[Film] The Witch, de Robert Eggers (2015)

1630, en Nouvelle-Angleterre. William et Katherine, un couple dévot, s’établit à la limite de la civilisation, menant une vie pieuse avec leurs cinq enfants et cultivant leur lopin de terre au milieu d’une étendue encore sauvage. La mystérieuse disparition de leur nouveau-né et la perte soudaine de leurs récoltes vont rapidement les amener à se dresser les uns contre les autres…


Avis de Rick :
The Witch est un film qui aura bien fait parler de lui. Tellement qu’aux Etats Unis, après une sortie discrète, il sera de nouveau arrivé sur les écrans, de manière moins confidentielle cette fois. C’est fort de ce succès et de sa réputation que le film débarquait en France, et en a déçu certains. Car oui, The Witch est un film de genre, mais au sens noble du terme, à l’opposé de ce que le public actuel pense lorsqu’on lui parle de films d’horreur. Aucun jumpscares (yes), pas d’apparitions furtives, pas de reflets dans des miroirs, pas d’ombres menaçantes, pas de gore. Basiquement au final, tout ce qui fait le cinéma de genre depuis bien 10 ans. The Witch est un film qui joue sur l’ambiance, sur ses thèmes, et avant tout sur ce qu’il raconte. Nous sommes en 1630, et une famille est bannie. William, sa femme, ses 4 enfants et leur nouveau né s’installe en pleine forêt et se construisent une petite maison. Tout pourrait aller pour le mieux. Une maison, du bois pour se chauffer, des récoltes à planter, un petit ruisseau à côté, une famille aimante et croyante. Le paradis quoi. Jusqu’au jour où le nouveau né disparaît pour une raison inconnue et que cette famille commence à se détruire de l’intérieur. Paranoïa, peur de la mort, peur de ce qu’il y a après la mort, doute sur sa propre famille. The Witch est un film d’horreur qui fonctionne grâce à son climat oppressant, au sentiment d’impuissance et d’incompréhension des personnages. D’ailleurs, faisons court, The Witch est un excellent film, et si je ne devrais citer qu’un seul défaut, le voici. Le titre nous le dit clairement, The Witch, nous aurons une sorcière.

Le film ne nous le cache pas, mettant en scène la sorcière dés la 8ème minute (j’ai vérifié). Et c’est dommage. Dommage de révéler dés le départ qu’il y a véritablement une sorcière, que ce qui se passe n’est pas de la paranoïa collective. Maintenant, relativisons, puisque les scènes concernant la dite sorcière sont superbement mises en scène et bénéficient d’une ambiance à couper au couteau. Juste qu’en insérant cette petite scène aussi tôt, le doute n’est pas permis, et le spectateur a une longueur d’avance sur les personnages. Mais au-delà de ça, Robert Eggers soigne son film, autant dans son scénario que dans sa mise en scène, et livre un produit effrayant si l’on accepte sa proposition d’un cinéma lent, d’ambiance, suggéré, plutôt qu’un cinéma de genre comme on en voit un peu trop, avec jumpscares et effets faciles. The Witch est lent, il prend son temps, il instaure un malaise, et il y parvient sans mal, autant par son scénario que par certains de ses choix visuels que par le talent de ses acteurs parlant l’anglais de l’époque. Le scénario nous parle bel et bien de la destruction de la famille, de la paranoïa naissante. La famille est impuissante face à la disparition d’un de leur enfant, ils sont renfermés sur eux-mêmes, dans leurs croyances, ils sont même écrasés. Sentiment accentué par le choix du format d’image, format peu commun de nos jours (voir n’existant plus), le format 1.66. Oui, l’image est beaucoup plus petite sur les côtés, donnant ce sentiment d’enfermement pour les personnages, mais est beaucoup plus grande en hauteur, donnant alors un côté effrayant à la nature et à ses arbres gigantesques qui semblent retenir les personnages prisonniers de leur environnement.

Mais il n’y a pas que ce simple choix de format d’image, puisque malgré un budget limité, Robert Eggers soigne sa mise en scène et nous offre de sublimes images, en lumière naturelle, que ce soit celle du jour, ou de nuit, l’éclairage à la bougie. Son scénario nous parle clairement de la famille, et de son rejet par la société, mais rapidement, c’est Thomasin qui est rejetée par sa propre famille, toujours pointée du doigt par la mère comme étant la coupable, faisant peur aux deux plus jeunes de la famille qui semblent bien difficiles à contrôler. Anya Taylor-Joy, revue depuis dans Split, récupère là un rôle difficile et elle s’en sort formidablement. Le père est clair là dessus de toute façon, nous naissons tous dans le péché, et ce n’est qu’au fur et à mesure de notre vie que nous devenons bons et pouvons accéder au pardon. Thomasin est jeune, commence à devenir une femme, et donc représente aux yeux de sa propre famille le mal, dans une solution de facilité. Même le père finira par ne plus croire en sa propre fille. The Witch nous offre donc une vision de la famille, une vision de cette époque, assez bornée certes, enfermée dans ces propres croyances, et joue donc sur le côté angoissant des situations sans jamais avoir recourt à des effets faciles, et ça se salue. À condition donc de ne pas attendre un film de genre classique, et d’accepter la lenteur du récit (je n’ai pas dit long, mais lent), ce qui en rebutera plus d’un malgré tout.

LES PLUS LES MOINS
♥ Une ambiance angoissante
♥ Aucun effet facile
♥ Très belle mise en scène
♥ Anya Taylor-Joy étonnante
⊗ Un rythme lent qui en ennuiera certains
⊗ La sorcière, révélée trop tôt
note8
The Witch était une excellente surprise, un film de genre qui ne choisit pas la facilité et préfère jouer sur son ambiance et sur ce qu’il raconte plutôt que sur des effets répétitifs et prévisibles.



Titre : The Witch

Année : 1201581
Durée :
1h32
Origine :
U.S.A. – Angleterre – Canada – Brésil
Genre :
Fantastique
Réalisation : 
Robert Eggers
Scénario : 
Robert Eggers
Avec :
Anya Taylor-Joy, Ralph Ineson, Kate Dickie, Harvey Scrimshaw, Ellie Grainger et Lucas Dawson

 The Witch (2015) on IMDb


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Auteur : Rick

Grand fan de cinéma depuis son plus jeune âge et également réalisateur à ses heures perdues, Rick aime particulièrement le cinéma qui ose des choses, sort des sentiers battus, et se refuse la facilité. Gros fan de David Lynch, John Carpenter, David Cronenberg, Tsukamoto Shinya, Sono Sion, Nicolas Winding Refn, Denis Villeneuve, Shiraishi Kôji et tant d'autres. Est toujours hanté par la fin de Twin Peaks The Return.
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