[Film] Marlina : La Tueuse en Quatre Actes, de Mouly Surya (2017)


Au cœur des collines reculées d’une île indonésienne, Marlina, une jeune veuve, vit seule. Un jour, surgit un gang venu pour l’attaquer, la violer et la dépouiller de son bétail. Pour se défendre, elle tue plusieurs de ces hommes, dont leur chef. Décidée à obtenir justice, elle s’engage dans un voyage vers sa propre émancipation. Mais le chemin est long, surtout quand un fantôme sans tête vous poursuit.


Avis de Cherycok :
Je n’avais jamais entendu parler de Marlina : La Tueuse en Quatre Actes avant que Spectrum Films ne le sorte courageusement chez nous. Courageusement car, malgré les nombreux prix qu’il a gagnés dans les divers festivals qu’il a arpentés, malgré son passage à la Quinzaine des Réalisateurs du Festival de Cannes 2017, ce n’est pas un film qu’on pourrait qualifier de très vendeur. Et il faut saluer le travail de Spectrum Films d’avoir le culot de proposer des films qui sortent des sentiers battus tels que ce Marlina, d’essayer de titiller la curiosité des cinéphiles avec des films différents ô combien intéressants. Car, oui, Marlina : La Tueuse en Quatre Actes est une bien belle réussite, bien loin des habituels films d’action et d’horreur que l’Indonésie nous sert depuis quelques années.

La réalisatrice Mouly Surya est considérée comme l’une des cinéastes les plus prometteuses d’Indonésie. Après Fiksi en 2008 et What They Don’t Talk About When They Talk About Love en 2013, elle revient en 2017 avec Marlina : La Tueuse en Quatre Actes, un film d’émancipation et de vengeance sous forme de road trip dans lequel elle va aborder diverses thématiques qui lui tiennent à cœur. Elle nous propose un film féministe, dénonçant le machisme exacerbé des hommes et la condition féminine dans les coins reculés de l’Indonésie, où les femmes ne sont bonnes qu’à cuisiner et écarter les cuisses. Les femmes sont ici les personnages forts et pas un homme, à part le chauffeur de bus, n’est montré sous un bon jour. Ils sont jaloux (le mari de Nori), brutaux (la bande de Markus), parfois un peu crétins, se foutant éperdument de la condition de la femme et de ce qui peut lui arriver (le policier). L’histoire est mise en scène sous forme d’actes (ceux du titre), chacun étant une étape dans l’émancipation de l’héroïne où, aidée par une jeune fille enceinte, Nori, elle devra refermer certaines choses du passé (le deuil de son mari, son viol par Markus), avancer dans sa quête de justice, tout en allant de l’avant en essayant d’espérer des jours meilleurs. Marlina : La Tueuse en Quatre Actes va s’inspirer aussi bien des westerns spaghettis, pour son ambiance, ses décors, sa musique, que des films de sabres japonais, avec cette héroïne qui se trimballe avec sa machette. Deux genres étroitement liés qui vont être ici transposés dans une Indonésie qui semble complètement hors du temps. S’il n’y avait pas quelques objets technologiques (téléphones portables), il aurait pu se passer n’importe quand dans le 20ème siècle.

Marlina : La Tueuse en Quatre Actes est un film visuellement splendide, avec parfois des paysages presque surréalistes. Chaque plan est comme un tableau de maître et nous en met plein les yeux. La photographie est superbe, avec un énorme travail sur les couleurs mais surtout les contrastes comme par exemple ce bus bleu qui ressort énormément dans ces paysages désertiques très ternes. On retrouve ce contraste chez le personnage principal, toujours calme, impassible, alors qu’elle est en pleine quête vengeresse. Marsha Timothy incarne une Marlina tout en justesse, et de manière générale, c’est l’ensemble du casting qui s’en sort avec les honneurs. Les personnages ne sont certes que peu développés, mais ils n’ont au final pas besoin de l’être ici car Marlina est un film d’ambiance. Son rythme lent, parfois contemplatif est presque hypnotisant et il nous tient en haleine. Certes, cette lenteur rend le film assez difficile d’accès, avec son côté théâtral assez déroutant dû à l’utilisation exclusive de plans fixes. Mais si on y rentre, le film devient presque poétique, jusque dans ses quelques mises à mort d’une violence sèche, jamais complaisante. Le film se permet quelques moments bien absurdes, surtout au niveau des dialogues ou des situations, comme lorsque la personne âgée prend le bus avec des chevaux pour aller à un mariage ou que le fantôme sans tête se met à suivre Marlina en jouant de son instrument à cordes. Sous la légèreté de ces scènes se cache un film relativement noir, de par les thématiques qu’il traite, de par ce qui arrive à l’héroïne, mais surtout un film éminemment réussi qui se doit d’être découvert.

LES PLUS LES MOINS
♥ Mise en scène superbe
♥ La bande son réussie
♥ Les personnages
♥ La jolie Marsha Timothy
⊗ Un rythme lent pouvant dérouter
Marlina : La Tueuse en Quatre Actes est un film envoutant, d’une beauté plastique irréprochable, confirmant Mouly Surya comme une des réalisatrices indonésiennes à suivre. Un très beau film.

LE SAVIEZ VOUS ?
• Marlina était le premier long métrage indonésien à être présenté au Festival de Cannes depuis 2005.

• Marsha Timothy a remporté le prix de la meilleure actrice dans un rôle principal pour ce film au Festival du film de Sitges à Barcelone, en Espagne, en 2017, battant Nicole Kidman qui était nommée dans la même catégorie.


Marlina : La Tueuse en Quatre Actes est sorti chez Spectrum Films en combo DVD / Blu-ray au prix de 15€. Il est disponible à l’achat ici : Spectrumfilms.fr

En plus du film, on y trouve : Interview de la réalisatrice Mouly Surya, Critique par Les Cousins Font leur Cinéma et bande-annonce.



Titre : Marlina : La Tueuse en Quatre Actes
Année : 2017
Durée : 1h33
Origine : Indonésie
Genre : Beau comme un tableau
Réalisateur : Mouly Surya
Scénario : Rama Adi, Garin Nugroho, Mouly Surya

Acteurs : Marsha Timothy, Yoga Pratama, Egy Fedly, Dea Panendra, Tumpal Tampubolon, Haydar Salishz, Yayu A.W. Unru, Norman R. Akyuwen, Ruly Lubis

 Marlina, la tueuse en 4 actes (2017) on IMDb


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Auteur : Cherycok

Webmaster et homme à tout faire de DarkSideReviews. Fan de cinéma de manière générale, n'ayant que peu d'atomes crochus avec tous ces blockbusters ricains qui inondent les écrans, préférant se pencher sur le ciné US indé et le cinéma mondial. Aime parfois se détendre devant un bon gros nanar WTF ou un film de zombie parce que souvent, ça repose le cerveau.
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