[L’invité du jour] Deauville Asia 2012 vu par …..

Un certain regard (Cannes approved)

Une nouvelle rubrique que ce [L’invité du jour] ? Non pas réellement. Mais si certains d’entre vous veulent publier un avis, un article, un dossier, un coup de gueule ou je ne sais quoi qui aurait sa place sur hkmania, n’hésitez pas à proposer. C’est juste que j’ai recroisé le chemin de l’invité du jour pendant Deauville Asia 2012, et qu’il a gentiment demandé si on accepterait de publier ses avis express. Vous vous en doutez, je l’ai meme rappelé quelques mots plus haut, j’ai dit oui. Aucune idée si d’autres articles du genre verront le jour, mais il est hors de question de se priver d’une belle plume, aussi éphémère soit elle.

L’invité du jour c’est donc Florian Hien; dont les plus anciens hkmaniaks peuvent se souvenir sous le pseudo Asano ou Wuhien quand il participait à l’ancien forum et plus généralement au fandom français. Voici donc SON Deauville Asia 2012.

 

DEAUVILLE ASIA 2012

Cette année le thème principal de Deauville Asia était placé sous le signe de la mort parentale (Himizu, The Sun-Beaten Path, I Carried You Home, Pink…etc), des meurtres (Himizu, The Raid, Headshot, Pink, 11 Fleurs), du chaos (Himizu, The Raid) mais surtout de l’amoralité des personnages principaux (la palme revenant ex-aquo à Himizu & Pink), un festival aux films pas très youplaboum donc, qui a permis, au moins de se rendre à compte à quel point on a des vies merveilleuses!

 

HIMIZU (Japon)
Sono Sion revient avec le premier volet d’une trilogie sur le chaos, comme l’ensemble de son cinéma en même temps (à prendre dans tous les sens du terme), pour le meilleur et pour le pire. Sono Sion c’est un peu le Lars Von Trier Japonais : il faudrait être une taupe pour ne pas reconnaître son talent mais il faut une sacrée dose de courage pour aimer son cinéma. La grande force du film, et qui est aussi sa faiblesse première, c’est de réussir à nous faire ressentir la souffrance de ses personnages (physiques et psychologiques) jusqu’à l’épuisement. Une souffrance d’une telle violence, que la fin magnifique et apaisée, nous est offerte comme une véritable récompense.
Moins bien emballé figurativement que ses 2 prédécesseurs, mais dont l’urgence de la réalisation et son mode opératoire caméra à l’épaule sert bien le propos et porté par un casting impeccable (avec pleins de caméos sympas) mais qui ne fait pas oublier toute la bêtise et violence gratuite de la première partie, Himizu est un assurément un film fort mais pleins de faiblesses…

3/5 (chez nous ont dit 6/10)

 

THE SUN-BEATEN PATH (Chine)
Le jeune Nima entreprend un long pèlerinage après avoir causé accidentellement la mort de sa mère. Personnage mutique (sorte d’Asano Tadanobu Tibétain), fatigué de la vie (on le verra chuter à chaque fois qu’il se remémore son passé), asocial et montré comme totalement éteint. Le réalisateur a eu la bonne idée de le coupler avec un personnage haut en couleurs : un vieux moine qui tout au cours de ce voyage, tentera de rallumer la flamme du jeune homme au moyen de feux de camp, de tabac et de blagues.
Filmé dans le nord-est du Qinghai dans un désert aride, parfaite représentation du no man’s land mental dans lequel le personnage veut se retrouver. Hanté par la mort de sa mère, Nima veut faire le vide dans sa tête en ne faisant plus qu’un avec ce désert. Etalant plusieurs fois son visage sur le sol pour y ressentir ces vibrations, cramant totalement son visage au soleil (malgré les préventions de son vieux compagnon de voyage) jusqu’à obtenir la couleur du désert, mais surtout aride, en refusant tout contact humain, en se renfermant sur lui-même, assis en boule, prenant alors la forme d’un rocher.
Au début du film, alors que Nima vient de faire la rencontre du vieil homme qui lui propose de l’accompagner dans son voyage, un camion s’arrête pour les prendre sur la route, le jeune refuse de bouger alors que le vieil homme monte dans le véhicule, s’en suit alors une discussion avec le chauffeur. Le vieil homme se demande ce qu’il lui reste à faire une fois qu’on ne peut plus s’occuper de ses enfants devenus grands, le chauffeur lui répond qu’il reste les petits enfants mais le vieil homme dubitatif lui répond : « mais après… Qu’est-ce qu’il reste ? ». Il réclame alors au chauffeur de s’arrêter et décide d’accompagner Nima dans son pèlerinage en véritable ange gardien. Mais, à force d’acharnement, le vieil homme arrive enfin à rentrer en communication avec lui. Et lorsque Nima fait enfin le premier pas pour se rapprocher (physiquement et sentimentalement) du vieux monsieur, par une belle idée de mise en scène (le jeune marche sur le côté désertique, le vieux sur le côté route, ils sont séparés par la ligne de rive qui fait office de frontière ; en rejoignant le vieil homme, il rejoint en même temps la route bétonnée qui permet de rentrer chez lui en bus. Son ange ayant réussi sa mission: redonner le goût des autres à Nima, aussitôt se sont-ils rapprochés, qu’il prend la fuite (il perd au passage sa dernière dent : « ça y est je suis vieux » dira-t-il). Le jeune homme se réveille ensuite totalement recouvert de neige ainsi que le désert qui l’entourait. La neige a purifié son péché, effacée sa peine. Il a obtenu ce qu’il cherchait : un nouveau départ. Seulement, ce qui aurait pu être une fin belle et satisfaisante se poursuit par 4 autres fins supplémentaires trainant alors le film en longueur…
Mais The Sun-Beaten Path reste une belle surprise. Direction d’acteurs excellente, mise en scène sublime avec de splendides compositions picturales, dommage que le métrage de Sonthar Gyal, soit parasité, comme I Carried you home et Headshot, par une déconstruction du récit en flash-back un peu pesante.

3/5 (chez nous ont dit 6/10)

 

THE RAID (Indonésie)
Une unité de policiers d’élite dont le héros : Rama, est chargé de capturer Tama: le baron de la drogue caché dans un immeuble regorgeant d’autres sales types.
Comme d’habitude, dès qu’il s’agit d’un film d’action, le service communication utilise toujours les mêmes armes, à savoir l’utilisation des fameuses phrases d’accroche du type: « un film 100% action », « des cascades spectaculaires », « du jamais vu ». Et bien là, jamais un film d’action n’aura aussi bien retranscrit ces phrases d’accroches habituellement mensongères. Avec The Raid, on n’y va pas par 4 chemins (bah non plutôt par 15 étages !), on va directement à l’essentiel. En général, dans ce genre de production, il y a toujours une « princesse à sauver » comme dans Piège de Cristal, autre film de prise d’assaut d’immeuble. Ici, les deux seules figures féminines du métrage ne sont ni en fuite, ni séquestrées, mais réduites à l’inactivité: la femme enceinte du héros qui sert à justifier son incroyable résistance aux attaques et à la douleur, et une résidente malade dont le mari est le seul locataire bienveillant. Le film ne perd donc pas son temps en divergence sentimentale ou amoureuse et va directement à l’essentiel.
En effet, la violence du film est si vive, réaliste et inouïe qu’on a vraiment peur et mal pour les personnages principaux, et elle est appuyée par des musiques bourrines qui collent parfaitement à l’urgence de l’action. L’idée géniale alors du film est de dépasser sa dimension de pur film d’action en lorgnant du côté du survival-horror.
The Raid Rum !
En effet, l’immeuble délabré que Rama et son équipe doivent emprunter est présenté comme une véritable allégorie de l’Enfer. Juste avant l’entrée dans le bâtiment, un garde qui regarde la TV est neutralisé par l’équipe de Rama. Du poste de télévision s’échappe une image de fou du roi au regard diabolique comme un avertissement aux personnages et spectateurs : le Diable va lâcher ses gardes. A un moment du film, Rama, en état critique, marche en s’appuyant sur tous les murs du couloir étroit, la caméra nous montre les numéros de portes : 663, 664, 665 et au moment où il atteint la porte 666, il est attrapé dans l’entre du Diable qui va revêtir un visage inattendu…
Habituellement, dans ce genre de production le jeu des acteurs reste assez bancal, alors qu’ici, en plus de proposer un casting totalement réussi : cosmopolite avec de vraies gueules de Cinéma, la direction d’acteur est très bonne et l’implication des acteurs dans les scènes d’action totale. La plupart des scènes d’actions du film ont l’intelligence d’être justifiées, à l’exception, et c’est bien dommage, de deux scènes , toutes deux d’ailleurs jouées par Yayan Ruhian, le chorégraphe du film, qui ne dépassent jamais le stade de la démo d’arts martiaux et paraissent donc trainer un peu longueur, et c’est bien là, sa seule faiblesse. Un film dont vous allez ressortir « Raid » dingue.

4/5 (ou 8/10 pour les allergiques aux maths)

 

I CARRIED YOU HOME (Thaïlande)
Premier long métrage pour son réalisateur, le film débute sur un plan subjectif d’intérieur de camion, troublant, où on ne sait plus très bien si l’engin recule ou avance. Il s’agit en fait d’une ambulance qui se prépare à transporter la mère décédée des 2 sœurs qui vont l’accompagner à l’arrière jusqu’à son village d’enfance. Malheureusemen,t à l’instar de ce plan d’ouverture, le film va passer 1h53 à faire du surplace. Un comble pour un road-movie! Le film ne nous raconte rien d’autre que la mort de cette mère, même pas de quoi faire un court-métrage convenable de 5 minutes. Plutôt que nous dévoiler la vie de cette mère, on apprendra quasiment rien d’elle, si ce n’est son métier de chanteuse de cabaret (scènes de karaoké particulièrement risible), du coup, on se fiche pas mal de sa mort et de la peine de ses filles.
On aurait pu croire alors que cela serve de prétexte pour que les 2 sœurs (la cadette est étudiante à Bangkok, l’autre travaille dans un pressing à Singapour) se rapprochent, mais bien au contraire, elles vont passer toute la majeure partie du film à se bouder, jusqu’à la toute fin où l’ainée se confie enfin à sa petite sœur en lui expliquant pourquoi, elle a fuit son mariage, dans un cliffanger ridicule qui n’apporte rien au film.
Tout le film rappelle au spectateur que la mère est morte : coups de fil sur l’organisation de l’enterrement, plans sur son corps inerte, flash-backs de cette dernière dont la révélation particulièrement gênante de sa mort (rires en salle), pleurs interminables (difficile de croire qu’il s’agit d’un film réalisé au pays des milles sourires !) et indénombrables de la famille, deux cérémonies en son honneur (elle n’en finit pas de mourir), en bref, il ne fait que surligner ce que l’on sait déjà, à l’image des deux sœurs à l’arrière de la camionnette qui passent leur temps à informer leur mère qu’elle passe sous un pont, tourne à droite ou à gauche, ce que l’on voit clairement par nous-mêmes.
Accumulant toutes les erreurs à ne pas commettre dans un premier long-métrage : flash-backs inutiles, filmer de belles choses mais sans que cela fasse sens, pas de balance des blancs et des problèmes de mises au point, musiques pop illustratives insipides et j’en passe et des meilleurs. Mais contrairement à Pink, autre film-arnaque du festival, il ne se fait pas passer pour ce qu’il n’est pas, il s’agit ici juste d’un premier film raté. Seul plaisir coupable: retrouver la charismatique Apinya Sakuljaroensuk, la révélation de Ploy.

1/5 (voire même 2/10)

 

PINK (Corée du Sud)
Film symptomatique d’un courant cinématographe de plus en plus courant : « le direct to festival », créé et pensé pour une sortie en festivals avec tous les passages obligés : un déficient mental, des déviances sexuelles, un fantôme, des morceaux chantés, des revendications politiques, un no man’s land, préparer le repas, fumer sous la pluie… etc. Un film qui cumule tous les clichés du film d’auteur coréen à la différence qu’ici, on ne peut même pas parler de film car il n’y a ni direction d’acteurs (pratique d’utiliser un personnage d’handicapé mental muet, une héroïne mutique car traumatisée et une femme mûre qui s’exprime quasiment exclusivement avec sa nudité), ni enjeu dramatique, en bref : pas d’histoire. Le titre est d’ailleurs là pour nous rappeler qu’on a bel et bien à faire à une arnaque totale, ici point de couleur pop, mais « un objet » totalement vide et effacé, à l’image de sa photographie hideuse dans les marrons clairs. On se dit donc que Pink fait référence au Cinéma érotique Japonais mais non ce n’est toujours pas ça. Alors, « pourquoi Pink ? » demande le personnage principal à la tenancière du bar dont l’enseigne n’a pas de nom mais revêt juste cette couleur. Cette dernière dans un élan de lucidité répondra qu’elle ne se sait plus. Cette séquence résume à elle seule le film dans son entièreté, on ne peut pas avoir de réponse à un film qui ne pose aucune question, si ce n’est : Pourquoi avoir sélectionné ce film ? Surement le cadre maritime avec ses mouettes, sa mer, sa pluie où, pour citer Pen-Ek Ratanaruang dans l’interview sur la ville Deauville, « il ne se passe rien »…

0/5 (soit pas très loin de 0/10)
Note : si la critique est aussi assassine ce n’est pas seulement parce que le film est une arnaque en soit mais aussi pour sa misogynie ambiante absolument abjecte !

 

11 FLEURS (Chine) Avec ce film, Wang Xiaoshuai confirme tout le bien qu’on pensait de lui à l’époque de Beijin Bicycle, sa manière si particulière de nous raconter de grandes choses complexes, ici : la révolution culturelle chinoise, sans grandiloquence, ni académisme mais en prenant comme cadre de départ une petite chronique de village sous le regard innocent d’un enfant de 10 ans. C’est là toute l’intelligence du film où le spectateur occidental est aussi largué que cet enfant dans la compréhension des bouleversements politiques et culturels du pays.
Film a la mise en scène discrète, tout en retenue et en finesse, à la direction d’acteurs impeccable, il trouve surtout sa force dans sa galerie de personnages attachants, tous dressés avec la même générosité ,le même attachement et la même rigueur.

3/5 (vous avez compris le principe, ici ça fait 6/10)

 

HEADSHOT (Thaïlande)
Review rapide car yume a déjà tout dit sur le sujet… Malgré un scénario pour le moins ultra classique (hormis sa conclusion), le film de Pen-Ek réalise l’exploit de dépasser figurativement Last Life in the Universe & Vagues Invisibles en proposant un traitement visuel absolument inouï, sans aucun équivalent dans la sélection (rappelons que le film était hors compétition!) avec peut-être les plus beaux gun-fights depuis Exilé de Johnnie To.

4/5 (je vous laisse deviner la note /10)

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Auteur : yume

Un bon film doit comporter : sailor fuku, frange, grosses joues, tentacules, latex, culotte humide, et dépression. A partir de là, il n'hésite pas à mettre un 10/10. Membre fondateurs de deux clubs majeurs de la blogosphere fandom cinema asitique : « Le cinema coréen c’est nul » World Wide Association Corp (loi 1901) et le CADY (Club Anti Donnie Yen).
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