[Film] L’Impasse, de Brian De Palma (1993)

Dans le New York de la fin des années 1970, un truand venant de purger une peine de cinq ans de prison, Carlito Brigante, décide de se ranger et de se construire une nouvelle vie, mais ses anciens complices ne l’entendent pas ainsi.


Avis de Rick :
L’Impasse, en voilà bien là un film passionnant. Autant par ses thématiques, autant parce qu’il est excellent et constitue sans doute le dernier chef d’œuvre de Brian De Palma, autant parce que, revu à l’intérieur même de la filmographie de son auteur, il y trouve du sens. Car nous sommes en 1993, et Brian De Palma vient d’essuyer deux échecs, autant public que critique, avec Le Bûcher des Vanités et L’Esprit de Caïn. Deux échecs, alors qu’il venait auparavant d’enchaîner deux grands films, avec Les Incorruptibles et Outrages. Du coup, le fait de le revoir avec un film produit par Martin Bregman, qui avait produit auparavant avec lui Scarface pile 10 années auparavant, avec en tête d’affiche Al Pacino justement, cela fait presque réfléchir. Cela aurait pu être l’assurance d’un projet facile, d’un film facile, d’un succès facile même. Dans les faits, oui. Sauf que L’Impasse raconte l’histoire de Carlito Brigante, et non pas de Tony Montana, et tout oppose les deux hommes. Le premier rêvait d’argent et de pouvoir en bossant dans le milieu sous le soleil de Miami, tandis que le second rêve d’une vie normale, avec un job banal et sans risques, sous un New York souvent pluvieux. Tony Montana était entouré de crapules du milieu, et même son meilleur ami le suivant dans toutes ces magouilles, dans la construction d’un empire. Carlito Brigante surprend tout le monde, de ses anciens collègues aux petites racailles qui rien qu’à son nom connaissent son passé, jusqu’à son meilleur ami Dave, son avocat, qui vient de le faire sortir de prison, espérant tous qu’il replonge afin de continuer à se sucrer avec une part du gâteau. Dans les faits, l’Impasse peut clairement être vu comme un anti Scarface. Mais même ça, ça aurait été sans doute trop facile pour De Palma. Il change pas mal de données, il change son personnage en lui donnant plus d’humanité, plus de romantisme également, plus d’honneur.

La quête de pouvoir se change en quête de rédemption, et dans les faits, il est vrai, le scénario de l’Impasse et sa narration sont simples et déjà vues. Même son ouverture, nous annonçant déjà un avenir fatal pour son personnage, est prévisible, et cette fatalité s’étend sur tout le métrage, et aurait été perceptible même sans lui. Et pourtant, malgré tout ça, l’Impasse fonctionne à 200%. Parce qu’il est bien huilé dans son scénario, parce que ses personnages sont attachants, parce que sa mise en scène est soignée au millimètre près, parce que De Palma ménage ses effets pour les rendre encore plus surprenants et parfois tendus, et parce que, malgré une issue prévisible et courue d’avance, De Palma parvient à rendre son dernier acte passionnant, maitrisé et à nous hypnotiser, les yeux rivés sur l’écran, le souffle coupé. La marque d’un grand film ? Assurément. Contrairement à Scarface, L’Impasse se fait plus court, plus romantique, plus posé au niveau de son rythme, pour tout mettre au service de son intrigue et de ses personnages. Carlito revient donc à la vie, après cinq années de prison, et son rêve, c’est de quitter la région, de partir pour les îles et d’y vendre des voitures en tout légalité. Mais pour ça, il lui faut de l’argent, et grâce à son bon ami Dave, son avocat qui vient de le faire sortir grâce à un recours de justice, le voilà pour un temps à la tête d’une boite de nuit de Miami, qui attire toutes sortes de crapules dés que la nuit tombe. Mais peu importe combien de fois on va lui demander, peu importe la manière dont on tenteras de faire pression sur lui, où les ennuis qui lui arriveront en pleine face, Carlito refuse de revenir à son ancienne vie. Il tente de fuir les bagarres, d’éviter les conflits, et même lorsqu’une situation tourne mal et que ses hommes s’attendent à le voir abattre froidement son ennemi, impuissant, Carlito le laisse partir. Rien ne pourra le faire dévier de son objectif, celui de récupérer assez d’argent pour fuir loin de tout ça, et si possible, de le faire avec la femme qu’il aime, bien qu’il lui ai au départ brisé le cœur avant de partir en prison.

Al Pacino est impeccable comme toujours dans son rôle, mais le reste du casting n’est pas en reste, que ce soit les rôles importants autour de lui, ou des seconds rôles qui aujourd’hui peuvent faire sourire. Oui, on y découvre un Viggo Mortensen encore inconnu du grand public par exemple, et oui, la coupe de cheveux de Sean Penn à de quoi surprendre. Et à côté, il y a Penelope Ann Miller, l’intérêt romantique de Carlito, John Leguizamo qui retrouve De Palma après Outrages et sans doute content d’être dans un bon film vu que la même année sort Super Mario Bros, ou encore Luis Guzman que l’on reverra propriétaire d’une boite de nuit quelques petites années plus tard dans Boogie Nights. Un grand casting donc. Que De Palma filme à la perfection, trouvant matière dans le scénario de David Koepp qui travaille pour la première fois avec le réalisateur (suivront Mission Impossible et Snake Eyes) à mettre en avant ses thématiques, et des sujets qui lui tiennent à cœur à ce moment là, puisqu’encore une fois, L’Impasse a clairement une place de choix dans la filmographie de De Palma. De par sa mise en scène, ses thématiques donc, et bien entendu, sa très longue scène finale, morceau de choix, pouvant rappeler par sa tension et même le lieu de son action, une gare, les moments de bravoures qu’étaient des scènes dans des lieux similaires dans Blow Out dés 1981 ou Les Incorruptibles en 1987. Mais De Palma, hyper inspiré, ne se contente pas de mettre ses envies et tics sur grand écran, mais filme ses enjeux fatalistes de main de maître, avec cette caméra embarquée en steadycam lors d’une poursuite haletante dans le métro, avant un plan séquence relevant du génie tant il prouve une maitrise minutieuse de l’espace et du timing. Et du coup, la tension elle explose dans une scène que je connais littéralement par cœur, comme pour les scènes des deux films précités, tant De Palma parvient à faire monter la tension mais aussi l’émotion par le pouvoir de l’image, et pendant une bonne dizaine de minutes, à raconter son scénario par l’image et non le dialogue. Un nouveau coup de maître, et De Palma en avait grand besoin.

LES PLUS LES MOINS
♥ Casting aux petits oignons
♥ Rédemption, romantisme
♥ Ce final d’une tension inouïe
♥ Mise en scène incroyable
♥ Un côté fataliste présent dés le début
⊗ …
note75
L’Impasse, c’est du très grand Brian De Palma, maitrisé de bout en bout, avec ses moments de bravoure, son casting parfait, sa mise en scène esthétique parfaite. Avec un propos simple, De Palma fait ce qu’il fait de mieux, tout en surprenant et en évitant ce que l’on pouvait attendre d’un tel film sur le milieu des truands.



Titre : L’Impasse – Carlito’s Way

Année : 1993
Durée :
2h24
Origine :
Etats Unis
Genre :
Policier
Réalisation : 
Brian De Palma
Scénario : 
David Koepp d’après le roman de Edwyn Torres
Avec :
Al Pacino, Sean Penn, Peneloppe Ann Miller, John Leguizamo, Ingrid Rogers, Luis Guzman, James Rebhorn et Viggo Mortensen

 Carlito's Way (1993) on IMDb


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Auteur : Rick

Grand fan de cinéma depuis son plus jeune âge et également réalisateur à ses heures perdues, Rick aime particulièrement le cinéma qui ose des choses, sort des sentiers battus, et se refuse la facilité. Gros fan de David Lynch, John Carpenter, David Cronenberg, Tsukamoto Shinya, Sono Sion, Nicolas Winding Refn, Denis Villeneuve, Shiraishi Kôji et tant d'autres. Est toujours hanté par la fin de Twin Peaks The Return.
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