[Avis] D-Day, de Kim Eun-Gyeong

Titre : D-day / Roommates
Année : 2006
Durée : 1h35
Origine : Corée du Sud
Genre : Horreur
Réalisateur : Kim Eun-Gyeong

Acteurs : Lee Eun-Seong, Yu Ju-Hee, Kim Lina, Heo Jin-Yong, Kim Ju-ryeong, Kim Ri Na, Choi Bo-kwang

Synopsis : Quatre élèves en difficulté scolaire intègrent la même chambre d’un internat privé dans le but de préparer au mieux le concours de fin d’année. Yu-Jin, Eun-Su, Bo-Ram et Da-Yeong ont des personnalités très différentes et leurs intégrations respectives à ces nouvelles méthodes éducatives vont alors suivre des chemins divergents. En effet, cet institut impose dès le départ une sévérité extrême dans laquelle l’individu peine à exister. C’est alors que la plus rebelle d’entre elles, Yu-Jin, commence à avoir des visions se rapportant à un terrible incendie ayant eu lieu 3 ans auparavant. Alors que le D-Day approche (le jour de l’examen), Yu-Jin devient de plus en plus paranoïaque …

Avis de Laurent : Lorsque la fainéantise intellectuelle prend le dessus sur votre bulbe rachidien pourtant habitué au pire, rien de tel qu’un anecdotique film horrifique coréen pour finir de vous anesthésier. Que reste-t-il sur l’étagère à prendre la poussière ? La perruque tueuse c’est fait … Le violoncelle hanté c’est fait …Les chaussures à talon ensorcelées c’est fait aussi … Mince, nous voilà donc obligé de s’en retourner aux fondamentaux, c’est-à-dire le film de collégiennes. C’est alors que le souvenir un brin nostalgique de l’excellente franchise des Whispering Corridors refait surface. Pourquoi ne pas tenter cet obscure D-Day à la jaquette qui use et abuse des clichés du genre ? Après tout, un film d’horreur réalisé par une femme pourrait toujours proposer quelque chose de différent de toutes les habituelles daubes qui polluent les écrans locaux …

Initialement prévu pour la télévision, D-Day raconte comment des jeunes filles fréquentant un institut privé sombrent dans la folie. Yu-Jin, Eun-Su, Bo-Ram et Da-Yeong intègrent la même chambre dans cet internat qui ressemble plus à une prison qu’à un lieu d’épanouissement et d’éveil culturel. Leur quotidien ? Étudier, étudier et … étudier jusqu’à ne plus avoir de force. Le challenge est pourtant simple : réussir l’examen de fin d’année et s’éloigner de leur statut d’élève en échec scolaire. La pression des parents est aussi forte que la pression liée à l’extrême sévérité des méthodes éducatives. Ces élèves lobotomisés intellectuellement ou de manière médicamentée souffrent de l’isolement lié à un état d’esprit extrêmement compétitif. Tant qu’il n’y a pas d’enjeu, les colocataires s’entraident et collaborent … mais plus le D-Day approche, plus leurs relations se dégradent. Dans ce contexte ultra-pesant, Yu-Jin décroche rapidement. Instinctivement réfractaire à ces méthodes, elle va petit à petit être perturbée par des visions qui se réfèrent à un événement douloureux : l’incendie de l’école quelques années auparavant. Entre deux humiliations, son regard halluciné va rencontrer des fantômes hantant les lieux et autres reconstitutions du tragique accident. Yu-Jin devient paranoïaque et violente envers les professeurs, les éducatrices et les autres élèves … jusqu’à atteindre le point de non retour.

Alors que D-Day semble renouer avec tous les stéréotypes du genre, voilà que Kim Eun-Gyeong prend le spectateur à contre-pied. En effet, la trame horrifique fait subtilement place au pamphlet sociétal en pointant du doigt le mauvais côté du système éducatif coréen. Sans doute le pays qui propose le poids de la concurrence la plus vive à l’école, la Corée du Sud fabrique autant d’étudiants performants que de laissés pour compte pour qui les barrières de la vie professionnelle risquent d’être infranchissables. Les mauvais élèves sont éliminés, les bons aussi parfois … Le drame de toute unes génération qui devra affronter l’échec à un âge où l’école ne devrait être qu’épanouissement et soif de connaissances pédagogiquement assimilables. À l’image de la réalité scolaire coréenne, D-Day ne propose qu’asservissement, humiliation et frustration. Les fausses pistes horrifiques et scénaristiques continuellement proposées par la jeune réalisatrice aident habilement à construire un contexte pesant et claustrophobique. Même si certaines séquences sont gratuites et tape à l’œil (on ne va pas non plus lui demander de révolutionner le cinéma coréen sur cette toute première réalisation), Kim Eun-Gyeong réussit à s’écarter astucieusement d’un cahier des charges qui devait laisser peu de marge de manœuvre.

Minimaliste mais riche en sous-entendus, D-Day assure aussi bien le spectacle qu’il délivre ses messages. Techniquement irréprochable en comparaison avec les moyens mis à disposition de la réalisatrice, la HD format TV concurrence largement les blockbusters du genre calibrés pour une sortie sur les écrans. Kim Eun-Gyeong, malgré son inexpérience derrière la caméra, est globalement bien aidée par ses actrices débutantes qui apportent une petite touche d’authenticité via leurs prestations brutes de décoffrages. Mis à part quelques cabotinages superflus, la fraîcheur du casting tranche radicalement avec la noirceur du propos.

Moins définitif qu’un Memento Mori, D-Day marque le genre horrifique coréen en proposant autre chose que le film attendu. Une tension palpable et une intensité qui monte crescendo jusqu’à un finish mémorable. Comme quoi il est toujours possible d’être surpris par un film dont on n’attend absolument rien. Bonne pioche.

Note : 6/10

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Auteur : Laurent

Un des membres les plus anciens de HKmania. N'hésite pas à se délecter aussi bien devant un polar HK nerveux, un film dansant de Bollywood, qu'un vieux bis indonésien des années 80. Aime le cinéma sous toutes ses formes.
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