai déjà parlé, mais aussi Ishimine Hajime qui avait signé la même année Custom Made 10.30 (que je dois voir) et Miki Shunichiro, qui signera en 2011 The Warped Forest, soit le dernier film d’Avril chez Spectrum. Trois réalisateurs potes que l’on connait puisqu’ayant toujours participés aux projets les uns les autres, en plus d’avoir participés à des postes divers sur des films comme le film d’animation Redline en 2010. Ici, les trois réalisateurs sont totalement libres, libre de raconter ce qu’ils veulent, de filmer ce qu’ils veulent, comme ils le veulent, avant d’assembler le tout. L’histoire ? On pourrait dire qu’il n’y en a pas dans le sens traditionnel du terme. Le lien ? Il y a des personnages qui reviennent parfois dans d’autres scènes, d’autres segments, ou avec qui un nouveau personnage discutera au téléphone, comme celui joué par le grand Asano Tadanobu.

Oui, déjà présent dans The Taste of Tea, il est de retour ici, toujours aussi barré, et jouant donc un guitariste chanteur, le fameux Guitar Brother. Mais au-delà de ces personnages revenant par moment, ou de certains segments se déroulant dans le même lieu (une salle de classe par exemple), disons plutôt que Funky Forest est une compilation de courts métrages, avec des entractes, parfois musicales, avec un décompte, juste parce que pourquoi pas. Pourquoi pas justement, d’autres se sont laissés tenter par l’expérience par le passé, sans chercher non plus à relier l’ensemble. Ce fut par exemple dans le rayon horrifique le cas des deux ABC’s of Death. Le résultat était déjà bien bancal, voir mauvais pour le second film, mais les films avaient pour eux deux éléments. Le fait de ne jamais cacher leur côté « anthologie de courts métrages », et le fait qu’avec un très grand nombre de courts, la durée n’excédait jamais les 5 minutes, parfois même bien moins.

Dans Funky Forest : The First Contact, le souci, c’est que ce concept d’anthologie de courts métrages s’étire, mais s’étire en longueur, si bien qu’une pause fut nécessaire mi-parcours pour ma part. Une pause salvatrice, car j’en avais besoin, mais une pause également cruelle, puisqu’il fut très dur de reprendre. Donc en gros, vu que le concept même de long métrage est annihilé, que dire ? Qu’il y a beaucoup de personnages, de situations, que beaucoup de choses ne mènent à rien, que les styles et genres se mélangent, que nous avons parfois des passages musicaux qui s’étirent, des passages animés, ou alors deux comiques sur scène pendant de bien trop longues minutes, puis un homme dans un vaisseau spatial étrange, un peu kitch mais qui a son charme, puis un couple platonique, un pique-nique pour célibataire, une salle de classe pour… lycéens… non attendez il y a des enfants aussi, et des adultes… Bon, il y a aussi des rêves, des corps déformés, des créatures que Cronenberg ne renierait pas, une gamine qui s’envole et fait… des choses. Bref, un bon gros bordel comme je les apprécie d’habitude, sauf que Funky Forest ne fait rien réellement pour être digeste pour le spectateur, pour être accessible.

Evidemment, si l’on prend certains segments de manière séparée, certains sont digestes et font preuve d’une belle inventivité, heureusement. On saluera bien évidemment la prestation d’Asano Tadanobu dans le rôle de Guitar Brother, quelques idées visuelles, ou à titre personnel le très joli minois de Nishikado Erica, qui me passe son 06 quand elle veut ! Les segments semblent d’ailleurs plus courts dans la seconde partie du métrage, mais malheureusement, le mal était déjà fait pour moi. Certains segments sont assez amusants il faut l’avouer, et à côté, d’autres moins intéressants, et ce sont étonnement toujours ceux-là qui semblent s’étirer le plus en longueur. Comme ce passage dans l’auberge, avec trois jeunes femmes qui discutent, pendant que l’aubergiste joue au ping-pong seul. Le tout s’étire en longueur avant sa chute, au propre comme au figuré. Du coup, les passages les plus marquants ne sont pas toujours les plus longs, et se retrouvent le plus souvent noyés dans le reste, dans ce délire non sensique qui aurait en réalité mérité quelques coupes pour atteindre une durée digeste, voir carrément de se faire couper en deux pour avoir deux longs métrages. Car en l’état, même les moments les plus dynamiques, comme ces passages musicaux, dont un très sympathique sur une plage de nuit, ou ces passages en salle de classe, ils finissent par sembler durer une éternité. Même si justement, ces passages restent mes préférés du dit métrage. Mauvaise pioche donc, même si on saluera toujours l’initiative de sortir en France un cinéma moins formaté que le cinéma grand public Japonais, qui comme le cinéma grand public des autres pays, a un peu oublié la définition du mot cinéma (Art de composer et de réaliser des films cinématographiques.). Mais Funky Forest lui a oublié la définition du mot film. Et oui, c’est dommage, car malgré tout ce que je dis sur lui, l’ensemble est bien réalisé, utilise de très nombreuses techniques de mise en scène et de montage différentes, il y a de belles images, et l’intégralité du casting est bon. Juste, la sauce ne prend pas du tout, et que finalement, le seul segment qui m’aura plu du début à la fin… fut le dernier, le rêve de Notti, qui dans sa bizarrerie aux sonorités agressives, m’aura hypnotisé.

LES PLUS LES MOINS
♥ Quelques segments sympathiques
♥ Le casting
♥ Un film au ton, au rythme, au style totalement libres
♥ Le rêve de Notti
⊗ Des segments beaucoup moins intéressants
⊗ Certains ne savent pas quand s’arrêter
⊗ Beaucoup trop long dans sa proposition
⊗ Des moments qui s’étirent
⊗ Ça aurait malgré tout mérité une structure pour relier le tout
note3
Pour le coup, le métrage de Ishii, Ishimine et Miki se permet tout, et n’importe quoi. Certains segments amusent, d’autres laissent de marbre, et le tout est beaucoup trop long pour pouvoir pleinement maintenir l’attention durant 2h30.


FUNKY FOREST : THE FIRST CONTACT est sorti chez Spectrum Films en combo DVD et Blu-ray au prix de 25€. Il est disponible à l’achat ici : Spectrumfilms.fr

En plus du film, on y trouve : Présentation de Fabien Mauro, Commentaire audio, interviews et bande-annonce.


Titre : Funky Forest : The First Contact – Naisu no Mori THE FIRST CONTACT – ナイスの森 THE FIRST CONTACT
Année : 2005
Durée : 2h30
Origine : Japon
Genre : Vu la durée, je dirais que c’est un film
Réalisateur : Ishii Katsuhito, Ishimine Hajime et Miki Shunichiro
Scénario : Ishii Katsuhito, Ishimine Hajime et Miki Shunichiro

Acteurs : Asano Tadanobu, Terajima Susumu, Kase Ryô, Kikuchi Rinko, Takahashi Mariko, Anno Hideaki, Nishikado Erica, Anno Moyoco, Fukiishi Kazue, Ikewaki Chidiri et Kanjiya Shihori

 Naisu no mori: The First Contact (2005) on IMDb


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Auteur : Rick

Grand fan de cinéma depuis son plus jeune âge et également réalisateur à ses heures perdues, Rick aime particulièrement le cinéma qui ose des choses, sort des sentiers battus, et se refuse la facilité. Gros fan de David Lynch, John Carpenter, David Cronenberg, Tsukamoto Shinya, Sono Sion, Nicolas Winding Refn, Denis Villeneuve, Shiraishi Kôji et tant d'autres. Est toujours hanté par la fin de Twin Peaks The Return.
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