[Avis] Korkusuz, de Çetin Inanç

Titre : Korkusuz / Rampage / Turkish Rambo 2
Année : 1986
Durée : 1h13
Origine : Turquie
Genre : Rambo salade tomates oignons
Réalisateur : Çetin Inanç

Acteurs : Serdar Kebapçilar, Huseyin Peyda, Filiz Taçbas, Tuğrul Meteer, Osman Betin, Yilmaz Kurt, Sami Hazinses, Sümer Tilmaç, Mehmet Ugur, Mehmet Samsa

Synopsis : En Turquie, un double béret vert sauce blanche doit infiltrer une organisation criminelle afin d’éliminer les terroristes qui sévissent dans la montagne.

Avis de Laurent : Lorsque Çetin Inanç est crédité au générique d’un film turc on sait que l’on devrait en avoir pour son argent … je vous rappelle que le taux de conversion en 1986 était d’environ 400 000 Turkish Lira pour un Franc. Et ce taux de conversion était alors directement applicable au kilogramme de navets produits au pays du döner. En clair, pour un navet produit chez nous, on en produisait environ 400 000 de l’autre côté du Bosphore. Avec une inflation exponentielle au début des années 80, la Turquie produisait alors une quantité incroyable de nos brassicacées préférées jusqu’à l’explosion de la bulle spéculative en 1982 lors de la sortie sur les écrans de Dünyayi Kurtaran Adam (a.k.a. Turkish Star Wars pour les intimes). Le paroxysme cinématographique douteux était alors en pleine croissance avec ses super-héros en sous-pulls acryliques moulants et autres ninjas moustachus. Aujourd’hui, la mondialisation a mis fin à cette somptueuse aberration cinématographique. Le cinéma hollywoodien s’est délocalisé au pays des mille et un kébabs tuant ce cinéma jusqu’alors aussi unique qu’inexportable. Reste, pour le spectateur curieux, une quantité d’œuvres toutes plus cinglées les unes que les autres sur fond de pellicules délavées extraites de vieilles VHS rippées aux couleurs monochromes.

Maintenant que l’économie turque n’a plus de secret pour vous, passons aux choses sérieuses …

 

 Korkusuz (Turkish Rambo 2), réalisé en 1986, constitue donc la deuxième incursion de Çetin Inanç dans le monde merveilleux de John Rambo après une première tentative mémorable intitulée Vahsi Kan (Turkish First Blood) en 1983. Le gros problème de Vahsi Kan est que Cüneyt Arkin ressemble autant à Stallone qu’il ressemblait à Han Solo dans Dünyayi Kurtaran Adam. Çetin Inanç s’est alors dit que pour une fois il ferait les choses bien. Le responsable du casting parcourt alors la Turquie d’Istanbul à Erzurum pour trouver la perle rare dans une probable salle de fitness turque douteuse. Entre deux développé-couchés, Serdar Kebapçilar prend le temps de candidater afin de s’approprier le rôle de l’étalon italien turc. Ce ravissant bodybuilder au regard de braise est à Stallone ce que Johnny Hapache est à Johnny Hallyday … Le rôle principal de Korkusuz est donc pour lui. Et pour amortir le prix de l’essence (rappelons que la Tofaş 131 consomme beaucoup), Çetin Inanç en profite pour faire signer à Serdar Kebapçilar un double contrat juteux : Turkish Rambo 2 et Turkish Rocky !

Dans Korkusuz Serdar Kebapçilar incarne Serdar, un soldat turc infiltrant une organisation criminelle planquée dans une région montagneuse de la Turquie. Pour ce faire, il se fait passer pour un prisonnier afin de gagner la confiance de leur chef Ziya (incarné par l’inusable Hüseyin Peyda). Il fait alors connaissance avec une magnifique blondasse (Filiz Taçbas connue pour ses clichés topless), sorte d’Agnetha Åse Fältskog croisée avec un caniche, qui respire le désire sexuel faisandé. Heureusement, pour une fois, que la censure turque est là pour éviter le pire. Pourchassés par les sbires de Ziya, Serdar et sa blondasse parviennent à s’échapper. Une scène mémorable lors de cette poursuite aura même le privilège d’être plagiée par Stallone dans Cliffhanger (comme quoi !).

Inutile d’entrer dans les détails pour vous dire que Korkusuz fait parti des grands films d’un Çetin Inanç sous acide. Chaque plan improbable est une œuvre d’art aussi grasse que le jus de viande qui vient imbiber votre pita. La galerie de personnages est encore une fois fignolée aux petits oignons avec un Serdar Kebapçilar qui oscille entre deux émotions (regard agar et grimace énervée), une Filiz Taçbas tue l’amour et enfin un Hüseyin Peyda qui mériterait de rejoindre Amrish Puri au panthéon des bad-guys du cinéma déviant. Sur une durée très courte (à peine plus d’une heure), Korkusuz distille, avec une régularité millimétrée, une succession de séquences d’action plus « What the fuck » les unes que les autres. La séquence finale est anthologique avec le lance-roquettes qui fait le même bruit qu’une bouteille de Champomy … « pop » …  à l’origine de destructions massives. Et comme tout Turkish Rambo qui se respecte, Korkusuz propose ses habituelles séquences de tortures approximatives, de viol érotico-soft et de bodybuilding louche. Enfin, s’il reste encore des sceptiques, Korkusuz assure son quota de méchants à moustache même s’ils ne connaissent pas encore le Mehmetçik-1.

Korkusuz est donc bien fidèle à sa réputation : le meilleur du pire. Çetin Inanç signe donc l’un de ses films les plus mythiques à placer sur l’étagère de votre DVDthèque d’exception entre  Dünyayi Kurtaran Adam et Ölüm savasçisi (Death Warrior). Après tant de folies, on ne pourra qu’être nostalgique de cet âge d’or du cinéma décalé turc qui n’a malheureusement plus sa place dans le patrimoine actuel. Pourtant, rien de tel pour relancer l’économie en cette période de crise.

Note : 8/10

Le Trailer :

Le bilan chiffré de Serdar :

 

 

 

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Auteur : Laurent

Un des membres les plus anciens de HKmania. N'hésite pas à se délecter aussi bien devant un polar HK nerveux, un film dansant de Bollywood, qu'un vieux bis indonésien des années 80. Aime le cinéma sous toutes ses formes.
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