[Film] Un Tueur Pour Cible, d’Antoine Fuqua (1998)


John Lee est un tueur à gages au service de la triade chinoise et notamment de Terence Wei. John a une dette envers lui et n’a plus qu’un seul contrat à honorer. Il refuse cependant de tuer le fils de l’inspecteur de la police de Los Angeles Stan Zedkov, qui a abattu de fils de Terence lors d’une descente de police. Contraint de fuir, John Lee rencontre une faussaire en passeports, Meg Coburn. Celle-ci va malgré elle devoir affronter des tueurs chargés de liquider John.


Avis de Cherycok :
Premier long métrage d’Antoine Fuqua (Training Day, Equalizer) après tout un tas de clips dans les années 90 pour Coolio, Prince, Toni Braxton ou encore Hi-Five, ainsi que des publicités, Un Tueur pour Cible est également le premier film américain pour Chow Yun-Fat avant Le Corrupteur (1999), Anna et le Roi (1999) et, bien entendu, Tigre et Dragon (2000). Le film aura eu une gestation assez difficile pour ce premier essai. La Columbia est venue se mêler à la production, estimant que Fuqua n’utilisait pas l’argent à bon escient. Chow Yun-Fat s’est rangé du côté de Fuqua, demandant à Columbia de lui faire confiance et de le laisser exprimer sa vision des choses. Après les premières projections tests, les problèmes ont continué. Les premiers spectateurs ont moyennement apprécié la relation bi-raciale entre Chow Yun-Fat et Mira Sorvino, tout comme les arcs narratifs de certains personnages, obligeant la Columbia à faire remonter le film en le raccourcissant, virant au passage tous les éléments romantiques entre Chow Yun-Fat et Mira Sorvino ce qui, et cela s’entend, a moyennement plu à ces derniers ainsi qu’au réalisateur. Malgré ces changements de dernières minutes, le film a été un échec au box-office, 39M$ de recette pour 30 de budget (sans compter la promo). Et c’est vrai que le résultat est un peu en demi-teinte…

Il semble assez évident, surtout avec le recul, qu’Un Tueur Pour Cible était une tentative d’introduire le style d’action de John Woo à Hollywood avec tout un tas de références au cinéma de Woo période heroic bloodshed, aussi bien dans la composition des plans, dans le personnage de Chow Yun-Fat, que dans certains détails. On notera par exemple la présence de Kenneth Tsang qui a travaillé avec Woo sur Le Syndicat du Crime 1 et 2, The Killer et Once a Thief. On sent qu’avec Chow Yun Fat devant la caméra, et (entre autres) John Woo et Terence Chang (qui a produit A Toute Epreuve, Once a Thief, Face/Off et Mission Impossible 2 de Woo) à la production, l’envie était de reproduire aux States les films HK qui ont rendu John Woo connu à travers le monde chez les passionnés de cinéma d’action et Fuqua et son scénariste Ken Sanzel ont manifestement étudié pas mal de séquences images par images pour renter de les reproduire ici. Fuqua singe les gunfights que Woo avait mis en boite quelques années auparavant, avec ces personnages qui balancent des bastos un flingue dans chaque main, en sautant au ralenti,en glissant sur le sol, en tirant à travers les murs et les vitres. Ça canarde dans tous les sens et ce film a établi le record du plus grand nombre de balles tirées dans un film américain à son époque. Mais forcément, le film souffre immédiatement de la comparaison avec le matériau dont il s’inspire, tout comme le personnage de Chow Yun-Fat. On a réellement cette impression de « c’est comme le cinéma de John Woo, mais en moins bien ». Car bien que les fusillades soient bien chorégraphiées, elles sont au final un peu plates et assez répétitives. Le film essaie de se la jouer cool, avec beaucoup de musique, une photo élégante, une caméra sans cesse en mouvement et des personnages qui prennent des poses cools, mais il n’y a que peu de substance derrière pour aller avec le style qu’ils tentent de créer.

On sent qu’Antoine Fuqua vient du milieu du clip. Il injecte à sa mise en scène pas mal d’effets de style mais en oublie souvent la structure narrative de son film (à moins que tout ait été charcuté au montage). Néanmoins, son ambiance très HK des années 80 (les ruelles sombres éclairées au néons par exemple), arrive à compenser cela mais on ne peut s’empêcher malgré tout de penser qu’Un Tueur Pour Cible ressemble quand même à un clip de 1h30 avec un scénario écrit sur un coin de table. Comme chez Woo, le film parle de confiance, de trahison, d’honneur, de famille, de vengeance, mais Fuqua n’arrive que rarement à y injecter la puissance suffisante pour les traiter correctement, en partie parce que les personnages ne sont à aucun moment développés (à priori à cause du remontage de dernière minute). Chow Yun-Fat, bien que semblant parfois un peu hésitant, peut-être à cause de son anglais un peu approximatif à l’époque, a malgré tout une sacrée classe et est la quintessence du cool lorsque, un flingue dans chaque main, il canarde sur tout ce qui bouge. Pour l’accompagner, on trouve ici un joli casting avec pas mal de gueules de cinéma : Michael Rooker, Jürgen Prochnow, Clifton Collins Jr, Danny Trejo, ou encore Til Schweiger, star du cinéma allemand, ici dans son premier film ricain. Dommage que certains soient complètement sous exploités, comme par exemple ce dernier qui déborde de charisme mais à qui on ne fait pas faire grand-chose à part appuyer sur une gâchette. Mira Sorvino fait un plutôt bon travail, même si son jeu semble parfois un peu hésitant. Bien qu’il manque la maestria d’un Woo, et ce malgré l’envie de Fuqua de singer le maitre de Hong Kong, le résultat arrive malgré tout à divertir car une grosse place du film est dédiée à l’action. C’est suffisamment punchy pour qu’on ne s’ennuie pas mais Un Tueur Pour Cible reste au final un produit un peu fade et assez superficiel au point qu’il en devient rapidement oubliable.

LES PLUS LES MOINS
♥ Chow Yun-Fat, la classe
♥ Bien rythmé
♥ Une photographie soignée
⊗ Des fusillades répétitives
⊗ Manque clairement de substance
⊗ Au final assez fade

Un Tueur pour Cible, c’est comme du John Woo période Heroic Bloodshed mais en moins bien. On comprend l’envie d’amener le style Woo dans le cinéma américain et de lancer la carrière de Chow Yun-Fat là-bas, mais le résultat est en demi-teinte.

LE SAVIEZ VOUS ?
• Mira Sorvino a accepté le rôle dans le film à la demande de son petit ami de l’époque, Quentin Tarantino, qui lui a dit qu’elle devait travailler avec la légende de Hong Kong, Chow Yun-Fat. Mira Sorvino parle couramment le chinois mandarin. Chow Yun-Fat parle le cantonais, mais aussi un peu le mandarin. Sorvino a pu aider à traduire pour Chow, qui apprenait tout juste l’anglais à l’époque.

• Lorsque Antoine Fuqua et Chow Yun-Fat se sont rencontrés pour la première fois au sujet du film, ils ont parlé de tout sauf du film. De plus, Fuqua décrit Chow comme un homme calme et paisible.



Titre : Un Tueur pour Cible / The Replacement Killers
Année : 1998
Durée : 1h36
Origine : U.S.A
Genre : Presque du John Woo
Réalisateur : Antoine Fuqua
Scénario : Ken Sanzel

Acteurs : Chow Yun-Fat, Mira Sorvino, Michael Rooker, Kenneth Tsang, Jürgen Prochnow, Til Schweiger, Danny Trejo, Clifton Collins Jr, Carlos Gomez, Leo Lee

The Replacement Killers (1998) on IMDb


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Auteur : Cherycok

Webmaster et homme à tout faire de DarkSideReviews. Fan de cinéma de manière générale, n'ayant que peu d'atomes crochus avec tous ces blockbusters ricains qui inondent les écrans, préférant se pencher sur le ciné US indé et le cinéma mondial. Aime parfois se détendre devant un bon gros nanar WTF ou un film de zombie parce que souvent, ça repose le cerveau.
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