[Film] Alone in the Night, de Ishii Takashi (1994)

Après la mort de son mari, agent des narcotiques, ami tombe en dépression, surtout que les doutes planent sur la mort de son mari, sur son intégrité. Après une tentative de suicide ratée, Nami décide de se faire justice elle-même et d’infiltrer le clan Yakuza responsable.


Avis de Rick :
En 1994, Ishii Takashi a déjà plusieurs films derrière lui, dont l’excellent A Nigth in Nude signé l’année précédente, et son style est déjà clairement identifiable. Des portraits d’âmes meurtries, solitaires, errant dans un Tokyo nocturne tout en néon. Le rapport à la nudité (et plus tard tout simplement au sexe), la vengeance, ces personnages qui n’ont plus rien à perdre, animés seulement par un sentiment qui les mènera à leur perte, oui, tout est déjà là. Et après l’excellent A Night in Nude donc, Ishii continue l’année suivante, avec non pas un mais deux métrages. Le premier sera Angel Guts Red Flash, et le second, il nous intéresse dans ces lignes, c’est le plutôt méconnu Alone in the Night. Méconnu comparé aux autres films du réalisateur, comme Gonin, Freeze Me ou encore Flower & Snake. Et c’est triste, car nous avons là encore une fois un polar qui mise beaucoup sur ses personnages et son ambiance, et qui, je le reconnais, malgré quelques longueurs (ou alors j’étais trop fatigué), et bien finalement s’avère bien plus complexe que son simple synopsis ne le laisse penser. Car dans les faits, encore une fois, nous avons là une simple histoire de vengeance. Nami (excellente et surprenante Natsukawa Yui), veuve après la mort de son mari, flic des narcotiques qui était infiltré, et dont le nom est salît, tente de se suicider. En vain, elle sera sauvée par une vieille connaissance, un Yakuza. Nami change alors son fusil d’épaule, son nouveau but sera de se venger, en infiltrant le clan responsable de la mort de son mari, en approchant le boss en se faisant passer pour une hôtesse. Et le premier point qui fait bien plaisir avec cette nouvelle fresque nocturne de la part du réalisateur, c’est qu’il ne cède pas à la facilité, ni aux clichés d’un genre très codifié.

Nami ne va pas se changer du jour au lendemain en pro des armes, en pro du combat au corps à corps, en femme fatale tuant tout sur son passage, non. Ishii se refuse la facilité du genre, et préfère continuer d’explorer via son intrigue ses propres thématiques. Et heureusement, car c’est cet aspect moins conventionnel au sein du genre qui donne toute sa force au métrage, qui lui donne une certaine aura hypnotisant. Car là-aussi, contrairement aux codes du genre, Alone in the Night n’est pas un film rythmé, qui multiplie les rebondissements et les assauts sanglants, mais un film qui sait prendre son temps, poser une ambiance, esthétiser l’ensemble, sans doute un peu trop pour certains, mais pourtant, quel travail sur la composition de l’image, sur le cadrage, sur la photographie. Les teintes bleutées, ces reflets dans l’eau, ces lumières cachant parfois habilement la nudité, le tout allié à une bande son tenant parfois plus de la nappe sonore que de la véritable composition, mais qui fait peser sur le métrage une ambiance à la fois lourde et mélancolique. Du très bon boulot. C’est bien là d’ailleurs la plus grande qualité du métrage d’Ishii, un vrai savoir faire et une vraie ambiance assez unique. Tout le monde n’y sera certainement pas réceptif, mais elle est pourtant là, elle est intéressante, elle se refuse la facilité. Ishii privilégie par exemple les longs plans larges, donnant de l’ampleur à ses décors, et le forçant donc à mettre en valeur des éléments plus nombreux, à jouer autant sur l’obscurité que la lumière. Et au milieu de cette réussite visuelle et auditive formelle, il y a le casting, et les personnages.

Ishii retrouve plusieurs habitués de son cinéma pour des petits rôles, comme Shiina Kippei et Takenaka Naoto, qu’il avait d’ailleurs dirigé dans son précédent film, tous les deux. Mais c’est bien Natsukawa Yui qui est éblouissante dans le rôle principal. Une femme tout à fait normale, traumatisée, souvent impuissante, qui échoue, comme n’importe qui échouerait à sa place, dans ses tentatives, que ce soit de suicide, ou d’assassinat. Si bien qu’au lui d’un banal film de vengeance, on pourrait plus dire que c’est le chemin de croix de ce personnage que l’on suit durant presque deux heures, un personnage qui souffre, intérieurement d’abord, puis physiquement, sans jamais que la caméra d’Ishii n’en fasse trop ou ne donne un côté trop voyeur au film (ce qui ne sera pas toujours le cas dans sa filmographie). Un chemin passionnant pour qui adhérera à cette ambiance résolument froide, baignant dans des teintes bleutées, seulement tranchée par quelques rares excès de violence radicale (ce final bordel), dans une nuit, solitaire comme le dit le titre, dont quelques néons viennent alors apporter plus de vie à l’image, et plus de morts à l’écran. Un récit sombre, ambiancé, fataliste comme souvent, mais qui fonctionne, et où Ishii continue de se forger une identité, juste avant de signer un polar plus accessible au grand public avec Gonin.

LES PLUS LES MOINS
♥ De très bons acteurs
♥ Un excellent travail sur l’ambiance, sonore et visuelle
♥ Des personnages tiraillés et humains
♥ Un film réaliste
⊗ Trop lent par moment ?
note8
Après A Night in Nude, Ishii livre un nouveau portrait de femme, meurtrie, détruite, tentant de prendre maladroitement son destin en main. Le propos se veut plus réaliste, l’ambiance encore plus travaillée, noire et désespérée.


Titre : Alone in the Night – Yoru ga Mata Kuru – 夜がまた来る
Année : 1994
Durée :
1h48
Origine :
Japon
Genre :
Policier
Réalisation :
Ishii Takashi
Scénario :
Ishii Takashi
Avec :
Natsukawa Yui, Nezu Jinpachi, Nagashima Toshiyuki, Shiina Kippei, Terada Minori, Yo Kimiko, Takenaka Naoto et Hayami Noriko

 Alone in the Night (1994) on IMDb


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Auteur : Rick

Grand fan de cinéma depuis son plus jeune âge et également réalisateur à ses heures perdues, Rick aime particulièrement le cinéma qui ose des choses, sort des sentiers battus, et se refuse la facilité. Gros fan de David Lynch, John Carpenter, David Cronenberg, Tsukamoto Shinya, Sono Sion, Nicolas Winding Refn, Denis Villeneuve, Shiraishi Kôji et tant d'autres. Est toujours hanté par la fin de Twin Peaks The Return.
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