[Film] Edmond, de Stuart Gordon (2005)


Quadragénaire sans histoire, Edmond voit sa vie basculer sur une simple phrase, « Vous n’êtes pas à votre place », proférée par une diseuse de bonne aventure rencontrée par hasard. Ce cadre supérieur, marié, menant une existence policée, se rend soudain compte que la banalité et la monotonie ont toujours régi son quotidien. Sous le choc de cette révélation, il s’en va, quittant sa femme et son foyer. Il s’enfonce dans les bas-fonds de la ville, un monde étonnamment brutal dont jusqu’alors il ne savait rien…


Avis de Cherycok :
Le nom de Stuart Gordon est forcément connu des amateurs de cinéma horrifique, il est en effet le papa du culte Re-Animator (1985), du très bon From Beyond : Aux Portes de l’au-delà (1986) ou encore de Dagon (2001), tous trois tirés de l’univers de Lovecraft. Mais il serait réducteur de le limiter à ce seul genre tant la carrière du bonhomme est éclectique. Il s’est essayé à tous les genres, de la SF bourrine avec l’attachant Fortress (1992) au film de robot un peu foireux avec Robot Jox (1989) en passant par le space opera comique avec le très fun Space Truckers et même le divertissement pour enfants puisqu’il a réalisé un épisode de la série Chérie j’ai rétréci les gosses en 1998. Oui, il faut bien manger… Un réalisateur plus intéressant qu’il n’y parait, surtout pour ses derniers films (qui remontent à plus de 10 ans) où il abandonne peu à peu le fantastique pur pour un cinéma bien plus réaliste, bien plus noir. Je vous avais déjà parlé de Stuck (2007) il y a quelques années, nous allons nous intéresser aujourd’hui à Edmond (2005), une bobine hautement conseillée. Mais attention, possibles spoilers inside.

Edmond c’est quoi ? C’est la descente aux enfers d’un homme, Edmond donc, qui peu à peu va perdre tous ses repères. L’histoire d’un homme qui, d’un coup d’un seul, voit sa vie basculer, qui va perdre pied et qui va tenter de se relancer dans un monde plus séduisant, plus libre, mais dont il ignore tous les rouages. C’est l’évolution autodestructrice d’un homme qui en avait marre de sa vie, qui se sentait castré dans sa relation, qui a envie de prendre en main son destin mais qui a l’impression que le sort s’acharne contre lui. Jusqu’à ce qu’un évènement lui provoque un choc, à la suite duquel il va se sentir en vie, retrouver goût à la vie et se lâcher complètement, quitte à céder à toutes les pulsions les plus noires et violentes. L’histoire d’un homme qui va peu à peu sombrer dans la folie jusqu’à commettre l’irréparable. L’histoire d’un homme homophobe et raciste qui va découvrir son destin en prison et essayer d’y trouver sa rédemption.
Pour interpréter Edmond, Stuart Gordon a choisi de faire confiance à William H. Macy (Fargo, la série Shameless), acteur sous-estimé et pourtant tout bonnement génial. Il nous livre ici une prestation tout simplement excellente et arrive à faire prendre à l’horreur un visage humain. Provoquant chez le spectateur tour à tour attachement, inquiétude, dédain, pitié, colère, son jeu est constamment juste et porte le film à lui tout seul sur ses épaules. Il croisera sur sa route plusieurs têtes connues, tenant plus du cameo que du second rôle, telles que Denise Richards (Starship Troopers), Bai Ling (The Crow, Red Corner), Mena Suvari (American Beauty, American Pie), Joe Mantegna (Le Parrain 3, la série Esprits Criminels), ou encore l’acteur chouchou du réalisateur, Jeffrey Combs (Re-Animator, Fantômes contre Fantômes).

Edmond est un film qui pourra s’avérer plutôt difficile d’accès. Entre le drame psychologique et le thriller, il nous questionne sans cesse sur la liberté de l’homme, sur les choix que nous faisons, à travers la réflexion et l’évolution du personnage de Edmond. Le film nous décrit de façon nihiliste une société américaine qui se complait à être rongée par tous les vices, une société américaine qui ne peut que faire ressurgir les plus vils côtés des âmes perdues. Une réflexion par l’absurde peut-être, dans la manière dont Stuart Gordon et le scénariste David Mamet (qui adapte ici sa propre pièce de théâtre) nous la présentent, avec un Edmond qui est une sorte de sociopathe de plus en plus inquiétant et incontrôlable. Mais une réflexion des plus intéressantes et qui, lors du dernier dialogue, donne tout son sens au film. Un dialogue philosophique entre Edmond et son codétenu basé sur une théorie de science-fiction sur les origines des chiens et de l’étoile Sirius.
Difficile d’accès, Edmond l’est également par sa mise en scène. Au départ, le film a des allures de téléfilm au niveau de sa réalisation. C’est fade, sans réelle saveur, un peu comme la vie que mène le personnage de Edmond. Et puis petit à petit s’installe un côté baroque lors de l’entrée de ce dernier dans certains lieux, Gordon jouant énormément avec les couleurs criardes et un score des plus intéressants.

LES PLUS LES MOINS
♥ William H. Macy
♥ La force du propos
♥ L’évolution du « héros »
⊗ Rythme lent
⊗ Difficile d’accès
Edmond est un film qui, en soi, n’a rien d’impressionnant. Mais grâce à ses propos, aux thématiques qu’il aborde, et au talent de William H. Macy, il devient rapidement un des films les plus intéressants de son réalisateur Stuart Gordon. Conseillé.



Titre : Edmond
Année : 2005
Durée : 1h22
Origine : U.S.A
Genre : Descente aux enfers
Réalisateur : Stuart Gordon
Scénario : David Mamet

Acteurs : William H. Macy, Rebecca Pidgeon, Frances Bay, Joe Montegna, Denise Richards, Bai Ling, Mena Suvari, Jeffrey Combs, Matt Landers, Aldis Hodge, Russell Hornsby

 Edmond (2005) on IMDb














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Auteur : Cherycok

Webmaster et homme à tout faire de DarkSideReviews. Fan de cinéma de manière générale, n'ayant que peu d'atomes crochus avec tous ces blockbusters ricains qui inondent les écrans, préférant se pencher sur le ciné US indé et le cinéma mondial. Aime parfois se détendre devant un bon gros nanar WTF ou un film de zombie parce que souvent, ça repose le cerveau.
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