[Film] La Nuit Des Morts-Vivants, de Tom Savini (1990)

Johnnie et Barbara, frère et sœur, se rendent sur la tombe de leur mère. À peine sont ils arrivés que Barbara est attaquée par un zombie. Johnnie parvient à arracher Barbara des griffes de son agresseur mais chute pendant la lutte, se fracassant le crâne sous les yeux médusés de sa sœur. Barbara réussit à s’enfuir et trouve refuge dans une maison non loin de là. À peine entrée, elle se rend compte que des zombies cernent la maison. Arrive alors Ben, un afro-américain dans son 4X4 en passe de tomber en panne d’essence, qui veut se cloisonner dans la maison en attendant du secours. Ayant entendu du bruit à l’intérieur, ils découvrent qu’ils ne sont pas seuls dans la maison. En effet, cinq autres personnes se sont réfugiés dans la cave. Il s’agit de Tom, le neveu du propriétaire de la maison, sa femme Judy-Rose, Harry, sa femme Helen et leur fille Sarah qui est blessée. Dès lors, ils vont essayer de trouver un moyen de survivre en empêchant les zombies d’entrer dans la maison tout en espérant que les secours arriveront vite.


Avis de John Roch :
Avec La Nuit Des Morts-Vivants, George A. Romero signa un film séminal qui a définit ce que sera le zombie tel qu’on le connaît aujourd’hui. C’est aussi un film qui ne lui a pas rapporté un rond. En effet, d’abord titré Night Of The Flesh Eaters, c’est lors du changement de nom du métrage que le distributeur a un brin chié dans la colle. Rien de bien grave, juste l’oubli de la mention de copyright, ce qui a fait de La Nuit Des Morts-Vivants un film instantanément tombé dans le domaine public. Ce remake est l’occasion pour Romero de toucher de l’argent pour sa création, une certaine manière de rendre à César ce qui appartient à César, bien que le coté mercantile de la chose soit à peine caché. Mais plus que ça, ce qui fait peur c’est le nom du producteur : Menahem Golan, à cette époque occupé à jouer à la guéguerre du box office avec son cousin Yoram Globus à coup de Lambada suite à la faillite de la Cannon. Heureusement, le coté Cannon de Golan n’était pas présent lors de la production de la La Nuit Des Morts-Vivants cuvée 1990. Remarquez, ça aurait pu être rigolo de voir Chuck Norris tirer à bout portant sur un mort-vivant avec un bazooka, Michael Dudikoff en trancher quelques-uns avec un American katana, ou Charles Bronson qui fait bouffer une montre à un zombie. Je digresse, je fabule, mais il en aurait été capable le bonhomme. Mais revenons sur La Nuit Des Morts-Vivants qui de prime abord partait sur de bonne bases : Georges Romero est au scénario, John Russo, coscénariste de l’original, met quelques billes dans le projet, et c’est à Tom Savini, dont c’est le premier et seul long métrage, de mettre en scène la chose. Un Savini qui en aura bavé sur le tournage. Entre les réductions de budget et de temps de tournage, la production qui lui sucre un bon tiers des idées qu‘il voulait apporter et un Georges A. Romero absent pour l’épauler, il ne reste, d’après les dires du réalisateur, que 40% de ce que devait être le film, et il aura dû se battre pour au moins conserver ça. Mais les problèmes ne s’arrêtent pas la. La MPAA soumet le métrage à de nombreuses coupes. La quasi totalité des scènes gores sont donc absentes du montage final. Mais ce qui est incompréhensible, c’est que de base le film ne l’est pas tant que ça. Il suffit de jeter un œil sur lesdites scènes issues d’un workprint pour s’en convaincre. La MPAA n’a pas ici voulu adoucir la violence, au contraire elle a pris en grippe le film pour des raisons qui restent à ce jour inconnues (une histoire de gros sous selon le responsable des SFX John Vulich, qui s’étonnait dans les interviews d’époque qu’un film comme Total Recall sorte sans coupes imposées par le système de classification Américain). Malgré tout, La Nuit Des Morts-Vivants est un remake tout à fait réussi du film éponyme, qui se trouve même être supérieur à l’original sur pas mal de points.

Dans le fond, l’histoire de La Nuit Des Morts-Vivants reste inchangée. On retrouve donc Barbara et son frère partis se recueillir sur la tombe de leur mère et qui vont se faire attaquer par un mort-vivant qui va tuer le frangin, Johnnie de son prénom, pendant que Barbara trouve refuge dans une maison perdue au milieu de nulle part. On retrouve également les mêmes personnages, à savoir Ben l’Afro-Américain, Harry Cooper le gros con réac et sa femme qui veille sur leur fille mordue par un zombie, ainsi que Judy et Tom, couple qui venait rendre visite à la famille de ce dernier. La suite on la connaît : la maison va être assiégée par les morts-vivants et la tension va rapidement monter entre les survivants. Bien qu’il reprenne la plupart des scènes marquantes de l’original, dans la forme Tom Savini réussit à proposer quelque chose de différent sans pour autant dénaturer le classique de Romero. C’est surtout au niveau des personnages de Barbara et de Ben qu’ont lieu les gros changement. Barbara est une protagoniste bien plus intéressante que dans le métrage de 1968. Rapidement secondaire dans celui-ci en tombant dans un genre d’état catatonique pendant une grande partie du film, ici elle est une femme combative qui trouve la force nécessaire pour faire face à la menace en son sauveur, Ben, et dans une folie qui explose de plus en plus au fil de l’intrigue. Quant à Ben, si il était une sorte de symbole de la ségrégation raciale encore présente lors du tournage de l’œuvre originale (thématique démentie par Romero), il est ici un homme combatif mais émotif et dépassé par les événements, qui gère bon gré mal gré le groupe de survivants. De fait, La Nuit Des Morts-Vivants respecte l’essence de l’original, on peut même y voir une allégorie de la guerre du Golf qui remplace celle du Vietnam, mais s’en éloigne intelligemment en tenant compte de l’évolution de la place de la femme et des Afro-Américains dans le cinéma, mais aussi au sein de la société US. En témoigne le sort final de Ben, certes moins marquant que dans le film de Romero, mais néanmoins logique si l’on prend en compte la donnée sus-mentionnée. Coté casting, ça tient globalement la route, mais en ressort surtout des excellents Tony Todd, pas encore icône du cinéma horrifique pour son rôle du Candyman, et Patricia Tallman, cascadeuse de profession, qui montre ici de très bons talents d’actrice au physique loin des standards Hollywoodiens, mais tout de même très charmante. Autre détail intéressant, la version de Tom Savini abandonne le coté SF de l’original (dans lequel les morts étaient ramenés à la vie à cause de radiations issues de l’explosion d’une sonde spatiale) pour se rapprocher d’une ambiance de fin du monde qui tient plutôt de Zombie. Le métrage aurait pu en être un spin off, les bulletins d’infos rappelant l’intro de l’autre film séminal de Romero, et les derniers instants auraient bien pu se passer pendant la scène où les héros en hélicoptère survolent une bande de redneck qui cassent du zombie dans une ambiance festive.

Cette nouvelle profondeur amenée aux personnages donne une autre dimension à La Nuit Des Morts-Vivants tout en restant classique. C’est là le principal défaut d’un métrage coincé entre tradition et modernité. Tradition car ce remake est malgré tout sans surprise, on fait même un bond en arrière puisque la mythologie créée par Romero demeure intacte comme au premier jour, comme si le genre n’avait pas évolué entre les 22 ans qui séparent les deux films. De ce fait, la description des morts-vivants, ou des scènes qui tournent autour de la gamine mordue (car on ne savait pas encore qu’une morsure de zombie transformait les humains en morts-vivants en 1968) paraissent datées. Cependant, cela est à mettre sur le compte du pari casse gueule de faire un remake fidèle et malgré tout le film fonctionne tout de même car il amène un petit vent de modernité. La mise en scène tout d’abord, même si elle n’a rien d’exceptionnel, demeure carrée tout comme la photographie lors des scènes nocturnes toujours lisibles. Mais là où La Nuit Des Morts-Vivants met clairement à l’amande l’original, c’est au niveau des effets spéciaux et de maquillage. Tom Savini, pourtant maître en la matière, n’a pas quitté son poste de metteur en scène pour aller mettre son grain de sel dans la conception des SFX. Non, on sent qu’il s’est investit en tant que réalisateur et s’intéresse d’avantage à ses personnages qu’aux zombies. A la supervision des effets spéciaux, on retrouve un spécialiste qui a apprit son art auprès de Savini : John Vulich. Ce dernier réussit dans La Nuit Des Morts-Vivants à donner vie à des zombies qui font partie des plus crédibles jamais vus sur un écran. Déjà aidé par des figurants aux visages atypiques pour certains, Vulich a également étudié des livres de médecine, des photos de vrais cadavres, et même, chose rare pour l’époque, utilisé des logiciels informatiques pour simuler l’état de décomposition des morts-vivants. Au final, le pari était osé : remaker un film séminal qui a posé des bases en s’en éloignant que très légèrement tout en y restant fidèle, il est pourtant plus que réussi et devrait servir de leçon aux exécutifs Hollywoodien quand ils tentent des remakes fades en apportant des idées si éloignées et foireuses du modèle de base que l’on se demande quel est la légitimité de la chose, en dehors du pognon. En fait non, je n’ai rien dit messieurs les costards cravates, arrêtez avec vos remakes et mettez des billes dans des films de scénaristes et de réalisateurs, pas de producteurs qui pensent à tort savoir ce que le public veut voir dans les salles.

LES PLUS LES MOINS
♥ Un remake respectueux de son modèle
♥ Des variations de l’œuvre original intéressantes
♥ Des personnages plus travaillés que dans la version de 1968
♥ Tony Todd et Patricia Tallman
♥ Les effets spéciaux, impeccables
♥ Techniquement sans être exceptionnel, c’est carré
⊗ Les coupes insensées imposées par la MPAA
⊗ Finalement, peut être trop fidèle dans certaines approches qui paraissent obsolètes

La Nuit Des Morts-Vivants version 1990 est un métrage respectueux du classique de Georges A. Romero. Si il est parfois trop proche de l’original dans son approche, le film apporte néanmoins quelques variations intéressantes sans pour autant dénaturer son modèle. Un remake vraiment réussi.



Titre : La Nuit Des Morts-Vivants / Night of the living dead
Année : 1990
Durée : 1h32
Origine : U.S.A
Genre : Ils reviennent te chercher Barbara
Réalisateur : Tom Savini
Scénario : Georges A. Romero

Acteurs : Tony Todd, Patricia Tallman, Tom Towles, McKee Anderson, Katie Finneran, William Butler, Heather Mazur, Bill Moseley
Night of the Living Dead (1990) on IMDb


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Auteur : John Roch

Amateur de cinéma de tous les horizons, de l'Asie aux États-Unis, du plus bourrin au plus intimiste. N'ayant appris de l'alphabet que les lettres B et Z, il a une nette préférence pour l'horreur, le trash et le gore, mais également la baston, les explosions, les monstres géants et les action heroes.
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