[Avis] Pintu terlarang a.k.a The Forbidden Door, de Joko Anwar

Titre : Pintu terlarang / The Forbidden Door
Année : 2009
Durée : 1h50
Origine : Indonésie
Genre : Thriller / Horreur

Réalisateur : Joko Anwar

Acteurs : Fachry Albar, Marsha Timothy, Ario Bayu, Tio Pakusodewo, Henidar Amroe, Verdi Solaiman, Putri Sukardi, Ade Firza Paloh, Atiqah Hasiholan

Synopsis : Gambir (Fachry Albar) est un artiste blasé dont l’essentiel de ses œuvres se focalise sur des sculptures de femmes enceintes. Gambir semble de plus en plus perturbé par son travail, son rapport avec ses admirateurs et par sa relation compliquée avec sa femme. Alors que des événements troublants viennent perturber son quotidien, il découvre l’existence dans son atelier d’une mystérieuse porte cachée derrière un meuble. Sa femme lui demande de ne jamais l’ouvrir. C’est alors que le terrible passé de Gambir refait surface …

Avis de Laurent : Depuis quelques années, l’Asie du Sud-est produit à la pelle des petits films horrifiques sans prétentions mais au contexte toujours intéressant. Cette alternative à un cinéma de genre formaté au possible sur le continent asiatique (la faute à la production japonaise et coréenne qui peine à se renouveler) lui assure une petite touche de fraîcheur salutaire et bienvenue. La Malaisie, l’Indonésie et les Philippines devraient logiquement devenir rapidement le nouveau barycentre de ce cinéma codifié via un contexte culturel, religieux et folklorique totalement nouveau au-delà des frontières de ces pays. En creusant de manière hasardeuse (et avouons-le de manière très superficielle) dans les réalisations issues de ces pays, le risque de tomber sur tout et n’importe quoi est relativement élevé. Le peu d’information relative à ces films n’aide en rien à trier le bon du mauvais et les nombreuses découvertes se font donc à la jaquette … de quoi apporter un charme supplémentaire dans cette recherche de pépites inédites. Pintu Terlarang, plus connu sous son titre international The Forbidden Door ne déroge pas à la règle. Un réalisateur indonésien totalement obscur pour le néophyte (7 réalisations entre 2003 et 2009), un casting inconnu en dehors du pays et une intrigue pour le moins bizarroïde devraient logiquement susciter l’intérêt du spectateur curieux. Pintu Terlarang axe son récit sur Gambir (Fachry Albar), un sculpteur perturbé par son travail, son environnement et son passé qui découvre dans son atelier une porte verrouillée. Sa femme le supplie de ne jamais l’ouvrir. Vous vous doutez bien de la suite …

Alors qu’en règle générale les films d’horreur indonésiens assurent leurs succès sur la transposition de légendes locales sur pellicule, Joko Anwar préfère lui jouer avec une horreur réaliste et liées aux maux de la société indonésienne. Dans ce pays majoritairement rattaché à la religion musulmane et relativement traditionnaliste, Joko Anwar provoque le spectateur en déclinant des thématiques aussi litigieuses que l’avortement, l’émancipation féminine et la maltraitance infantile. On est bien loin de l’entertainment de base qui s’appuie généralement de manière inoffensive aux superstitions locales. Pintu Terlarang est donc un produit subversif qui attise obligatoirement la curiosité. Traité linéairement dans sa première partie, Pintu Terlarang peine à décoller faute à une ambiance qui se cherche et à des situations peu originales. Mais Joko Anwar a le grand mérite de faire basculer crescendo son sujet dans l’inquiétude et le malaise constant. Sans doute que le travail académique et soap de la mise en situation était nécessaire afin de permettre ce contraste saisissant. Très Lynchien dans sa démarche, Joko Anwar s’amuse à perdre ses spectateurs dans une série de sous-intrigues captivantes qui trouveront leur logique au fur et à mesure que Gambir assemble les pièces d’un puzzle au dénouement pour le moins effrayant. Bien ficelé et ponctué de flashbacks déroutants, Pintu Terlarang trouve sa véritable force dans la maitrise de sa mise en scène alternant séquences apaisantes et scènes choquantes au possible. Sans aller trop loin au risque de gâcher quelques surprises, Joko Anwar nous refait son Festen en abusant plus que de raison des plats en sauce. On regrettera simplement un final trop convenu pour apporter à Pintu Terlarang un statut culte.

Déroutant, troublant, inquiétant et provocateur, Pintu Terlarang est une véritable curiosité qui se démarque aisément de la moyenne de la production locale. Une bonne entrée en matière pour qui veut s’intéresser de plus près à un cinéma indonésien qui semble avoir passé le cap des productions exotiques et Grand-Guignol de l’ère Rapi Films.

Note : 7/10

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Auteur : Laurent

Un des membres les plus anciens de HKmania. N'hésite pas à se délecter aussi bien devant un polar HK nerveux, un film dansant de Bollywood, qu'un vieux bis indonésien des années 80. Aime le cinéma sous toutes ses formes.
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