[Film] Misanthrope, de Damian Szifron (2023)


Eleanor, une jeune enquêtrice au lourd passé, est appelée sur les lieux d’un crime de masse terrible. La police et le FBI lancent une chasse à l’homme sans précédent, mais face au mode opératoire constamment imprévisible de l’assassin, l’enquête piétine. Eleanor, quant à elle se trouve de plus en plus impliquée dans l’affaire et se rend compte que ses propres démons intérieurs peuvent l’aider à cerner l’esprit de ce tueur si singulier…


Avis de Cherycok :
Certains spectateurs ont pu découvrir le cinéma de l’argentin Damian Szifron en 2014/2015 (en fonction des pays) avec Les Nouveaux Sauvages (2014), film à sketchs bien méchant à l’humour ravageur dont la thématique principale était le pétage de câbles. Le public et les critiques professionnelles ont été unanimes, 8.1/10 sur IMDB, 94% sur Rotten Tomatoes, 8.5/10 sur Metacritic, et un film que j’ai envie de revoir juste en écrivant ces quelques mots. Mais nous ne sommes pas là pour parler de Les Nouveaux Sauvages, nous nous intéressons aujourd’hui à Misanthrope, le nouveau film de Damian Szifron qui n’avait rien fait depuis, son premier en langue anglaise, moins bien accueilli par les gros médias américains tout comme la population qui a été divisé. Il faut dire que c’est assez logique quand on voit comment le réalisateur argentin renvoie à la gueule des américains les moult problèmes de leur pays. En ce qui me concerne, à l’heure où j’écris ces lignes, Misanthrope est tout simplement le meilleur film de 2023. C’est un film jamais prétentieux, un film simple, un film direct, avec un scénario lui aussi simple mais très solide, et une exécution quasi parfaite qui nous renvoie aux thrillers des années 90 façon Seven, Le Silence des Agneaux ou encore Bone Collector. Et sincèrement, aujourd’hui, ce genre de films manque cruellement. Misanthrope est là pour rappeler ô combien ce genre de films peut être efficace quand c’est fait avec sérieux.

Le film commence très fort et prend immédiatement le spectateur à la gorge. L’introduction est très intense, avec cet homme qui depuis la fenêtre de son immeuble, le soir, pendant un feu d’artifice, va commencer à sniper et dégommer un peu au hasard des gens avant de faire sauter l’appartement. Pas moins de 29 morts le temps que la Police arrive sur les lieux et commence à inspecter ce qu’il reste des lieux. On a parfois l’impression d’être sur place, au milieu de tous les personnages, à essayer de comprendre ce qu’on voit autant que les personnages eux-mêmes. Puis l’action va petit à petit diminuer et laisser place à la tension d’un thriller dans lequel l’enquête va avancer et l’étau se resserrer petit à petit sur l’assassin. C’est un rythme lent qui va s’installer jusqu’au final, un rythme lent mais jamais ennuyeux car l’intrigue est captivante, la dynamique solide, avec un ton sombre, sans espoir, désabusé, avec des personnages cassés, quel que soit le côté de la barrière où ils se trouvent. Une très grosse partie de Misanthrope se concentre sur les différents aspects de l’affaire, la découverte d’un tueur en série ainsi que la difficulté de travailler entre les policiers, les gouverneurs, les membres du FBI et les guéguerres internes qu’ils se livrent, entre ceux qui veulent la vérité, et ceux qui préfèrent mettre vite fin à la crise. C’est loin d’être la seule chose que le réalisateur critique car derrière son film, il y a clairement une description acerbe de l’Amérique. Il y évoque aussi le système des armes en vente libre et les dégâts que cela engendre, les médias tout puissants qui se croient juges et qui font tout pour faire le buzz (tentant même parfois de faire le job des forces de l’ordre), la malbouffe avec la surexploitation de la viande bovine, l’abandon des populations précaires qui se retrouvent livrées à elle-même, le racisme envers diverses communautés ou simplement envers ce qui est différent, … Ce n’est jamais lourdinque car c’est distillé intelligemment dans le récit sans que jamais cela ne fasse « rajouté ».

L’histoire en soi n’a rien de révolutionnaire. Mais c’est bien écrit et on sent qu’ils ont pris le temps de faire les choses correctement, arrivant même à surprendre alors que Misanthrope aurait pu être bien plus balisé, jusqu’au final qui ne succombe à aucune facilité. Les personnages ont de la profondeur et sont parfaitement caractérisés en l’espace de quelques secondes lors de leur première apparition, avant que le film ne les révèle lentement au public par la suite, afin de leur donner la possibilité de grandir, de s’épanouir, d’évoluer. Cela les rend immédiatement attachant malgré leurs faiblesses, malgré leurs problèmes, tout simplement car ils sont humains. Shailense Woodley (Divergente, Nos Étoiles Contraires) est constamment juste, laissant transparaitre tantôt la fragilité, tantôt la détermination de son personnage. Elle forme avec l’excellent Ben Mendelshon (Ready Player One, Animal Kingdom), qui incarne un agent du FBI vieillissant et fatigué, un duo très convaincant et riche en interactions. Bien qu’ils surnagent, c’est tout le casting qui est réellement bon et qui rend les personnages si convaincants. Ralph Ineson est également à saluer en grand méchant, avec sa tête reconnaissable entre toutes. Ils sont tous très bien mis en image grâce à une mise en scène absolument impeccable avec un réalisateur qui sait ce qu’il fait. Même chose pour la photographie, les images sont excellentes et on se surprend à regarder certaines scènes en pensant à l’intelligence avec laquelle les cadrages ont été pensés. C’est très bien conçu du début à la fin, certains mouvements de caméra sont géniaux (la scène de la piscine) et c’est techniquement un sans-faute. Comme dit plus haut, l’histoire ne vous décrochera pas la mâchoire. Mais elle offre suffisamment de suspense et de tension, elle suscite l’intérêt pour des personnages intrigants et propose de l’action juste aux bons moments pour que les deux heures du film passent comme une lettre à la poste. On pourra reprocher au film d’avoir un final, qui divisera les spectateurs, bien moins percutant que son introduction. Certes, c’est en partie vrai. En partie seulement car ce que le film perd en intensité visuelle, il le gagne en intensité émotionnelle et c’était peut-être la meilleure façon de terminer cette histoire.

LES PLUS LES MOINS
♥ La mise en scène au millimètre
♥ La photographie
♥ Le duo Shailene Woodley / Ben Mendelsohn
♥ La tension bien gérée
♥ L’introduction
⊗ Un rythme qui peut décontenancer

Misanthope est un thriller comme on en faisait plein dans les années 90 mais dont la recette semblait aujourd’hui perdue. Mais il est en plus là pour nous rappeler qu’un film simple mais bien ficelé, à la mise en scène soignée et au casting solide, ça vaut tous les blockbusters du monde.

LE SAVIEZ VOUS ?
• Le tout premier titre du film était Misanthrope, avant que ne soit adopté To Catch a Killer pour le marché américain. La France a donc repris le titre originel, un titre qui colle d’ailleurs bien mieux au film que To Catch a Killer.

• C’est Mark Strong (Kingsman) qui avait d’abord été choisi pour le rôle de l’agent du FBI vieillissant. C’est finalement Ben Mendelsohn qui le remplacera.



Titre : Misanthrope / To Catch a Killer
Année : 2023
Durée : 1h59
Origine : U.S.A
Genre : Tuerie de masse
Réalisateur : Damian Szifron
Scénario : Damian Szifron, Jonathan Wakeham

Acteurs : Shailene Woodley, Ben Mendelsohn, Jovan Adepo, Ralph Ineson, Richard Zeman, Dusan Dukic, Jason Cavalier, Nick Walker, Darcy Laurie Mark Camacho

To Catch a Killer (2023) on IMDb


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Auteur : Cherycok

Webmaster et homme à tout faire de DarkSideReviews. Fan de cinéma de manière générale, n'ayant que peu d'atomes crochus avec tous ces blockbusters ricains qui inondent les écrans, préférant se pencher sur le ciné US indé et le cinéma mondial. Aime parfois se détendre devant un bon gros nanar WTF ou un film de zombie parce que souvent, ça repose le cerveau.
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