[Film] Miss Oyu, de Kenji Mizoguchi (1951)


Oyu est une jeune veuve, vivant à Kyoto avec son fils en bas age. Quand sa famille décide de marier la sœur cadette Oshizu, Oyu encourage cette dernière à trouver mari. Mais Oyu tombera amoureuse de Shinnosuke, l’heureux élu. Se rendant compte du tourment qui hante sa sœur et son mari, Oshizu accepte leur liaison secrète, et un curieux ménage à trois se dessine.


Avis de Yume :
Oyu Sama fait partie de ses films de Kenji Mizoguchi dont on ne parle jamais, forêt cachée par les quelques grands chefs d’œuvres reconnus du maître. Pourtant, et même si ce Miss Oyu n’est pas à proprement parler une pièce importante de la filmographie de Mizoguchi, on y retrouve déjà (pour ceux qui ne connaissent que les films suivants) ou encore (pour les fins connaisseurs) l’habileté de Mizoguchi à parler de la femme et surtout de la condition de celle-ci dans la société japonaise. Marqué dès son enfance par cette inégalité flagrante, Mizoguchi trouve écho à ses pensées dans un roman de Junichiro Tanizaki : Ashikari.

Ecrit en 1932, Ashikari est un des premiers romans de cet écrivain célèbre qui mélangeait avec aisance héritage culturel et apport occidental. L’histoire est basée sur une ligne dramatique implacable : une femme tiraillée entre amour et respect des règles, entre épanouissement personnel et conformité d’apparence. Un thème à priori complètement Mizoguchien, que ce dernier va porter à l’écran dans ce Miss Oyu, un film tout en retenu dont le seul véritable intérêt est, une fois encore, l’impressionnante composition de la géniale Kinuyo Tanaka. Quoique que l’on puisse penser de Oyu Sama, il faut s’accorder sur le fait que cette femme est une de ces actrices immortelles, incarnation parfaite, film après film, de la femme selon Mizoguchi, de la putain à la mère de famille en passant par l’amante. On la retrouve ici, toute en nuances subtiles, en femme tiraillée entre un amour de cœur impossible selon les règles de la société. En effet veuve, Oyu ne peut se remarier, et doit donc tenter de laisser son amour de côté, tout en voyant l’homme qu’elle aime vivre avec sa jeune sœur. Mais le désir se révélera ardent, par-delà la raison, jusqu’à semer le trouble familial mais aussi dans le voisinage.

Malheureusement malgré la profonde sympathie et pitié que Oyu peut engendrer, le film n’arrive pas réellement à prendre aux tripes. Le destin d’Oyu ne retourne pas l’âme et le cœur comme celui d’Oharu l’année suivante. Mizoguchi l’avoue lui-même en disant n’être pas totalement satisfait du film. Il reste cependant un beau destin de femme, ou plutôt de femmes, car Miss Oyu ne peut être simplement réduit à l’héroïne qui prête son nom au titre. Ça serait oublier le personnage d’Oshizu, femme assez forte et pleine d’amour pour accepter la liaison de son mari et sa sœur. Assez forte, jusqu’à la limite, celle de l’amour jusqu’à là enfoui qu’elle porte à son mari, et son désir de maternité. Oshizu mériterait même presque plus d’attention et de traitement que Oyu, en tant que femme sacrifiée par sa famille, délaissée par son mari, mais aimante à un point incompréhensible pour beaucoup.

LES PLUS LES MOINS
♥ La vision de la femme de Mizoguchi
♥ Kinuyo Tanaka
♥ Le casting
⊗ N’arrive pas à prendre aux tripes
Formidablement mis en image (malgré quelques imperfections notables), ce double portrait se révèle agréable à suivre, mais ne tient pas la comparaison face à des films comme Saikaku Ichidai Onna. Miss Oyu est un film rare de Mizoguchi dont il est impossible de se passer si vous êtes un inconditionnel du Maître. Mais ce n’est pas le film à voir en priorité dans la longue et fabuleuse filmographie de Kenji Mizoguchi.



Titre : Miss Oyu / Oyu Sama / お遊さま
Année : 1951
Durée : 1h29
Origine : Japon
Genre : Amour Impossible
Réalisateur : Kenji Mizoguchi
Scénario : Yoshikata Yoda, Jun’ichirô Tanizaki

Acteurs : Kinuyo Tanaka, Nobuko Otowa, Yuji Hori, Kiyoko Hirai, Reiko Kongô, Eijiro Yanagi, Eitaro Shindô

 Miss Oyu (1951) on IMDb


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Auteur : yume

Un bon film doit comporter : sailor fuku, frange, grosses joues, tentacules, latex, culotte humide, et dépression. A partir de là, il n'hésite pas à mettre un 10/10. Membre fondateurs de deux clubs majeurs de la blogosphere fandom cinema asitique : « Le cinema coréen c’est nul » World Wide Association Corp (loi 1901) et le CADY (Club Anti Donnie Yen).
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