[Film] Dealer, de Jeroen Perceval (2022)


Johnny, 14 ans, deale pour Luca, caïd intraitable. Il rêve d’une vie meilleure, loin de la drogue et des institutions pour mineurs. Il trouve espoir auprès d’un de ses clients, Antony, acteur de renommée internationale, qui est comme un père de substitution. Les deux tentent de donner une nouvelle direction à leur vie qui semble vouée à une impossible rédemption…


Avis de Cherycok :
J’enchaine les films qui remuent les tripes on dirait en ce moment. Après The Painted Bird (2019) sorti chez Spectrum, mettant en scène un jeune enfant en prise avec la réalité de la guerre, voici aujourd’hui Dealer tout fraichement sorti en DVD chez Eurozoom. A nouveau un enfant, de 14 ans, mais ce coup-ci baigné dans le milieu de la drogue et tout ce que cela va impliquer. Dealer est le premier film du scénariste et comédien Jeroen Perceval, vu dans Bullhead ou Les Ardennes, et il a gagné de nombreux prix dont celui du meilleur film et du meilleur réalisateur au Film Festival Oostende. Non pas que cela soit gage de qualité, mais cela nous assure au moins un film qui doit tenir la route. La route, il la tient clairement, et même bien plus que ça tant le film reste en tête une fois que le générique de fin retentit.

Jeroen Perceval a pensé au scénario de Dealer en voyant d’une part ces jeunes garçons qui travaillent pour des dealers plus âgés dans sa ville natale d’Anvers en Belgique, et d’autre part en ayant côtoyé, en tant qu’acteur et fils de metteur en scène de théâtre, des personnes renommées du milieu du cinéma. Dealer est un film qui parle de rédemption. D’un côté, nous avons un jeune homme de 14 ans livré à lui-même. Il boit, il fume, il deale de la drogue, il sort tout un tas d’insanités et voit à longueur de journée des choses qu’un enfant de son âge ne devrait pas voir. Il tente de s’en sortir comme il peut avec la vie qui lui met des bâtons dans les roues. Un enfant qui, par la force des choses, a grandi trop vite et qui n’est même pas réellement enfant auprès de sa mère un peu paumée, un peu instable. D’un autre côté, nous avons Antony, cet acteur reconnu, mal dans sa peau, accro à la cocaïne, qui derrière cette façade de la célébrité est un looser, et il le sait. Il va se lier d’amitié avec Johnny et le prendre sous son aile, comme s’il avait besoin de faire quelque chose de bien et de se racheter de cette vie de débauche et de drogue. Mais difficile de tourner la page, aussi bien pour Johnny que pour Antony, quand sans cesse des choses les ramènent à leur ancienne vie et que les choix qui s’offrent à eux sont limités. Et puis il y a le risque de replonger, encore plus profond. Dealer est une tranche de vie pleine d’émotions très variées, dans laquelle la jeunesse est livrée à elle-même, évoluant dans un monde sans code moral, avec ce jeune personnage qui n’a pas de réelle famille mais qui compense par plusieurs semblants de famille : une avec ses amis dealers qu’il considère comme ses frères, une avec cet acteur qu’il considère presque comme un père (lui qui a grandi sans figure paternelle), une avec cette mère un peu à l’ouest mais qu’il aime malgré tout.

Avec Dealer, Jeroen Perceval joue la carte du réalisme. Langage cru, scènes de la vie de tous les jours, il filme caméra à l’épaule pour coller au plus près de ses personnages. La mise en scène est minimaliste mais millimétrée, le scénario bien écrit, et la photographie est superbe, avec beaucoup d’éclairages aux néons colorés. Le langage y est cru, tout comme certaines scènes (la scène de sexe dans le premier tiers), certains passages sont bien glauques, et le film met le spectateur dans une situation inconfortable à plusieurs reprises. Surtout qu’on sait tous que ce qu’il se passe dans le film existe réellement et Dealer remue le bide avec sa fin marquante, avec deux scénarios en parallèle. On sort du film un peu estomaqué, un peu sonné, car le réalisateur prend des risques et ne se met pas réellement de limites. Si certaines scènes sont aussi marquantes, c’est parce que les jeunes acteurs, et plus particulièrement Sverre Rous, font preuve d’un naturel désarmant, au point qu’on se demande si certaines lignes de dialogue n’ont pas été improvisées. Le casting dans son ensemble fait du bon boulot et la direction d‘acteurs est vraiment à saluer. Oui, il y a des clichés surtout dans la façon dont est dépeint le milieu de la drogue ou celui des artistes. Mais c’est aussi peut-être parce que le film est dans le vrai et que les clichés sont seulement révélateurs d’un monde bien réel. On sort de Dealer avec l’envie de détester ces gens qui profitent de ces jeunes paumés, et qu’importe s’il n’est qu’une variation de choses déjà vues dans d’autres films (comme dans le Pusher de Nicolas Winding Refn si j’en crois ce que je lis), tout le monde ne les a pas vus, votre serviteur le premier. Du coup, oui, pour moi, Dealer est un film plutôt marquant.

LES PLUS LES MOINS
♥ Le jeune Sverre Rous, impressionnant
♥ Très belle photographie
♥ Des scènes très puissantes
♥ La mise en scène
♥ Le final
⊗ Certains points manquent de développement

Dealer est un film percutant à la mise en scène extrêmement soignée et au casting déroutant de naturel. On en ressort la gorge nouée, avec la certitude que son final restera longtemps gravé dans notre tête. Une belle réussite.


DEALER est sorti chez Eurozoom en DVD au prix de 19.99€. Il est disponible à l’achat ici : Eurozoom

En plus du film, on y trouve : Interview du réalisateur, court métrage « August » de Jeroes Perceval.



Titre : Dealer
Année : 2022
Durée : 1h44
Origine : Belgique
Genre : La drogue, c’est mal
Réalisateur : Jeroen Perceval
Scénario : Jeroen Perceval

Acteurs : Sverre Rous, Ben Segers, Hannah MacPherson, Ayman Sitiane, Bart Hollanders, Veerle Baetens, Abigail Abraham, Poal Cairo, Muzafer Ipecki

Dealer (2021) on IMDb


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Auteur : Cherycok

Webmaster et homme à tout faire de DarkSideReviews. Fan de cinéma de manière générale, n'ayant que peu d'atomes crochus avec tous ces blockbusters ricains qui inondent les écrans, préférant se pencher sur le ciné US indé et le cinéma mondial. Aime parfois se détendre devant un bon gros nanar WTF ou un film de zombie parce que souvent, ça repose le cerveau.
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