[Film] Dead Zone, de David Cronenberg (1983)

Professeur, Johnny Smith se retrouve dans le coma pendant cinq longues années après un accident de voiture. À son réveil cependant, quelque chose a changé. En touchant une personne, il a le don de voir son avenir ou son passé.


Avis de Rick :
Ce qui est intéressant avec l’œuvre de Stephen King, c’est de voir que beaucoup de grands réalisateurs se sont approchés de l’œuvre de l’écrivain, et qu’au début des années 80, il s’agissait encore de grands réalisateurs. Des réalisateurs dit de genre dans un sens, mais des auteurs au style facilement identifiable. Brian De Palma pour Carrie, Tobe Hooper pour Les Vampires de Salem, Stanley Kubrick pour Shining. Il y a assurément pire, même si le film de Hooper est un téléfilm un brin chiant et que le film de Kubrick trahit le roman (mais le sublime pour le coup). 1983 est une année importante, puisque deux romans de King sont portés sur les écrans, par deux petits réalisateurs qui ont débuté dans les années 70, et au style identifiable à des kilomètres. Il y a Christine de John Carpenter, et Dead Zone de David Cronenberg. Avec le recul, deux films mineurs dans la filmographie de ses deux grands réalisateurs, mais deux réussites. Et aujourd’hui, nous allons parler de Dead Zone de David Cronenberg, un film produit par Debra Hill pour le compte de Dino De Laurentiis. Un des rares métrages de Cronenberg d’ailleurs où la musique n’est pas signée Howard Shore mais Michael Kamen, par décision du studio qui voulait quelqu’un de bien plus connu. Mais Cronenberg a néanmoins eu de la liberté, dans sa façon de traiter le sujet et de la mettre en image, et il est encore plus intéressant de mettre l’œuvre en lumière avec les films qui l’entourent au sein de sa filmographie, puisque Cronenberg a semble-t-il volontairement alterné les approches de son cinéma durant plusieurs métrages au sein des années 80, livrant le très visuel et choc Videodrome la même année avant de sortir un Dead Zone beaucoup plus sobre, pour revenir en 1986 avec La Mouche et ses nombreux effets spéciaux, avant de livrer encore une fois l’exact opposé avec le génial Faux Semblants deux ans plus tard.

Ce qui ne change pas d’un film à l’autre, c’est l’approche du réalisateur, privilégiant donc l’ambiance mais soignant toujours son sujet pour en faire ressortir le meilleur. Dead Zone donc, c’est l’histoire de Johnny Smith, un prof a qui tout réussi, et qui, comble de l’ironie, fait étudier la légende du cavalier sans tête à ses élèves, des années avant que Christopher Walken, jouant le professeur, ne joue le rôle du dit cavalier chez Tim Burton. Sauf qu’en rentrant chez lui un soir, le voilà victime d’un accident de voiture, qui va dramaticalement changer sa vie. Cinq années plus tard, il se réveille d’un coma, comme si pour lui une seule journée avait eu lieu. En un instant, il perd son travail, sa financée qui a reconstruite sa vie et a d’ailleurs donné naissance plusieurs mois avant son réveil à un bébé. Le voilà donc, devant repartir de zéro, boitant, ne connaissant plus le monde qui l’entoure, sa ville, ses amis, la politique. Mais Johnny se réveille différent, avec ce qu’il considère comme une malédiction. En touchant une personne, il peut, au choix, voir son passé ou son avenir. Et a donc le choix. Le choix de changer cet avenir souvent sombre qu’il découvre comme s’il y était. Un concept simple, mais ouvrons de nombreuses pistes et thématiques. Pour le personnage et son entourage déjà, l’un vivant ça comme une malédiction, les autres pensant à un don, mais également à des niveaux plus vastes. Peut-on changer l’avenir, ou alors ce qui doit arriver arrivera ? L’approche du sujet par Cronenberg est très naturelle, et le réalisateur se refuse presque les effets chocs. Ils sont présents, notamment le temps d’une scène, mais le réalisateur Canadien préfère soigner le reste et baser son film sur les émotions de ses personnages que sur les ressorts fantastiques de son histoire. Et tant mieux, car il bénéficie ici d’un excellent casting.

Christopher Walker dans le rôle principal est excellent, comme souvent finalement, mais les seconds rôles ne sont pas en reste. Pour l’ex fiancée du héros, on trouve Brooke Adams, qui avait (ou non, mais ce fut mon cas) marqué les esprits en 1978 avec L’Invasion des Profanateurs, dans le rôle du shérif de cette petite ville on trouve Tom Skerritt (Alien, Contact), et pour jouer un politicien véreux, le grand Martin Sheen (Apocalypse Now). Dans un petit rôle marquant, on trouve Nicholas Campbell, qui retrouvera Cronenberg en 1991 pour Le Festin Nu, et qui apparaissait déjà dans Chromosome 3. Un excellent casting qui met son talent au service de l’histoire. Une histoire simple certes, qui prend son temps pour poser ses enjeux et thématiques, mais crédible grâce à ses personnages. Il y a d’ailleurs quelque chose de très intéressant dans ce personnage principal, à l’opposé de nombreux héros qui ont pour habitude de déjouer des complots au cinéma, puisque Johnny n’est qu’un homme ordinaire qui veut retrouver son quotidien ordinaire, ne veut pas de son don, et n’a que faire de la politique, il n’est même pas inscrit pour voter. Mais il reste avant tout humain, et lorsqu’il faut se lancer dans un crime pour déjouer un avenir sombre, pas le choix, il se lance. Mais l’autre aspect intéressant du métrage, et plutôt surprenant en 1983 venant de Cronenberg, c’est que cet aspect politique n’intervient que tardivement, toute la première partie du récit, une heure environ, se veut avant tout dramatique, avec plusieurs arcs scénaristiques, notamment celui du tueur au ciseau, se terminant par le seul moment résolument choc du métrage, qui mettent constamment en avant son personnage principal et sa solitude. Dead Zone, plus qu’un énième film fantastique pour Cronenberg, est un drame avant tout humain et intériorisé, et une réussite en ce sens. Mais un film qui décevra sans doute les amateurs de fantastique plus classique.

LES PLUS LES MOINS
♥ Casting aux petits oignons
♥ Une mise en scène sobre et appliquée
♥ Les moments chocs, très rares, mais marquants
♥ Des thématiques intéressantes
⊗ Le côté fantastique de l’intrigue trop timide
note8
Cronenberg accepte le film de commande après Videodrome, et signe un film à la frontière entre le drame, le fantastique et le film politique. Surprenant, tout en subtilité et porté par un grand casting.



Titre : Dead Zone – The Dead Zone

Année : 1983
Durée :
1h43
Origine :
U.S.A.
Genre :
Fantastique
Réalisation : 
David Cronenberg
Scénario : 
Jeffrey Boam d’après Stephen King
Avec :
Christopher Walken, Brooke Adams, Tom Skerritt, Herbert Lom, Anthony Zerbe et Martin Sheen

 The Dead Zone (1983) on IMDb


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Auteur : Rick

Grand fan de cinéma depuis son plus jeune âge et également réalisateur à ses heures perdues, Rick aime particulièrement le cinéma qui ose des choses, sort des sentiers battus, et se refuse la facilité. Gros fan de David Lynch, John Carpenter, David Cronenberg, Tsukamoto Shinya, Sono Sion, Nicolas Winding Refn, Denis Villeneuve, Shiraishi Kôji et tant d'autres. Est toujours hanté par la fin de Twin Peaks The Return.
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