[Film] Krrish 3, de Rakesh Roshan (2013)


Krishna Mehra, alias Krrish, super-héros aux pouvoirs extraordinaires, coule des jours paisibles avec sa femme Priya, enceinte, et son père, le scientifique Rohit Mehra. Cependant, dans l’ombre, le machiavélique Kaal, désireux d’éteindre toute vie humaine et de la remplacer par des êtres hybrides de sa création, crée un virus mortel et se met en tête de le diffuser en Inde. Krrish doit alors prendre les choses en main pour sauver son pays.


Avis de Paul Gaussem :
N’étant pas un habitué du cinéma indien, c’est avec une grande curiosité que j’ai découvert Krrish 3, blockbuster de super-héros ultra populaire en Inde et rebaptisé Defender dans nos contrées, à la faveur d’une projection organisée au musée du quai Branly ce dimanche. Le traitement super-héroïque à la sauce Bollywood ; le tout saupoudré du travail chorégraphique du hongkongais Ching Siu-Tung (Duel to the death, Swordsman 2, Histoire de fantômes chinois…) me semblait prometteur. Autant dire tout de suite que je n’ai pas été déçu devant le résultat : un mélange souvent improbable et kitsch à souhait entre les films du MCU, les grandes gloires du cinéma d’action américain, les scènes d’action virevoltantes du cinéma HK et les séquences chantées propre à la culture cinématographique indienne… En somme, un spectacle assez jouissif pour tout amateur de séries B décomplexées et autres « bizarreries ».

Troisième volet d’une saga initiée par les films Koi… Mil Gaya (2003), Krrish (2006) et l’inexistant Krrish 2 – mais bon on est devant le troisième c’est comme ça et c’est tout !-, Defender est réalisé par Rakesh Roshan, illustre metteur en scène, acteur et producteur de l’industrie bollywoodienne ayant la particularité de ne réaliser que des films dont le titre commence par la lettre K. Son objectif est ambitieux : le métrage se veut une réponse indienne au cinéma de super-héros américains ayant envahi les écrans du globe à partir du début des années 2000. Véritable blockbuster au budget conséquent de 23 millions de dollars, Defender emporte un vif succès en Inde à sa sortie. Pour se faire, Rakesh Roshan ne prend pas de risques : il pioche sans vergogne dans tout ce qui lui semble pertinent afin de proposer un métrage « patchwork » qui, malgré son côté assez ringard et nanardesque pour un regard occidental et néophyte, fonctionne plutôt bien si toutefois l’on accepte de se délester de certains standards et de prendre l’œuvre pour ce qu’elle est : un pur divertissement.

Les influences, voire les emprunts éhontés, sont pléthores. L’une des premières scènes d’action, dans laquelle notre super héros aide un avion à atterrir par la seule force de ses bras, n’est pas sans rappeler le Superman Returns de Bryan Singer (2006). Krrish 3 est de toute façon une revisitation franche du personnage de Superman, tant dans ses pouvoirs que dans les situations provoquées par son besoin d’anonymat. En effet, comme Clark Kent avec ses lunettes, il suffit à Krishna d’enfiler un masque couvrant ses yeux pour devenir Krrish et être ainsi non identifiable. L’antagoniste « très très méchant », Kaal, est un peu subtile mélange de professeur Xavier pour sa chaise roulante, de Magneto pour ses pouvoirs et du Mr. Freeze de l’épouvantable Batman & Robin pour le costume métallique arboré après son ultime transformation. Les créatures à son service, les « animans », êtres hybrides combinant des ADN humains et animaux, sont directement calqués sur les mutants parsemant la saga X-Men mais rappelant aussi encore une fois Superman Returns, qui a visiblement fortement marqué notre réalisateur. La séquence du combat final entre Krrish et Kaal, avec ses visuels de destruction urbaine, rappelle trop fortement l’opposition ultime de Superman et Zod dans Man of Steel (Zack Snyder, 2013), sorti la même année, pour que cela soit anodin. En somme, une flopée de références très reconnaissables sont convoquées. On comprend alors très vite que l’ambition de Roshan n’est absolument pas de les camoufler mais, au contraire, de les mettre en valeur dans le but de démontrer le savoir-faire bollywoodien en la matière et offrir au public toute une série d’archétypes et de concepts déjà digérés afin de faciliter l’accès et l’enthousiasme pour le récit qu’il propose.

D’ailleurs, concernant le récit lui-même, on est devant un film de super héros dans sa pure définition : des gentils très gentils, des méchants très méchants ; à l’exception de la mutante Kaya, campée par Kangna Ranaut, dont le personnage est un copier-coller de Mystique (X-Men) avec une pincée de Catwoman. En effet, celle-ci, prenant l’apparence de Priya, la belle épouse de notre héros, et infiltrant le foyer conjugal, se retrouve tiraillée par le sentiment amoureux qu’elle découvre avec Krishna et l’obéissance due à son maitre Kaal. Ce dernier, joué par Vivek Oberoi, est le super vilain dans toute sa splendeur, voulant bien entendu détruire le monde et la race humaine (parce qu’il est orphelin, handicapé moteur et n’a pas eu de papa, m’voyez…). Il est hélas caractérisé par un jeu complètement monolithique et sans aucune nuance. En gros, un méchant qu’on aime haïr. Quant au très bodybuildé Hrithik Roshan, fils du réalisateur, assurant tout de même la performance d’incarner deux rôles dans le film (Khrisna ou Krrish, le héros, ainsi que son père bedonnant, le scientifique, mais simplet, Rohit Mehra), il fait tout ce qu’il peut pour larmoyer et trembloter dans des scènes à l’eau de rose d’un pathos délicieusement suranné. On est donc bien devant une production asiatique et les néophytes, souvent décontenancés par le jeu exagéré des acteurs chinois, se retrouveront dans le même état face aux dialogues et au jeu « rose bonbon » des acteurs du métrage. Cet état se renforcera encore lorsqu’au détour d’une scène, ces derniers se mettront, et ce à plusieurs reprises, à chanter et danser des chorégraphies endiablées dignes des plus grands boys band des 90’s pendant une bonne dizaine de minutes. On est prévenus, on est à Bollywood ! Petite originalité du scénario, notre super-héros se voit confronté à un virus meurtrier créé par Kaal (qui vend ensuite l’antidote aux pays touchés par l’épidémie). Le super-héros ne peut donc résoudre l’affaire à la simple force de ses poings mais l’honneur sera sauf : c’est bien en lui que se trouvera la solution. Le film ayant été réalisé avant la pandémie de 2019, il s’agit d’une pure coïncidence, mais on ne peut s’empêcher d’y voir une allégorie visionnaire de la crise du COVID ayant durement éprouvé l’ensemble du globe, l’Inde y compris.

Coté action et réalisation, on peine quand même à vraiment apercevoir l’apport du grand Ching Siu-Tung, les séquences d’action ne se caractérisant pas par les arts martiaux (ou très peu) mais plutôt par des jets d’objets en tout genre, des sauts et autres prouesses visiblement exécutées via des effets numériques souvent peu convaincants. Le mutant « homme-lézard », combattant avec sa langue, nous rappellera toutefois que Ching Siu-Tung aime à s’en servir comme instruments de combat depuis celle du démon-arbre d’Histoire de fantômes chinois. N’ayant pas le budget d’une production Marvel, Roshan fait ce qu’il peut avec ce qu’il a et, bien que les CGI et autres techniques employées soient souvent approximatives, il parvient à nous entrainer et à nous faire prendre un réel plaisir devant des scènes plutôt inventives et parfois même très drôles (Krrish qui attrape l’antenne d’un building pour s’en servir comme d’une perche et agripper un avion au vol ; c’est quand même quelque chose !). En revanche, Defender est aussi un véritable outil de propagande, à l’instar des productions chinoises actuelles phagocytées par le parti communiste. Krrish, ou Krishna (qui est aussi le nom d’une divinité indienne, huitième avatar de Vishnou, soit dit en passant) est le cadeau des dieux à L’Inde pour assurer sa protection et la préservation de son ordre social (Krishna, renvoyé à maintes reprises de ces emplois de façon injuste, n’y trouve, par exemple, jamais rien à redire). La scène, d’ailleurs fortement inspirée par Rocky III, dans laquelle le super-héros se voit offrir une statue à son effigie par le gouvernement, avant que la foule n’entame une chorégraphie chantée à la gloire de la religion indienne et du pays, en est un des moments les plus visibles. Sans avoir l’air de trop y toucher, le métrage suit le mouvement et semble servir le discours du BJP, parti ultra nationaliste et intégriste dirigé par l’actuel président Narendra Modi, qui reviendra d’ailleurs au pouvoir en 2014 avec le lot d’horreurs que l’on connait. Le sous-texte est donc indéniablement puant. Cependant, les férus de cinéma asiatique, et chinois en particulier, seront assez habitués à mettre cet aspect des choses de côté pour se concentrer sur les outrances  bienvenues et l’inventivité encore présente des productions du sous-continent indien.

LES PLUS LES MOINS
♥ Des scènes d’action inventives et décomplexées.
♥ Un mélange reconnaissable de références revisitées à l ‘indienne
♥ Les scènes clipesques sauce Bollywood
⊗ Un pathos larmoyant assez ridicule
⊗ Des CGI pas toujours terrible
⊗ Les scènes clipesques sauce Bollywood
Véritable blockbuster indien revisitant à sa sauce ce qui fait le sel des productions Marvel, Defender vous fera passer un très agréable moment. Avis aux amateurs de séries B bien ficelées, de romances à l’eau de rose et de clips des 2be3, ce film est pour vous !

LE SAVIEZ VOUS ?
• Krrish 3 était initialement prévu comme un film en 3D. Cependant, en raison du manque de temps pour convertir le film en 3D, le réalisateur Rakesh Roshan a indiqué que le film sortirait uniquement en format 2D.

• Krrish 3 a été le premier film indien à lancer ses propres émoticônes officielles sur Facebook dans le cadre de sa promotion. Un jeu officiel Krrish 3 a même été lancé pour les smartphones, tablettes et PC Windows. Le jeu a été développé par Hungama Digital Media Entertainment et Gameshastra.



Titre : Krrish 3 / Defender / कृष ३
Année : 2013
Durée : 2h32
Origine : Inde
Genre : Action / SF / Super-Héros
Réalisateur : Rakesh Roshan
Scénario : Robin Bhatt, Sachin Bhowmick, Honey Irani

Acteurs : Hrithik Roshan, Priyanka Chopra, Vivek Oberoi, Kangna Ranaut, Arif Zakaria, Rajpal Yadav, Naseeruddin Shah, Asif Basra, Rakhee Vijan

 Krrish 3 (2013) on IMDb


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Auteur : Paul Gaussem

Si vous connaissez un film dans lequel un cow-boy solitaire et un barbare sanguinaire chassent des mutants venus d'ailleurs à l'aide de mecha sur les hauteurs du mont Wu Tang, faîtes moi signe ! Perdu dans un Milius en compagnie de Tsui Carpenter et Steven Otomo, je ne cherche plus à retrouver mon chemin.
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