[Film] Venus, de Jaume Balagueró (2022)

“Danseuse exotique“ dans un club, Lucia vole ses mafieux de patron et file se planquer chez sa sœur, dans une barre d’immeuble avec son lot de secrets. L’étau se resserre, les gangsters rôdent et une éclipse risque de compliquer encore plus la situation.


Avis de Rick :
Jaume Balaguero, un peu comme plus au Nord avec Neill Marshall, c’est pour moi le réalisateur qui a été acclamé comme un génie bien trop tôt. Alors évidemment, on ne va pas renier les qualités, souvent nombreuses, de toute la première partie de sa filmographie, malgré certains défauts, dans des films comme Darkness ou La Secte Sans Nom (tous les deux produits par Brian Yuzna), et ce jusqu’au coup de maître que fut REC (ça date déjà). Car REC, ça prenait un huis clos alors en vogue depuis quelques années, pour le dynamiser et en faire un huis clos sous tension fort réussi. Mais la suite de sa carrière, à l’exception de quelques sursauts occasionnels, ne fut pas du même acabit, et aura fortement déçu. Oui, on se souvient tous de REC 4 par exemple. Certainement moins pire que le troisième opus signé Paco Plaza, mais quand même. Mais qu’à cela ne tienne, Jaume Balaguero poursuit néanmoins son petit bonhomme de chemin dans l’horreur et le thriller, et revenait fin 2022 (toujours inédit chez nous hors festival il me semble) avec Venus. Une pochette qui fait forcément envie avec cette jeune femme en sang et armée, un concept qui interroge et donc donne envie d’en savoir plus, pour un film qui pourrait être résumé par un mélange entre le film policier et le film d’horreur dans les faits, même si rapidement, on comprend que l’ensemble vire surtout à l’hommage à la trilogie des trois mères d’Argento, ou avec son unité de lieu et ses habitants étranges, vers The Lord of Salem de Rob Zombie. Pourquoi pas encore une fois, Suspiria est l’un de mes films préférés, Inferno bien que sonnant comme une petite redite reste fort sympathique et on oubliera l’autre, plaisant seulement sous la forme de nanar non assumé. Seulement Venus a bien des défauts, s’avère bien trop bancal, et parfois, semble plus lorgner vers le grand guignol d’un Mother of Tears que de l’ambiance surréaliste et glaçante d’un Suspiria.

Mais revenons au commencement, Venus, ça commence comme un film policier, avec Lucia, danseuse, qui parvient à voler à son patron une énorme quantité de drogue. Forcément, ça ne se passe pas sans accroches, et toute l’organisation en a après la jeune femme, qui va trouver refuge dans l’appartement de sa sœur et de sa fille. Et malgré des gangsters de pacotille, dans un premier temps, ça marche, le film installe un climat inquiétant, joue sur l’ambiance, sur le doute, distille ci et là quelques indices et éléments sur le passé de l’immeuble. Quelque chose sonne faux, entre cette jeune femme voulant à tout prix fêter son anniversaire, et le reste des locataires qui ne sont que des personnes âgées paraissant bien trop gentilles pour ne pas cacher quelque-chose. Le syndrome Lords of Salem donc. Les scènes purement horrifiques s’infiltrent très doucement dans le récit, tandis qu’à l’extérieur, nos gangsters savourent des petites pâtisseries en se décidant sur la prochaine étape, qui n’arrivera que lors du final. Venus paraît alors maladroit, ou fauché au choix. Soit maladroit dès que Balaguero doit filmer hors de son réseau d’appartements comme il s’en moque clairement, soit fauché ce qui expliquerait la platitude et la relative inutilité de toutes ces scènes. Dans l’immeuble par contre, sans pour autant faire preuve de grande originalité, c’est immédiatement bien plus prenant, bien qu’affichant toujours un rythme lent pour privilégier l’ambiance. Tant pis si très rapidement, le récit ne se focalise plus que sur Lucia et la jeune Alba, venant à en oublier presque par moment la présence de Rocio, la sœur de notre héroïne. Mais ce qui doit arriver arriva, et le film bascule dans sa seconde moitié, un peu à la manière d’un From Dusk Till Dawn (Une Nuit en Enfer) dans l’horreur pure et un brin plus débridée.

Malheureusement, c’est là aussi que ça coince un peu plus. Que le film change de genre et l’assume, c’est très bien, surtout que dans les premiers instants, ça fonctionne bien, ça se fait plus rentre-dedans, plus sanglant, mais toujours avec un certain sérieux. Les éléments fantastiques et horrifiques, dont certains rappelleront des œuvres passées (et supérieures) sont nombreux, et le spectateur a, au final, ce qu’il était venu chercher. Mais lorsque le métrage se décide à faire intervenir au sein de son récit les fameux gangsters, ainsi qu’un ami de Lucia, le film perds alors en l’espace de quelques secondes tout son sérieux pour virer au n’importe quoi, à coup d’éventration mais pas grave, quelques coups d’agrafeuses et ça passe, de cultes un brin fauchés, puis d’un final totalement risible. Comme si toute l’atmosphère que Balaguero avait tenté d’instaurer durant la première heure ne comptait plus, puisqu’on ne la retrouve tout simplement plus, et que le réalisateur ne faisait qu’alors plus que répondre maladroitement au cahier des charges (possiblement, le film faisant parti d’une collection produite par Alex de la Iglesia), en balançant les éléments attendus à l’écran les uns après les autres et en les reliant comme il le pouvait, et donc sans grande subtilité, ni originalité, ni sérieux. Sans non plus aller trop loin dans le délire, ce qui aurait fait passer la pilule, mais non, là le film se retrouve le cul entre deux chaises. Certains apprécieront évidemment cette dernière (courte) partie, si l’ambiance et la lenteur de la première partie ne leur convenait pas, mais pour moi, elle reste un peu au travers de la gorge. Dommage, car comme énoncé, tout n’est pas à jeter, l’atmosphère de la première partie est bonne, quelques images horrifiques font plaisir à voir aussi, mais dans l’ensemble, c’est bien trop bancal sur la durée pour convaincre et passionner pleinement.

LES PLUS LES MOINS
♥ L’ambiance lente et intéressante de la première heure
♥ Un hommage aux trois mères ?
♥ Quelques moments horrifiques réussis
⊗ Les gangsters, menace tardive et ratée
⊗ Moins passionnant hors de l’immeuble
⊗ S’engouffre dans le ridicule sur la fin
note6
Venus est bancal, c’est le moins que l’on puisse dire. Pas dénué de quelques qualités, dans sa lente montée de l’horreur, dans quelques effusions de sang, mais trop hésitant dans le ton à adopter, et moins convaincant dès que l’on retrouve les gangsters.


Titre : Venus
Année : 2022
Durée :
1h40
Origine :
Espagne
Genre :
Horreur
Réalisation :
Jaume Balagueró
Scénario :
Jaume Balagueró et Fernando Navarro
Avec :
Ester Expósito, Ángela Cremonte, Inés Fernández, Magüi Mira, Fernando Valdivielso, Federico Aguado, Francisco Boira, Aten Soria et María José Sarrate

Venus (2022) on IMDb


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Auteur : Rick

Grand fan de cinéma depuis son plus jeune âge et également réalisateur à ses heures perdues, Rick aime particulièrement le cinéma qui ose des choses, sort des sentiers battus, et se refuse la facilité. Gros fan de David Lynch, John Carpenter, David Cronenberg, Tsukamoto Shinya, Sono Sion, Nicolas Winding Refn, Denis Villeneuve, Shiraishi Kôji et tant d'autres. Est toujours hanté par la fin de Twin Peaks The Return.
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