[Film] Un Plan Simple, de Sam Raimi (1998)


C’est le jour de l’an et le Minnesota est assailli par le froid et recouvert de neige. Hank Mitchell, un homme honnête accompagné de son frère aîné Jacob, son exact contraire et de Lou, un copain de Jacob lui ressemblant moralement, découvrent en forêt un avion recouvert par la neige. À l’intérieur, ils trouvent le cadavre du pilote et un sac contenant près de cinq millions de dollars en billets de banque. Hank, d’abord réticent, se laisse convaincre par ses deux compagnons et met alors au point un plan simple : cacher l’argent, attendre que l’avion soit découvert et voir si quelqu’un réclame l’argent. Puis, rendre l’argent s’il est réclamé, et le garder dans le cas contraire.


Avis de Cherycok :
Film qui au fil des années a acquis un statut de petit film culte, bien qu’il soit oublié d’une bonne partie du public, Un Plan Simple de Sam Raimi arrive trois ans après l’échec commercial de Mort ou Vif du même réalisateur. Souvent comparé au Fargo des frères Coen, avec lequel il partage les mêmes paysages enneigés, Un Plan Simple se différencie pourtant très vite de son modèle sorti deux ans avant avec un Sam Raimi beaucoup plus sage qu’à l’accoutumée, bien plus posé. Un Plan Simple a reçu le Prix du Jury au Festival du Film Policier de Cognac en 1999 et c’est amplement mérité car le résultat est vraiment très bon, à mi-chemin entre polar noir et drame social dans lequel des personnages ordinaires sont pris dans un engrenage sans fin lorsqu’un magot tombé du ciel leur arrive entre les mains.

La mise en route du film aura été des plus laborieuses. Adaptation d’un roman de Scott B. Smith, qui le scénarise lui-même pour le grand écran, le projet est passé par de nombreuses mains et studios. Au départ, c’est Mike Nichols (Working Girl, Wolf) qui est intéressé mais qui rapidement s’écarte du projet. Là, arrive Ben Stiller qui passe 9 mois à travailler dessus avec comme envie Nicolas Cage dans le rôle-titre, fraichement auréolé de l’Oscar du meilleur acteur. Mais ce dernier demandant un salaire trop élevé, Ben Stiller est vite en désaccord avec la production et quitte à son tour le navire. Les noms de John Dahl (Red Rock West, Last Seduction) et John Boorman (Delivrance, Excalibur) circulent pour le poste de réalisateur mais, pour diverses raisons (Studio qui se fait racheter pour l’un, problème d’emploi du temps pour l’autre), ils délaissent également le projet, tout comme Nicolas Cage qui finit par être écarté car demandant un trop gros cachet par rapport au budget dont le film a besoin. La Paramount choisit Sam Raimi, alors au creux de la vague, qui discute avec l’auteur du livre. Ils semblent être sur la même longueur d’ondes. Bill Paxton et Billy bob Thornton, qui avaient été proposés par John Boorman, sont de l’aventure également et Raimi fait venir Bridget Fonda avec qui il avait déjà travaillé en 1992 sur Evil Dead 3. Par manque de temps, Raimi ne peut faire aucun repérage mais demande aux frères Coen, avec qui il est ami et qui viennent de tourner Fargo dans des conditions similaires, quelques conseils pour un tournage sous la neige. Le tournage se déroule sans encombre, le film sort et, malgré un accueil critique des plus enthousiastes, est un échec commercial, rapportant 20M$US à travers le monde pour un budget de 17M$US. Pas de grosse tête d’affiche, une promotion réduite au stricte minimum, le bouche à oreille n’a pas suffi malgré un film d’une très grande qualité. Oui, parce qu’avec Un Plan Simple, Sam Raimi livre un de ses meilleurs films, bien loin de ses premières œuvres survoltées et de ses frasques super héroïques qui vont suivre.

Un Plan Simple part d’un principe très simple : que feriez-vous si, en vous promenant dans les bois avec des amis, vous trouviez un énorme magot ? Alerteriez-vous les autorités pour le signaler ? Garderiez-vous ça pour vous ? Sam Raimi nous décrit une galerie de personnages ordinaires qui vont décider de garder cet argent si personne ne le réclame au bout d’une certaine période. Mais surtout, Raimi nous montre leur évolution une fois qu’ils ont mis le doigt dans cet engrenage sans fin de mensonges, de manipulations et de violence dont ils ne semblent pas pouvoir se sortir. L’honnête père de famille va petit à petit se transformer et devenir abject lorsqu’il va se rendre compte que le fameux rêve américain est possible avec tout cet argent. Sa femme, mère de famille modèle venant de mettre au monde un bébé, va devenir machiavélique et faire preuve d’une immoralité sans nom. Son frère, un peu simple d’esprit et imprévisible va soudainement être empli de honte car dépassé par les évènements. Le dernier comparse, un alcoolo notoire, ne va plus pouvoir exercer aucun contrôle sur lui-même et user de tout ce qu’il peut pour récupérer sa part. Tous vont être aveuglés par l’appât du gain et tomber dans tous les pièges qui vont se présenter à eux. Mais Raimi est assez intelligent pour ne pas tomber dans l’abus de sang et de manipulations faciles comme certains l’auraient fait. Tout tourne ici autour de réelles questions, autour de réels choix moraux et à longueur de temps on se pose la question nous-même de ce qu’on aurait fait à la place des personnages. Le point de départ est déjà vu, mais le traitement qui en est fait, avec cette galerie de personnages tantôt pathétiques, tantôt émouvants, est lui bien plus malin. L’écriture est passionnante, servie par une mise en scène de Raimi très calme, posée, tout en sobriété, mais d’une réelle maitrise technique, et une direction d’acteurs parfaite. Le casting est pour beaucoup dans la réussite du film. Bill Paxton (Aliens, Apollo 13), qu’on aurait aimé plus souvent voir dans un premier rôle, est impeccable ; Bridget Fonda (Evil Dead 3, Lake Placid) absolument détestable au fur et à mesure que le film avance ; Billy Bob Thornton (The Barber, Bad Santa) livre une prestation d’une justesse incroyable. Un Plan Simple est un film maitrisé du début à la fin sur le pouvoir destructeur de l’argent.

LES PLUS LES MOINS
♥ La mise en scène
♥ Le casting et les personnages
♥ Les questions qu’il suscite
♥ La bande originale de Danny Elfman
⊗ … Rythme parfois un poil longuet
Sam Raimi signe avec Un Plan Simple un thriller psychologique glaçant, au casting excellent, à la mécanique bien huilée, qui mériterait une bien plus grande reconnaissance. Une curiosité vraiment à voir dans la filmographie de Raimi.

LE SAVIEZ VOUS ?
• Un membre du groupe ZZ Top (Frank Beard) est arrivé par avion pour une apparition dans la scène des funérailles. Il est à peine visible dans le film (cherchez le type derrière le directeur des pompes funèbres/derrière l’œillet blanc).

• Lors d’une interview réalisée en 2002 dans le cadre de l’émission « Fresh Air » de la National Public Radio, Bill Paxton a déclaré à l’intervieweur Terry Gross qu’il ne savait pas que son propre père avait été choisi pour jouer dans ce film (dans le petit rôle de M. Schmitt) jusqu’à ce qu’il arrive dans un bureau de production au début du tournage et qu’il voie la photo de son père sur le mur parmi celles des autres acteurs. Il s’est avéré que John Paxton avait écrit une lettre au réalisateur Sam Raimi pour lui dire : « J’ai toujours admiré vos films, et je me demandais s’il y avait des petits rôles qui pourraient me convenir ». Et Raimi lui a fait passer une audition.

• Scott B. Smith avait initialement conçu son histoire comme un scénario, mais il a décidé d’en faire d’abord un roman avant d’écrire un scénario à partir de celui-ci.



Titre : Un Plan Simple / A Simple Plan
Année : 1998
Durée : 2h01
Origine : U.S.A
Genre : Et vous, vous feriez quoi ?
Réalisateur : Sam Raimi
Scénario : Scott B. Smith

Acteurs : Bill Paxton, Billy Bob Thornton, Bridget Fonda, Brent Briscoe, Jack Walsh, Chelcie Ross, Becky Ann Baker, Gary Cole, Bob Davis, Peter Sylvertsen, Tom Carey

 Un plan simple (1998) on IMDb


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Auteur : Cherycok

Webmaster et homme à tout faire de DarkSideReviews. Fan de cinéma de manière générale, n'ayant que peu d'atomes crochus avec tous ces blockbusters ricains qui inondent les écrans, préférant se pencher sur le ciné US indé et le cinéma mondial. Aime parfois se détendre devant un bon gros nanar WTF ou un film de zombie parce que souvent, ça repose le cerveau.
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