[Film] Benny Loves You, de Karl Holt (2019)

Après un événement tragique le jour de son anniversaire et après avoir manqué une promotion au travail qu’il était certain d’obtenir, Jack essaie désespérément de prendre un nouveau départ dans la vie. Cependant, lorsqu’il jette Benny, son jouet d’enfance, c’est un geste qui ne peut que se entrainer la mort.


Avis de John Roch :
Benny Loves You est un projet de longue haleine porté par Karl Holt, qui occupe les postes de scénariste, producteur, directeur de la photographie, réalisateur, monteur, on le retrouve également aux effets spéciaux, et il interprète même le rôle principal. Commencé en 2013 comme une version longue d’un court métrage tourné en 2006, Karl Holt espérait sortir son bébé en 2015, mais la post production s’est étalée sur 4 ans, avec ce que ça apporte comme anachronisme involontaire (Prince était encore parmi nous). À l’arrivée, Benny Loves You est un film certes oubliable, mais doté d’un capital sympathie gros comme ça et de qualités qui font de Karl Holt un réalisateur à suivre. Si l’antagoniste du film est un croisement entre Ted et Chucky, Benny Loves You pourrait être une réponse au final de Toy Story 3, ou Andy se sépare de ses jouets (c’est trop tard, mais désolé pour le spoiler). Et si Woody, Buzz et compagnie ressentaient la rupture et la fin de l’amour entre eux et leur propriétaire, et lui faisaient payer cet abandon ? Designer de jouets nouvelle génération, Jack perd ses parents chez qui il vivait le jour de ses 35 ans. Désormais seul avec la maison familiale à payer, un boulot dans lequel il est rétrogradé à force de se faire bouffer par son collègue et rival, il décide de devenir un véritable adulte en troquant son t-shirt so 80’s contre un costume trois pièces, en débutant une relation avec une collègue de travail, et en jetant tout ce qui reste de son enfance, dont Benny, son doudou et meilleur ami. Ce qui n’est pas du gout de la peluche qui prend alors vie et massacre tous ceux qu’il juge aimer Jack plus que lui. Quant à ce dernier, si au départ la présence de Benny lui sert à progresser dans le milieu professionnel, il va de plus en plus avoir de mal à gérer son doudou, faire disparaitre les cadavres, et éloigner deux flics qui le soupçonnent de quelque chose, sans savoir vraiment quoi.

De ce pitch, Karl Holt en tire le maximum, son personnage principal en tête, qui est forcé par les évènements à rentrer dans le rang, c’est pourtant en puisant dans la seule chose qui lui reste de son enfance qu’il réussit à en devenir que plus adulte. Les personnages secondaires sont eux assez caractérisés et ont à chacun une petite part d’importance dans le déroulement du récit pour les rendre suffisamment intéressant, d’autant plus qu’ils ont chacun un petit détail comique : Richard le rival qui se fait passer pour un Français, Ron le patron qui voue un culte à son chien, et le duo de flic (dont un ressemble pas mal à Sean Connery) à côté de la plaque qui ont sans le savoir résolu l’enquête et trouvé le coupable bien plus vite qu’ils ne le pensent. Quant à Benny, au design mignon comme tout, Holt a eu la bonne idée de ne pas en faire une usine à punchline ou un sous Chucky, tout juste dit-il ce qu’il disait lorsqu’il était encore une peluche toute simple. En revanche côté meurtre, le doudou s’en donne à cœur joie. Décapitation, éventrement, égorgement, entailles diverses et variées, Benny s’en prend à tout ce qui lui passe sous la main, humain comme animaux, source de scènes par moments marrantes (le chien), par moments très saignantes (un massacre en masse qui part dans tous les sens) par moments très funs, le film se lâchant complètement dans les 20 dernières minutes qui vire au home invasion qui tient autant de Maman j’ai Raté l’avion que du dernier tiers des Griffes de la nuit, où Benny déguisé en ninja tente d’occire le reste du casting en évitant des pièges et affronte même un robot, entre autres surprises. Le métrage se renouvelle pas mal dans ces derniers instants, peut-être un peu trop au point de commettre quelques incohérences qui auraient pu être évitées. Dommage également que la relation qu’entretiennent Jack et Benny, ne soit pas plus développée, il y a pourtant de bonnes idées qui ne sont exploitées le temps de quelques scènes alors que celles-ci auraient pu l’être davantage. En parlant d’inexploité, si vous tenez à savoir ce qu’il advient d’un personnage abandonné en cours de route, restez jusqu’au bout du générique, même si cela reste anecdotique.

Benny Loves You est comme mentionné plus haut l’œuvre de presque un seul homme, et on peut dire qu’il donne tout. Si en tant qu’acteur il est correct, et que la photo et le montage sont par rares instants en deçà du résultat global, en tant que réalisateur, il est à suivre. Holt soigne ses scènes de suspens, et se permet quelques idées de mise en scène telles qu’une visite de la maison de Jack qui contient quelques flash forwards de l’assaut de Benny, revus par la suite sous un angle différent. On sent également plusieurs influences et des plans renvoient directement à Gremlins, Terminator 2, Evil Dead, Les Griffes de la Nuit, ou encore Matrix Reloaded entres autres. Coté effets spéciaux, petit budget oblige certains sont mauvais (les jets de tripes et le sang en CGI, bien que dans ces cas ce n’est pas une question de thune, ça n’a jamais été crédible et ça ne le sera peut être jamais), force est de constater qu’ils tiennent la route. Mélange de physique et de digital, à quelques légers problèmes d’incrustations près, Benny est soigné, sacrement crédible au vu du budget et prouve que même pour rien on peut faire des CGI un tant soit peu réussi (Note au boss d’ Asylum : il faudrait un jour passer aux versions payantes des logiciels et les mettre à jour). Le souci est que Benny Loves You est vite vu, vite oublié. Il manque un je ne sais quoi, un petit quelque chose qui fait que le métrage ne marque pas outre les premières minutes passée la vision. Marrant sans jamais être vraiment drôle, fun sans pour autant être délirant, gore tout en étant gentillet dans ses débordements. Reste un film à tout de même découvrir, pour un premier long métrage c’est une franche réussite et tout l’énergie déployée par Karl Holt se ressent dans l’entièreté du film, qui se permet même d’être émouvant dans ses derniers instants, peut-être l’adieu à l’enfance le plus touchant depuis… Toy Story 3 justement. Venant d’une petite production horrifique, on n’en demandait pas tant.

LES PLUS LES MOINS
♥ Benny
♥ Marrant, fun, par moments gore
♥ Des effets spéciaux soignés…
♥ Pour un premier film, avec un réalisateur à presque tous les postes, c’est une réussite
♥ Les 20 dernières minutes qui se lâchent…
♥ Le final touchant
⊗ au final, rien de marquant
⊗ … mais perfectibles par instants
⊗ … peut-être un peu trop
En tant que premier film auto financé et porté par son réalisateur qui officie à quasiment tous les postes, Benny Loves You est une agréable surprise certe oubliable, mais blindée de qualités qui méritent le coup d’œil. Un parfait métrage pour un samedi soir entre potes ou en festival.

LE SAVIEZ VOUS ?
• Sélectionné en compétition officielle au festival de l’Alpe d’ Huez 2021 .
• Karl Holt fait partie des 13 réalisateurs qui a contribué à the Pandemic Anthology, compilation de court métrages tournés pendant le confinement, issu d’un concours organisé par le Fantaspoa Film Festival .
• Disponible en France depuis avril sur OCS. A noter que des éditions DVD/blu-ray sortent un peu partout autour de nous.


Titre : Benny loves you / Benny t’ aime très fort
Année : 2019
Durée : 1h34
Origine : Angleterre
Genre : Gare au doudou
Réalisateur : Karl Holt
Scénario : Karl Holt

Acteurs : Karl Holt, Claire Cartwright, George Collie, James Parsons, Anthony Styles, Darren Benedict, Lydia Hourihan, Greg Barnett

 Benny t'aime très fort (2019) on IMDb


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Auteur : John Roch

Amateur de cinéma de tous les horizons, de l'Asie aux États-Unis, du plus bourrin au plus intimiste. N'ayant appris de l'alphabet que les lettres B et Z, il a une nette préférence pour l'horreur, le trash et le gore, mais également la baston, les explosions, les monstres géants et les action heroes.
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