[Film] The Passenger, de Carter Smith (2023)

Alors que tout n’aurait dû être qu’une journée comme une autre dans un restaurant de burgers pour Randy, malgré les moqueries de certains de ses collègues, Benson, présent lui aussi dans l’équipe, pète un câble et avec un fusil, élimine froidement tout le monde sur place et prend Randy en otage. Prenant la route, les deux personnalités totalement opposées vont rendre visite à certaines connaissances de Randy.


Avis de Rick :
The Passenger, avec sa pochette qui sent bon les films grindhouse des années 70, ça faisait envie. Encore plus lorsque l’on sait qu’il s’agît du dernier métrage signé Carter Smith, le petit génie qui nous avait offert Les Ruines il y a déjà beaucoup trop d’années, et qui s’est fait plus rare dernièrement, jusqu’à la sortie en 2022 de Swallowed. Et quoi que l’on pense de lui, de son cinéma, de ses projets et de ses thématiques, il y a plusieurs choses qu’on ne pourra jamais lui retirer, c’est ses choix de casting, souvent pertinents, et sa direction d’acteurs aux petits oignons. Et comme la psychologique des personnages qu’il met en avant semble être ce qui intéresse en premier lieu le réalisateur, c’est forcément un très gros plus. A la lecture du pitch d’ailleurs, avec The Passenger, on peut s’attendre à un thriller ultra violent, un road movie à la Tueurs Nés par exemple. Ce qui n’aurait très certainement pas été pour me déplaire dans le fond, mais Carter Smith et son scénariste Jack Stanley (qui signe là son deuxième scénario, donc je dit chapeau) partent dans une direction différente de celle attendue, mais oh combien intéressante, tant ce qu’ils veulent nous montrer, nous raconter, et bien ils le maitrisent. The Passenger donc, c’est l’histoire de Randy Bradley. Un homme que l’on cerne très rapidement sans forcément en connaître les traumas les plus profonds. Timide, couvé par sa mère, silencieux, passif, Randy, c’est un homme comme on en voit tant, qui parle peu, ne fait pas d’histoires, fait ce qu’on lui demande sans trop se poser de questions, et c’est tout. Une journée comme les autres pour lui au début, il se rend au restaurant où il travaille en voiture, écoute son patron diriger l’équipe, se voit promettre une future promotion, est moqué par les autres employés. Jusqu’à ce que Benson, travaillant lui aussi sur place, témoin du harcèlement, ne sorte fumer une cigarette, pour finalement revenir armé d’un fusil de chasse et n’explose littéralement tout le monde, tous les employés, le patron, tout sauf Randy.

L’homme armé et l’homme passif vont prendre la route ensemble après avoir caché les corps dans le frigo, et les voilà à vivre une journée ensemble, sur la route. Le film finalement, s’il s’éloigne rapidement de ce que l’on attendait de lui, a finalement l’intelligence de montrer ses intentions et la dynamique entre ses deux personnages dés le carnage initial, et ça, c’est fort, puisqu’on ne le remarque qu’au fur et à mesure. Benson ne veut pas faire de mal à Randy, et il sait pertinemment que même s’il laisse Randy seul dans une pièce, avec un téléphone à portée, ou avec la possibilité de s’enfuir, Randy ne fera rien, il ne saisira jamais sa chance de peur des répercutions. Ou tout simplement en réalité par peur de finalement devoir agir et prendre des décisions par lui-même. Le film utilise alors ce rapport de force entre les personnages, le côté passif de Randy et le côté plus agressif de Benson pour faire évoluer Randy au fur et à mesure du voyage, le forçant à s’ouvrir, à révéler ses propres failles, révélant alors la « feuille de route » du trajet sanglant du duo. Benson est un psychopathe, oui, mais cependant, il écoute Randy, se moque de lui parfois, mais, comme pour se divertir ou passer le temps, le conduira toujours là où il faut pour que Randy puisse affronter ses démons. Une complicité donc assez étrange entre les deux, fragiles, manquant clairement de confiance ce qui est logique, mais néanmoins présente. Du coup, c’est parti pour rendre visite à l’ex qui aura abandonné Randy après…la mort de son chat, ou vers son professeur de primaire qu’il aura faillit rendre aveugle suite à un accident, et qui pourrait très bien expliquer pourquoi Randy semble terrifier à l’idée de prendre ses propres décisions, car les conséquences sont parfois difficiles à assumer derrière. The Passenger est donc bel et bien un thriller psychologique avant tout.

Et à ce niveau-là, il réussit haut la main ce qu’il entreprend. Malgré quelques facilités, notamment dans le final (où la police semble attendre tranquillement en arrière-plan, car c’est mal poli de couper quelqu’un pendant un monologue). La mise en scène de Carter Smith est appliquée, le métrage affiche le plus souvent un rendu hostile et solitaire, baignant constamment dans des tons sombres et gris (sauf le final, encore), dans une petite ville qui semble souvent étonnement vide, renforçant le sentiment de ces deux âmes égarées et solitaires. Et puis bien évidemment, il y a les acteurs. Johnny Berchtold et Kyle Gallner, que je découvrais tous les deux, respectivement Randy et Benson, sont tous les deux impressionnants. Johnny Berchtold se montre crédible, fragile, et ses quelques longs dialogues les yeux en larmes sonnent vrais. Quant à Kyle Gallner, il est très souvent impressionnant, autant dans ses longs monologues, que dans ses moments de doutes où il laisse sa gestuelle s’exprimer, que dans ses pétages de plombs imprévisibles qui débarquent sans prévenir et font le plus souvent mal, car Carter Smith n’appuie pas sur la violence, non, il la filme telle qu’elle arrive, soudaine, réaliste, froide. Evidemment, on pourra toujours dire que passé « l’étude » de ses deux personnages, The Passenger ne raconte rien de nouveau ou d’exceptionnel, mais qu’importe, puisque sur le moment, le voyage proposé prend aux tripes. La plus grosse interrogation, c’est qu’entre ses boites de productions (MGM+, Blumhouse, Paramount +), comment le métrage va arriver en France ?

LES PLUS LES MOINS
♥ Un très bon traitement de personnages
♥ Des acteurs exceptionnels
♥ Une excellente tension
♥ La violence, rare mais marquante
♥ Visuellement sobre et efficace
⊗ Un final un peu plus facile
note35
The Passenger, c’est un road movie entre deux personnages, tout en tension, en dialogues, qui parvient à prendre aux tripes grâce à une écriture fine et des acteurs impliqués et très bien dirigés, dont la violence parvient à surprendre. Un coup de cœur pour 2023.


Titre : The Passenger
Année : 2023
Durée :
1h38
Origine :
Etats Unis
Genre :
Suspense
Réalisation :
Carter Smith
Scénario :
Jack Stanley
Avec :
Johnny Berchtold, Kyle Gallner, Lupe Leon, Matthew Laureano, Sue Rock, Jordan Sherley, Kanesha Washington et Liza Weil
The Passenger (2023) on IMDb


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Auteur : Rick

Grand fan de cinéma depuis son plus jeune âge et également réalisateur à ses heures perdues, Rick aime particulièrement le cinéma qui ose des choses, sort des sentiers battus, et se refuse la facilité. Gros fan de David Lynch, John Carpenter, David Cronenberg, Tsukamoto Shinya, Sono Sion, Nicolas Winding Refn, Denis Villeneuve, Shiraishi Kôji et tant d'autres. Est toujours hanté par la fin de Twin Peaks The Return.
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