[Film] The Girl on a Bulldozer, de Park Ri-Woong (2022)

Gu Hye-Young a 19 ans, a un dragon tatoué tout le long de son bras gauche, et a du mal avec l’autorité. Le jour où son père, propriétaire endetté d’un restaurant, a un accident de voiture étrange qui le laisse en état de mort cérébrale, elle va chercher à comprendre la vérité derrière l’incident, tout en prenant soin de son petit frère.


Avis de Rick :
Il est très difficile de savoir dans quoi on se lance avec The Girl on a Bulldozer, métrage nous venant de Corée du Sud, pays habitué des polars pluvieux et autres vengeances radicales (et souvent bien trop longues dirons certains). Entre son titre, et même son marketing qui nous prépare à voir un film de vengeance comme le pays en produit 150 par an, le métrage en question s’aventure pourtant vers des horizons tout autres, tenant bien plus du drame familial que du film policier. Et pour son premier métrage à la fois comme réalisateur et scénariste, on peut dire que c’est plutôt encourageant pour la suite de la carrière de Park Ri-Woong, qui sait incorporer certains tics du cinéma de son pays tout en les digérant pour livrer une étude de personnages parfois fascinante, et très éloigné de ce que le film présageait. Oui, il y aura en effet une vengeance (prenant en soit environ 2 minutes à l’écran), ainsi qu’une fille conduisant un bulldozer, le film ne ment pas là-dessus (même si là aussi, ça arrive tardivement, pour 2 minutes), mais The Girl on a Bulldozer, c’est surtout l’histoire de Gu Hye-Yong, jeune femme de 19 ans au caractère bien trempé, qui n’hésite pas à en venir aux poings face aux gens de son âge, à balancer insulte sur insulte, et est, du coup, un peu trop connue de la police locale pour des petits délits. Pourquoi a-t-elle un tel comportement, alors qu’elle a un petit frère adorable et un père qui gère un restaurant Chinois, et donc qu’en apparence, tout va bien pour elle ? Mais nous, spectateurs, avons à peine le temps de faire la connaissance du personnage et de son entourage familial que le drame survient dans le métrage. Son père est victime d’un accident de voiture, qu’il aurait lui-même causé en étant légèrement alcoolisé, et qui le laisse dans un état de mort cérébrale.

Véritablement accident, tentative de suicide, autres ? Tout est ouvert au départ, puisqu’on l’apprend rapidement, le père était endetté, et quelques jours avant l’incident, le voilà à réactiver son assurance vie. Le film alterne alors deux tonalités assez différentes dans les faits pour nous montrer le cheminement de son héroïne. Il y a la Gu Hye-Yong en quête de vérité, celle qui va aller interroger les témoins, victimes de l’accident, la police, les assurances, pour mettre tout ça au clair, en marchant sur les traces de son père, de ses actions, de ses derniers jours. Mais à côté il y a aussi la Gu Hye-Yong plus douce et compatissante, dés lors qu’elle se retrouve, par la force du destin, à devoir prendre soin de son petit frère, et donc, dans un sens, qu’elle se retrouve à devoir elle-même grandir, et donc laisser son agressivité naturelle de côté, envers l’autorité, envers la famille puisqu’elle ne tient plus qu’à un fil, mais aussi envers la vie de manière plus globale. Ironiquement, le chemin du personnage ne se fera pas sans souci, et donc, son agressivité va également augmenter face à tous les soucis que les autres lui mettent dans les pattes. Kim Hye-Yoon, qui tient le rôle principal, est d’ailleurs pour beaucoup dans la réussite du métrage, puisqu’elle donne vie à son personnage, et parvient souvent, via quelques expressions, à la faire passer d’un extrême à un autre, lorsque la jeune femme comprend ses erreurs, ou au contraire se retrouve face à une situation qui la dépasse et qu’elle n’avait aucunement vu venir. La plus grande réussite du métrage donc, qui a, heureusement pour elle, un scénario bien construit et une narration fluide pour aider le développement de son personnage.

Dans ses retournements de situation par contre, The Girl on a Bulldozer bien entendu n’évite pas l’utilisation de certains motifs un peu trop souvent présents dans le cinéma Sud-Coréen, à l’image par exemple des magouilles politiques, ou de ses chefs d’entreprise corrompus et sans pitié. Plus que ses ressorts scénaristiques, c’est bien le résultat que ses éléments amènent sur le personnage principal qui font la force du métrage, cette jeune femme de 19 ans, et donc, logiquement, pour la loi, majeure, adulte responsable, mais qui pourtant en début de métrage n’en a clairement pas la carrure, la capacité. Mais tous les rebondissements du scénario seront là pour la faire évoluer, lui mettre parfois la dureté de la vie devant les yeux, et lui faire comprendre parfois ce qui est important, afin non pas de changer sa façon d’être, mais clairement de revoir ses motivations, et ses priorités. Et comme le personnage est présent dans absolument chaque scène du métrage, cela permet de pardonner les twists prévisibles et déjà vus de son scénario, pour se concentrer sur l’important.

LES PLUS LES MOINS
♥ Kim Hye-Yoon, la révélation du film
♥ Niveau personnages, très intéressant
♥ Pour un premier film, Park Ri-Woong s’en sort très bien
⊗ Le scénario et ses twists, une impression de déjà-vu
note6
Malgré son titre et sa pochette, The Girl on a Bulldozer est bien plus l’étude de l’évolution d’un personnage, de sa capacité à grandir dans l’urgence, plutôt qu’un polar. Heureusement, car les efforts du réalisateur et scénariste semblent tous focalisés sur son personnage principal, la réussite du métrage.


Titre : The Girl on a Bulldozer – Bulldozere Tan Sonyeo – 불도저에 탄 소녀
Année : 2022
Durée :
1h52
Origine :
Corée du Sud
Genre :
Drame
Réalisation :
Park Ri-Woong
Scénario :
Park Ri-Woong
Avec :
Kim Hye-Yoon, Park Hyuk-Kwon, Oh Man-Seok, Yesung, Choi Hee-Jin, Lee Kwi-Jong, Sung Yeo-Jin, Kim Hee-Chang, Han Hye-Ji et Kim Joong-Ki

The Girl on a Bulldozer (2022) on IMDb


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Auteur : Rick

Grand fan de cinéma depuis son plus jeune âge et également réalisateur à ses heures perdues, Rick aime particulièrement le cinéma qui ose des choses, sort des sentiers battus, et se refuse la facilité. Gros fan de David Lynch, John Carpenter, David Cronenberg, Tsukamoto Shinya, Sono Sion, Nicolas Winding Refn, Denis Villeneuve, Shiraishi Kôji et tant d'autres. Est toujours hanté par la fin de Twin Peaks The Return.
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