[Série] Alice in Borderland, de Sato Shinsuke (2020)

Arisu, jeune homme apathique, sans emploi et obsédé par les jeux vidéo, se retrouve soudainement dans une étrange version vidée de Tokyo dans laquelle lui et ses amis doivent participer à des jeux dangereux pour survivre. Dans ce monde étrange, Arisu rencontre Usagi, une jeune femme qui navigue seule dans les jeux. Ensemble, ils entreprennent de percer un mystère après l’autre alors qu’ils risquent leur vie et confrontent ce que signifie vivre.


Avis de Rick :
Il est l’heure de retourner dans les adaptations de manga en live, qui pullulent sur les écrans depuis bien 15 ans maintenant. Car elles ont toujours été là, un peu comme les adaptations de romans ou les remakes, mais le phénomène a clairement gagné de l’ampleur au milieu des années 2000, sans doute grâce, ou à cause de Death Note. Et à quelques exceptions près, ça coince, pour des raisons aussi diverses que variées. Car même la fidélité ne suffit pas, si le métrage souffre de mauvais effets et du coup, d’un ridicule en passant au format de film live. Ce n’est pas ça qui arrête les producteurs, puisque voilà, les amateurs de manga sont nombreux, et pas qu’au Japon, et il y a donc toujours moyen de se faire de l’argent. Alice in Borderland, qui avait déjà eu droit à son animé, et bien, je n’en avais jamais entendu parler. Le projet est en tout cas intégralement réalisé par Sato Shinsuke, qui semble s’être fait une spécialité dans l’adaptation de manga, avec plus (I am a Hero) ou moins (Death Note Light Up the New World, Bleach) de réussite. Si bien qu’au final, dur de savoir si les réussites sont du à son talent ou sont des accidents, et si les ratages sont de sa faute, ou juste que les projets n’étaient pas possibles dés le départ. Par contre, il aura presque toujours soigné visuellement ses films, et ça, on ne pourra pas lui reprocher. Bon et ça tombe bien, car pour adapter Alice in Borderland, ce n’est pas la case cinéma, mais par la case série TV que ça se passe, avec Netflix derrière, et un budget plus que confortable pour rendre crédible la vision d’un Tokyo désertique, à l’exception de quelques humains, errants, et devant participer à des jeux mortels pour augmenter la durée de visa, afin de ne pas mourir en se prenant au petit matin un coup de laser venu du ciel.

Alors, dans les grandes lignes, Alice in Borderland n’est pas bien original. On prend un peu de Battle Royale (on y trouvera même des colliers explosifs à plusieurs reprises), un peu de Saw (pièges sadiques et potentiellement très mortels), un peu des gros concepts de la science fiction (Je suis une Légende, pour la ville désertique, tout ça), et manga oblige, on ajoute à tout ça des discours sur l’amitié, le surpassement de soit, et un personnage fan de jeux vidéo. Au moins ce coup-ci, il n’est pas dessinateur de manga. Oui dans ces grandes lignes, on connaît déjà tout ça. Maintenant, est-ce que ça fonctionne et est-ce que ça parvient à être cohérent au sein de son propre univers ? Et bien, ça souffle le chaud et le froid, mais au final, c’était plutôt divertissant. Notamment grâce à une technique appliquée (la photographie est très jolie, la mise en scène fluide et fonctionnelle), quelques plans bluffants et ce dés le premier épisode sur un Shibuya totalement désertique, de jour comme de nuit, et des acteurs qui, malgré des personnages caractérisés souvent de manière simpliste, se donnent à fond. Car oui, dés le premier épisode, les qualités et les défauts sont là, mais le potentiel également. On nous présente au départ trois personnages, trois héros donc, trois amis de longue date, classiques et un brin clichés, puis tout à coup, on les propulse dans un Tokyo totalement vide, et l’ambiance prend immédiatement. C’est prometteur, c’est prenant, c’est mystérieux, et dés ce premier épisode, on met nos personnages face à une épreuve, un brin simpliste certes, mais qui permet de voir le potentiel du concept, puisque pour survivre, il va falloir encore et toujours participer à des jeux mortels afin d’augmenter la durée de son visa, c’est comme ça. Un peu comme un test PCR à faire tous les trois jours pour espérer aller dans des lieux publics non ?

Et en plus, dés l’épisode 2, ça s’améliore. Non pas que les personnages deviennent soudainement des modèles d’écritures, mais leur background est révélé, certains sujets sont certes effleurés, mais abordés malgré tout (la religion), et l’épreuve du second épisode se fait plus musclée, plus intéressante, plus sanglante également, et permet d’introduire de nouveaux personnages qui reviendront par la suite et auront une place importante dans le récit. Car oui, jusque là, notre trio de personnages mené par Arisu (subtilité, Alice en Japonais donc) n’était pas le meilleur trio du monde, et la série n’aurait sans doute pas tenu sur leurs simples épaules. Et ça tombe bien, puisque les personnages qui rejoindront le récit au fur et à mesure, comme Usagi (une sportive douée en escalade), Chishiya (on ne sait jamais dans quel camp il est) ou Aguni (le gros bras peu bavard), ils sont plus intéressants, même si la série prend bien le temps avant de dévoiler quoi que ce soit. Car basiquement, nous avons 8 épisodes, pour un peu moins de 8 épreuves. Certaines vraiment tendues et réussies (l’épreuve finale, celle de l’épisode 2), et d’autres paraissant un brin ridicules ou simplistes à côté, ou alors à fort potentiel, mais seulement survolée (les épreuves de l’épisode 5, ou même l’épreuve de l’épisode 3, intéressante mais au traitement simpliste). Mais basiquement, nous pourrons clairement découper la série, enfin du moins cette première saison, la fin amenant clairement une suite (prévue), en deux parties.

Les quatre premiers épisodes, pour 4 énigmes de qualité variables, pour bien planter les deux personnages principaux, Arisu et Usagi, puis les quatre épisodes suivants, qui change la dynamique générale en multipliant les personnages, en réduisant le nombre d’épreuves mais en les faisant durer (l’épreuve finale dure 2 épisodes), et en se lâchant sur certains concepts, quitte à partir dans les clichés. Car oui, lorsqu’au tout début de l’épisode 5, Arisu et Usagi retrouvent des survivants, formant un gigantesque groupe, c’est pour nous donner le classique cliché des groupes de survivants que l’on trouve un peu partout, et que l’on trouvait la même année dans l’adaptation de Stephen King The Stand. À savoir, on est survivants, on est libres, donc allez go la drogue l’alcool et les filles à poil ! Certains clichés ne changeront jamais. Mais après, vu le peu de foi en l’espèce humaine de mon côté… n’est-ce pas également réaliste ? Possible. En tout cas, cela permet clairement à la série de se lâcher, dans la violence (on aura droit à un énorme carnage bien violent), dans le côté sexy (un brin de nudité furtive, et pour les fans, des dizaines et dizaines de bikini, partout), et de ne pas relâcher son rythme durant les deux derniers épisodes. Même si du coup, comme il faut toujours en faire plus, la série n’hésite pas à avoir recours à du numérique pour certains éléments, et comme souvent, ben, c’est peu naturel. Oui, on aura des animaux numériques, et ce n’est pas très beau. Bien que finalement, le simple fait d’avoir filmé ça de nuit rend l’effet moins dégueulasse que dans un Jungle Cruise chez Disney récemment. Un peu comme si de toute façon, c’était la seule solution pour libérer une panthère dans un tunnel en plein Tokyo, et que le réalisateur avait conscience qu’il fallait jouer un maximum avec l’obscurité.

Car pour le coup, Sato Shinsuke fait du plutôt bon boulot. Visuellement, c’est hyper propre, le découpage est lisible et fluide, les plans d’ensembles ont de la gueule, quelques scènes font leur petit effet (un combat au katana dans une discothèque, hyper sympa). Il en fait encore par moment un peu trop, avec un abus de ralentis dans certaines scènes, notamment lors de la scène que je mentionnais juste au-dessus, mais parvient à contrebalancer ça avec autre chose, et du coup, oui, ça passe. Un peu comme si, encore une fois, le réalisateur avait conscience de quand il pouvait se lâcher quitte à en faire trop, lorsqu’il a entre les mains des éléments pour contrebalancer ces effets, comme par exemple de meilleurs personnages ou une meilleure épreuve. Un équilibre fragile, mais qui, sur la durée des 8 épisodes, fonctionne plutôt bien. Et du coup, en gardant bien en tête qu’il s’agît d’une adaptation de manga, et que oui, certains éléments scénaristiques sont un brin faciles voir tirés par les cheveux par moment, il faut l’accepter. Et une fois cela fait, et bien finalement, Alice in Borderland, c’est hyper sympa. Certaines épreuves sont plus sympas que d’autres, certains personnages plus intéressants que d’autres, certains épisodes meilleurs que d’autres aussi forcément, mais en soit, à l’exception de son grand cliffhanger final qui veut absolument nous hyper pour la saison 2, on a là une adaptation de manga plutôt réussie, qui en garde les tics et l’ADN, mais a été fait avec sérieux et le budget qui va avec. Maintenant, laissons le bénéfice du doute à la saison 2, car si les grandes révélations tiennent la route, ça pourrait bien faire de cette série une adaptation plus que recommandable.

LES PLUS LES MOINS
♥ Un concept prometteur
♥ Quelques moments assez violents
♥ Certains personnages, intéressants
♥ Techniquement soigné
♥ Tokyo désert, bien fichu
⊗ Quelques CGI discutables
⊗ D’autres personnages trop clichés
⊗ Quelques épreuves simplistes
note75
Alice in Borderland, ce n’est pas parfait, on a un mix d’influences, des clichés, des moments moins réussis, mais à côté, on a aussi de bons personnages, quelques épreuves bien vus, des moments assez violents, le tout très correctement emballé. Du coup, les 8 épisodes se regardent vite.



Titre : Alice in Borderland – 今際の国のアリス

Année : 2020
Durée :
8 épisodes d’environ 45 minutes
Origine :
Japon
Genre :
Série TV
Réalisation : 
Sato Shinsuke
Scénario : 
Watabe Yoshiki, Kuramitsu Yasuko et Sato Shinsuke d’après le manga de Aso Haro
Avec :
Yamazaki Kento, Tsuchiya Tao, Morinaga Yûki, Machida Keita, Murakami Nijirô, Aoyagi Sho, Miyoshi Ayaka, Sakurada Dori et Asahina Aya

 Alice in Borderland (2020) on IMDb


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Auteur : Rick

Grand fan de cinéma depuis son plus jeune âge et également réalisateur à ses heures perdues, Rick aime particulièrement le cinéma qui ose des choses, sort des sentiers battus, et se refuse la facilité. Gros fan de David Lynch, John Carpenter, David Cronenberg, Tsukamoto Shinya, Sono Sion, Nicolas Winding Refn, Denis Villeneuve, Shiraishi Kôji et tant d'autres. Est toujours hanté par la fin de Twin Peaks The Return.
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