[Film] The Bastard, de Chu Yan (1973)


Un orphelin naïf, élevé par un maître en arts martiaux, part à la recherche de ses origines. Après avoir sauvé une jeune mendiante des griffes d’une bande de gangsters, il se prend d’amitié pour cette dernière. Il découvre ensuite sur son passé, une vérité beaucoup plus douloureuse qu’il ne l’aurait imaginée…


Avis de Laurent :
Souffrant de l’ombre faite par les plus grands succès de Chu Yan (Clan Of Intrigues, The Magic Blade, Intimate Confessions Of A Chinese Courtisan …), The Bastard n’en demeure pas moins une œuvre partiellement maîtrisée. On lui reprochera notamment un manque de rythme évident. The Bastard raconte l’aventure d’un homme sans nom et sans famille, se faisant appelé P’tit Bâtard, qui part à la recherche de ses parents. Son seul indice étant le lieu où son vieux maître l’aurait trouvé 18 années auparavant. Le handicap apporté par son manque d’instruction et sa naïveté sera compensé par une incroyable maîtrise du kung-fu. Ce Candide découvrant un monde gouverné par la force, la corruption et le mensonge trouvera, en la personne de P’tite Lily, une alliée d’une gentillesse exceptionnelle.

Bien que noyé dans l’immense filmographie de son réalisateur, le talent de Chu Yan suffit à faire sortir The Bastard du ventre mou de l’énorme production des studios de la Shaw Brothers. Mais le génie de Chu Yan n’en fait pas une œuvre exempte de défauts. En effet, il est dommage que l’intrigue mette tant de temps à s’installer. Les quelques combats présents lors de la première heure sont fébriles et ne mettent pas en valeur le talent martial de ses acteurs. Les coups sont trop mollement portés pour faire adhérer le spectateur habitué à l’énergie présente dans les chefs-d’œuvre du maître. Il faudra attendre environ 45 longues minutes pour voir l’intrigue s’accélérer par l’intermédiaire d’une somptueuse scène érotique. La gymnastique du cadrage, la maîtrise du premier plan, ainsi qu’un jeu sur la mise au point apporteront à cette scène une dimension particulière dans un érotisme tout en retenu. Elle apporte une véritable cassure et le rythme va enfin s’accélérer avec son lot de trahisons, de mensonges et de personnages corrompus.

L’action commence enfin à se débrider pour gagner en intensité furieuse. Le spectateur est ainsi pris au dépourvu, lui qui pensait suivre une œuvre monotone et sans envergure. Chu Yan, alors timide jusque- là, joue de la caméra, alternant plans larges et scènes rapprochées. Il recycle certains codes exploités dans les meilleurs westerns avec gros plans sur les yeux ou sur les armes. La partition très teintée années 70 apporte parallèlement un charme décalé des plus réussis. Le final est une très longue scène à un contre vingt dans laquelle Chu Yan alterne judicieusement séquences d’observations et bastonnades furieuses usant d’un montage audacieux. Le duo de chorégraphes n’est pas étranger à la qualité des combats. Effectivement, après une heure de douce léthargie, Yuen Cheung Yan et Yuen Woo Ping se déchaînent pour garder un rythme enfin soutenu. Au niveau de l’interprétation du trio amoureux principal, le bilan reste mitigé. Lily Li Li Li apporte du panache et dynamise le jeu sans nuance et sans subtilité de Chung Wa qui ne se contente que de grimacer pendant toute la première partie du film. Son jeu gagne enfin en profondeur lorsqu’éclatera sa colère, mais il est évident qu’il est encore trop juste pour interpréter un premier rôle. La dualité entre les deux personnages féminins est, quant à elle, savoureusement bien menée par deux comédiennes qui sont le négatif l’une de l’autre devant la caméra. Lily Li Li Li réagit spontanément alors que le personnage interprété par Kong Ling est tout en mystère et en retenu. La plastique raffinée de cette dernière apporte un plus non négligeable. Attirante sans être vulgaire.

LES PLUS LES MOINS
♥ La mise en scène
♥ La 2ème moitié du film
♥ Les combats
⊗ Manque de rythme évident
⊗ Quelques combats en deçà

En somme, The Bastard est donc une œuvre inégale qui se regarde sans déplaisir mais qui souffre malheureusement d’un rythme laborieux dans toute sa première partie. On peut la considérer tout de même comme un brouillon des futurs chefs-d’œuvre d’un des réalisateurs les plus talentueux et originaux des studios de la Shaw Brothers.



Titre : The Bastard / Little Hero / 小雜種
Année : 1973
Durée : 1h42
Origine : Hong Kong
Genre : Kung Fu
Réalisateur : Chu Yan
Scénario : Chiu Kang-Chien

Acteurs : Tsung Hua, Lily Li Li-Li, Chiao Lin, Ching Miao, Lau Dan, Cheng Lei, Chen Tsan-Kang, Lee Ho, Wu Chin-Chin- Chan Shen, Yang Chi-Ching, Chan Ho

 The Bastard (1973) on IMDb


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Auteur : Laurent

Un des membres les plus anciens de HKmania. N'hésite pas à se délecter aussi bien devant un polar HK nerveux, un film dansant de Bollywood, qu'un vieux bis indonésien des années 80. Aime le cinéma sous toutes ses formes.
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