[Interview] Tony Jaa

Après avoir fait ses gallons en tant que cascadeur dans les films de son mentor et roi du cinéma d’action thaïlandais : Panna Ritthikrai, Tony Jaa explose dans Ong Bak. Alors que le cinéma d’action HK se formate de plus en plus sur le modèle américain, Panna Ritthikrai et Tony Jaa, eux, redonnent vie à un cinéma d’action que l’on pensait éteint depuis le début des années 90. Le film est un succès à travers le monde et Tony Jaa est déjà comparé à ceux qu’il idolâtre. Aujourd’hui, il est de retour dans Tom Yum Goong qui possède toutes les qualités pour connaître le même sort que son précédent film et assoir un peu plus sa réputation dans le milieu du film d’action.

Après une petite démonstration le matin faites de prises et coups acrobatiques dont il a le secret, nous retrouvons Tony Jaa en interview l’après midi. Apparaissant comme quelqu’un de timide et humble, il répond à nos questions avec bonne humeur.

– Tout d’abord une petite question pour détendre l’atmosphère, vous ne vous êtes pas blessé durant le film ?
Non, rien de bien méchant, juste de petites blessures qui m’ont contraint à arrêter pendant 1ou 2 jours mais je ne suis même pas allé à l’hôpital.


– Aujourd’hui avec Tom Yum Goong, vous visez le marché international. Pensez-vous dans un proche avenir aller tourner des films à Hollywood ou à Hong-Kong par exemple ? J’aurais également voulu savoir si la rumeur, qui dit que vous avez un contrat de plusieurs années qui vous oblige à tourner en Thaïlande, est vrai ?
Il est vrai que j’aime beaucoup les films hongkongais et j’aimerais beaucoup travailler en collaboration avec eux. Vous savez, les films hongkongais c’est vraiment une de mes influences directes. Et en ce qui concerne la rumeur, ce n’est pas tout à fait vrai. Avant d’aller tourner éventuellement à Hollywood ou à Hong Kong, je voudrais faire connaître la Thaïlande et le cinéma thaïlandais au monde entier, c’est une chose qui me tient à cœur. Ensuite on verra, mais pour l’instant je reste en Thaïlande.


– Et justement, toujours dans cette optique de tourner à l’étranger, avez-vous prévu d’apprendre l’anglais ?
J’ai commencé à apprendre un peu l’anglais mais je n’ai vraiment pas le temps. Mais si j’apprends l’anglais, ce n’est pas pour tourner à l’étranger mais plus pour communiquer avec la presse ou les spectateurs.


– Dans  » Ong Bak « , il y a le thème du vol d’objets d’art bouddhistes, dans  » Tom Yum Goong  » c’est le trafic d’animaux. Est-ce que c’est une cause qui vous tient à cœur et que vous défendez ?
Je n’ai pas fait le film dans le but de défendre cette cause, c’est juste que je viens d’une famille  » cornak « , il y a toujours eu des éléphants dans ma famille. Le réalisateur le savait et il a voulu inclure cette relation entre les éléphants et moi dans le film. En Thaïlande, l’éléphant est un animal sacré qui a sa place comme membre de la famille. Cette relation sert donc de base au scénario mais le film n’a pas été fait pour lutter contre le trafic d’animaux. Cependant, si on me demande de le faire, je n’hésiterais pas.


– Dans le film, quand vous arrivez à l’aéroport de Sydney, vous bousculez quelqu’un qui est le sosie de Jackie Chan, pourquoi ne pas lui avoir demandé directement de faire une apparition ?
(rire) J’aimerais bien qu’il vienne (rire), mais on ne peut pas lui payer l’avion et tous les frais juste pour qu’il apparaisse quelques secondes. C’est juste un gag, on l’a fait pour surprendre le spectateur et d’ailleurs la plupart des gens quand ils voient le film pensent que c’est le vrai Jackie Chan (rire). [ Tony Jaa imite un spectateur ]  » Oh Jackie Chan !!  » (rire).


– Sur les films d’action à Hong-Kong, ce sont souvent les chorégraphes qui réalisent les scènes d’action de A à Z, sans l’aide du réalisateur parfois. Est-ce que ça a été le cas de  » Tom Yum Goong  » ?
Je désignais les scènes d’action et ensuite je les présentais à mon maître Panna Rithikrai, il plaçait tous les cascadeurs et mettait tout en place sur le plateau. Mais on ne se passait pas du réalisateur, on ne pouvait pas s’en passer et on discutait régulièrement avec lui également.


– Dans  » Tom Yum Goong « , dans la scène de l’entrepôt, vous faites un backflip en attrapant le casque du motard en dessous, c’est la réplique exacte de la cascade de Yuen Biao [ Tony Jaa entend le nom de Yuen Biao et s’exclame  » Yuen Biao !  » tout souriant ] dans le final de  » Dragons Forever « . Je voulais savoir si c’était une de vos influences.
Effectivement, bien vu, je me suis inspiré de cette cascade mais en l’adaptant pour qu’elle soit encore plus spectaculaire. J’ai énormément été influencé par des acteurs comme Jackie Chan, Sammo Hung, Yuen Biao ou encore Yuen Wah. J’adore regarder leurs anciens films tournés à Hong Kong.


– Dans le making-of du film, on voit que cela a été un énorme travail d’effectuer le fameux plan séquence dans le restaurant. Combien de temps vous ont pris les préparations et le tournage de cette scène ?
Cela nous a pris un mois de préparation et 5 jours de tournage avec au moins 8 prises par jour. C’est quelque chose de très difficile à tourner, j’ai dû me préparer physiquement uniquement pour cette scène et il fallait durant l’ascension des 4 étages que tout le monde soit exactement à sa place. C’était très dur. Certaines fois, j’arrivais au 3e étage et tout était parfait, je faisais mon combat contre un cascadeur et je m’apprêtais à le lancer dans le vide mais l’équipe de sécurité n’était pas prête, donc le réalisateur criait  » coupez !  » et nous voilà obligés de recommencer depuis le début (rire). Une autre fois j’arrive au 4e étage tout se passe comme prévu et au moment de lancer mon dialogue, il n’y a plus de pellicule (rire) car chaque bobine fait 4 minutes de film donc on recommençait à nouveau. C’était vraiment très difficile mais je suis très content de l’avoir fait car c’est quelque chose que personne n’avait fait auparavant.


– Dans vos films, la vision du Muay Thai qui ressort est tout de même très violente. Dans  » Tom Yum Goong  » par exemple, vous cassez à peu près 50 bras en quelques minutes. Que pensez-vous des films comme  » Beautiful Boxer  » qui renvoient une autre image de la boxe thaïlandaise ?
J’ai bien aimé cette vision du Muay Thai mais par contre c’est du Muay Thai pratiqué sur un ring, dans le cadre d’une compétition, pas dans la rue comme dans mes films. Ce sont deux visions bien différentes, l’une est dans le cadre du sport et l’autre du combat. Mais j’aime bien ce film.


– Dans  » Ong Bak « , vous n’effectuez que du pur Muay Thaï, alors que dans  » Tum Yum Goong  » il y a une évolution, vous utilisez également des prises type aïkido ou d’autres enchaînements. Est-ce que vous avez eu d’autres formations martiales entre les 2 films ?
En réalité, j’avais déjà les bases de tout ce qui est gymnastique ou autres sports de combat, mais dans  » Ong Bak  » ça ne se voit pas car je voulais vraiment mettre en avant le Muay Thaï. J’ai vraiment appris beaucoup d’arts martiaux en plus de la gymnastique et j’ai même fait de la danse. Je suis dans l’obligation d’apprendre constamment. Dans un film contrairement à la réalité, on est libre de faire ce qu’on veut et pour que l’action soit la plus esthétique possible, mélanger les différents arts martiaux est indispensable. A chaque fois qu’on prépare une scène d’action avec mon maître, on se pose la question : comment faire pour que l’action soit la plus impressionnante possible pour le spectateur.


– Dans le film, le combat le plus réussi est celui dans le temple contre le personnage qui pratique la capoiera. C’est celui qui vous pose apparemment le plus de problème dans le film.
(rire). Ça c’est parce qu’on s’est bien amusé sur le tournage, l’acteur était très volontaire, il avait vu  » Ong Bak  » et ça l’avait tellement impressionné qu’il est venu nous voir pour savoir s’il pouvait tourner dans le film. Du coup, il se donnait vraiment à fond. Pour lui, même si les coups étaient portés, il n’y avait aucun problème (rire).


– Pourquoi n’avez-vous pas tourné dans  » Born To Fight  » qui possède à peu près la même équipe ?
Tout simplement parce que j’étais en train de tourner  » Tom Yum Goong « . Mais je connais très bien l’acteur qui joue le rôle principal de  » Born to Fight « , nous étions dans la même université.


– Aujourd’hui, vous êtes au top de votre forme physique mais ça ne sera pas toujours le cas. Quand vous ne serez plus capable de faire toutes ces acrobaties, est-ce que vous pensez vous reconvertir en tant que chorégraphe ou réalisateur par exemple ?
Pour l’instant, je vous rassure, je n’ai pas perdu de vitesse et je suis toujours en pleine forme (rire). Mais pour répondre à votre question, je pense que comme j’aime le cinéma, j’aimerais bien continuer dans ce domaine. Quand mon corps ne suivra plus, je deviendrai peut être chorégraphe, réalisateur ou bien j’entraînerai des jeunes pour leur donner de bonnes bases afin qu’ils puissent suivre mon parcours et me succéder.


– Si un jour vous aviez le choix de tourner avec Pen-ek Ratanaruang ou Tanit Jithukul, qui choisiriez-vous ?
Pen-ek Ratanaruang. Bien sûr, je regarderais quand même avant les idées et le scénario, mais entre les deux réalisateurs je choisirais Pen-ek.


– Vous allez bientôt commencer le tournage de votre prochain film  » Dab Thaï « , est-ce que vous pouvez nous en dire un peu plus sur le film ?
Pour l’instant, c’est encore au stade de projet et je ne peux pas vraiment vous en dire plus.

Nous Remercions Tony Jaa pour son amabilité et sa disponibilité.


Propos recueillis par Tavantzis Nicolas (Ryô Saeba), le 28 septembre 2005.

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Auteur : Ryo Saeba

C’est véritablement Shaolin Soccer qui déclencha un élan de passion à partir duquel il se lança dans la vision de films sous titrés anglais. Et là ce fut le bonheur, il avait devant lui tout un pan du cinéma à découvrir, des genres propres au cinéma de Hong Kong comme le kung fu old school, les girls with guns ou encore le Wu Xia Pian...
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