
Siti est une jeune femme de 24 ans qui vit dans la station balnéaire de Bantul. En cumulant deux boulots, la vente de biscuits sur la plage de Parangtritis et hôtesse le soir dans un bar à karaoké, elle tente de s’occuper de son mari paralysé à la suite d’un accident de pêche, de son fils et de sa belle-mère. Chaque jour est un combat. Sa rencontre avec un policier va bouleverser sa routine.
Avis de Cherycok :
Siti a tourné dans les festivals dès 2014 dans lesquels il a gagné de nombreux prix comme celui du meilleur film et de la meilleure musique à l’Indonesian Film Festival ou celui de la meilleure actrice au Singapore International Film Festival. Pourtant, même dans son pays, l’Indonésie, il n’aura eu droit qu’à une sortie limitée dans quelques cinémas dit « alternatifs ». Peur que le film ne rentre jamais dans ses frais à cause de son noir et blanc et de son ton intimiste ? Pourtant, avec son petit budget de 150M de rupiahs (soit environ 10000€), il aurait eu tout à y gagner à être visible par le plus grand nombre, il n’y avait que peu de risque dans sa rentabilité, surtout avec sa réputation flatteuse dans les festivals. Quoi qu’il en soit, il est arrivé chez nous en DVD par le biais de Spectrum Films, et pour qui aime les drames intimistes se centrant sur un personnage, Siti se pose là. Sauf si, comme moi, à aucun moment vous n’arrivez à vous identifier à ce personnage…
Siti est dans une situation économique compliquée. Son mari ne travaille plus à cause d’une paralysie causée par un accident de bateau, elle est couverte de dettes car ce dernier a emprunté de l’argent pour acheter ce bateau. Elle est obligée de travailler jour et nuit pour subvenir aux besoins de sa famille dont elle est clairement l’épine dorsale. Le jour, elle vend des biscuits sur la plage. La nuit, elle travaille dans un karaoké, accompagnant les clients à chanter, alors qu’elle occupe ce qu’il lui reste de temps à prendre soin de sa maison, son mari, sa belle-mère et son fils. En plus de ses journées bien chargées, elle doit faire face à d’autres soucis, comme ces collecteurs de dettes, venus récupérer l’argent emprunté pour l’achat du bateau, ou encore une descente de flic dans le bar karaoké dans lequel elle travaille, réduisant une de ses sources de revenus. Malgré tout, elle garde le sourire, prend le temps de plaisanter avec son fils lorsqu’il lui raconte l’histoire d’un fantôme effrayant qui le perturbe à l’école. Elle garde le sourire, du moins en apparence. Car Siti est surtout une femme triste, qui cache sa frustration et sa colère. Les dettes lui posent des problèmes jour après jour, elle est irritée par le manque de communication de son mari, et elle est de plus en plus distraite par l’attention que lui porte un autre homme. Le film va se centrer sur cette femme qui est en profond conflit avec ce que sa vie est devenue. Elle est désemparée de ne pas arriver à sortir de ce cycle sans fin de problèmes financiers et de souffrance émotionnelle. L’actrice Sekar Sari est tout bonnement exceptionnelle dans ce rôle à la fois simple et compliqué, dans lequel sa vision du monde va passer de douceur à amertume. Elle donne vie à son personnage avec un naturel désarmant, exprimant de nombreuses choses parfois avec un simple regard, une simple posture. Via ce personnage, le réalisateur Eddie Cahyono va faire appel aux émotions du public, le questionnant sur divers points. Oui, vous feriez quoi vous dans sa situation ? Le reste du casting n’est pas en reste, nous présentant un véritable portrait du bas peuple dans les zones rurales indonésiennes.
Chaque scène de Siti se déroule avec une réelle simplicité. Les émotions ne sont jamais exagérées et le drame jamais artificiel. J’entends par là que jamais le film n’y va avec ses gros sabots pour nous émouvoir et nous tirer une larmichette, il n’a pas besoin de cela et va laisser faire ses personnages, superbement filmés dans un noir et blanc qui en jette, sur de longues prises, appuyant d’autant plus le désespoir et la mélancolie. Eddie Cahyono ne nous pousse pas vers le sort malheureux de Siti, mais cherche à lentement nous y entrainer, en faisant petit à petit monter la tension, au fur et à mesure qu’on comprend que cette dernière renferme beaucoup trop de choses en elle, qu’elle a besoin de les faire sortir mais ne sait pas trop comment. On va passer de l’ambiance chaleureuse et agréable du début du film, comme lorsque son fils Bagas court tout nu car il ne veut pas se laver et aller à l’école, à une ambiance pesante. Siti (le film) a de quoi vous scotcher à votre écran 1h28 durant car objectivement, c’est un quasi sans faute. Mais comme tous les films qui vont s’articuler quasi exclusivement sur leur personnage principal, si on n’arrive pas à s’identifier à ce personnage ou même à se prendre simplement d’affectation pour lui (pour quelles raisons que ce soit), on reste un peu sur le bas-côté. C’est ce qu’il s’est passé en ce qui me concerne, et, du coup, ces objectivement courtes 88 minutes m’ont semblé parfois terriblement longuettes. Malgré le jeu d’acteur impeccable de Sekar Sari et la façon dont elle donne vie à ce personnage, je n’ai ressenti que peu d’émotions pour elle. Cœur de pierre diront certains. Tu n’étais pas dans le bon mood diront d’autres. Je ne sais pas. Mais une chose est sûre, c’est que formellement, Siti est une réussite. Après, il faut accrocher…
LES PLUS | LES MOINS |
♥ Belle mise en scène N&B ♥ Sekar Sari, toute en justesse ♥ Scénario fluide | ⊗ Longuet si on ne rentre pas dedans ⊗ Et je ne suis pas rentré dedans… |
Mise en scène classieuse et au service de son propos, casting impeccable, personnages travaillés, Siti a bien des atouts dans sa manche pour plaire aux amateurs de drames intimistes. Il ne m’a juste pas embarqué avec lui… |
LE SAVIEZ VOUS ?
• Il s’agit du deuxième film de Eddie Cahyono après Cewek Saweran sorti en 2011. Son film suivant, Losmen Bu Broto, qu’il coréalisera avec Ifa Isfansyah (9 Summers 10 Autumns), ne sortira qu’en 2021.
• Sekar Sari était à l’origine le second choix pour jouer le rôle principal. Deux semaines avant le début de la production, l’actrice choisie en premier lieu (son nom n’est jamais mentionné) s’est retirée de la production et le rôle a été attribué à Sekar Sari, ce qui a lancé sa carrière d’actrice.
• Le tournage a duré six jours seulement.
SITI est sorti chez Spectrum Films en DVD au prix de 8€. Il est disponible à l’achat ici : Spectrumfilms.fr En plus du film, on y trouve : Présentation du film par Pierre Rissient, spécialiste du Cinéma d’Asie, interview de Eddie Cahyono et Sekar Sari, Court-métrage Guna Guna de Narindro Aryo Hutomo, Conférence sur le cinéma indépendant indonésien, bande annonce. |
Titre : Siti
Année : 2014
Durée : 1h28
Origine : Indonésie
Genre : Drame
Réalisateur : Eddie Cahyono
Scénario : Eddie Cahyono
Acteurs : Sekar Sari, Bintang Timur Widodo, Titi Dibyo, Ibnu Widodo, Haydar Salishz, Delia Nuswantoro, Chelsy Bettido, Cathur Stanis, Ernanto Kusuma, Agus Lemu Radia
Celui-là je l’avais adoré. J’avais beaucoup aimé l’histoire tournant autour du dilemme moral du personnag. D’un côté son envie de rester fidèle à son mari et s’occuper de lui même dans le malheur, de l’autre ses envies de femme et son aspiration au bonheur tout simplement. Et j’ai trouvé la fin déchirante. Perso je lui aurais mis un 7 ou un 8.
Comme je dis dans mon texte, je reconnais toutes les qualités du film. Juste il ne m’a pas embarqué car je ne me suis pas pris d’affectation pour le personnage de Siti. Et vu que le film tourne à 100% autour d’elle, je me suis un peu ennuyé. Là ou sur Microhabitat par exemple, qui tournait aussi exclusivement autour de son personnage féminin, je me suis attaché immédiatement au personnage central, là ça n’a pas fonctionné. Mais quand je vois les critiques sur la toile de Siti, j’ai bien compris que j’étais un des seuls. Mais voilà, ça arrive 🙂
Hé ben commandé. Le genre de films tant visuellement que thématiquement qui devrait me plaire. Je reviendrai faire un ptit retour dès que je pourrai le voir : )
Siti
Ils sont rapides chez Spectrum…
Un très beau film d’une simplicité touchante, j’ai trouvé qu’Eddie Cahyono avait un don pour pénétrer l’intimité d’une personne cassée par le poids de la vie et des coups du destin. En ce sens, le fait de faire face à une succession de scènes finalement assez banales le rapprocherait presque d’un fiction-documentaire façon Pedro Costa, en évitant tout aspect moralisateur ou complaisant. Elle est triste cette histoire, et pas forcément (ou uniquement) à cause de sa fin déchirante. Mais est-ce parce que Siti, par fatalisme, lucidité, ou désespoir, n’a pas su/voulu se saisir des différentes perches que ses proches et amis lui ont tendues à un moment donné ? Le format 1.33, le N&B (somptueux), tout est fait pour enfermer Siti, superbement incarnée, dans une spirale d’amertume sans fin et surtout sans espoir, même si on décèle un léger regard attendri et compatissant sur ce petit bout de femme qui doit se battre un peu plus que les autres pour rester debout la tête droite. Même si ça fait mal…
Merci d’être venu faire un retour ! Je sais bien que je suis passé à côté du film, je m’en suis rendu compte immédiatement (y’a qu’à voir tous les avis dithyrambiques qui trainent sur la toile), et je n’ai pas pu lui mettre en dessous de la moyenne pour cela car tout est maitrisé dans ce film
La note on s’en fout, c’est plus ce que tu écris dans ta chronique qui compte, de donner envie aux lecteurs de se pencher dessus comme ce fut le cas pour moi, même si tu arrives à expliquer avec du recul pourquoi tu ne l’as pas aimé. ; )
Par contre je dois pas être très doué pour chercher mais je n’ai pas trouvé beaucoup d’autres critiques à propos de ce film, juste une en français et une autre en anglais. Tu aurais des liens à me donner éventuellement ?
tu en as là : https://www.filmdoo.com/blog/2017/03/07/review-siti-2014/ ou là https://asianmoviepulse.com/2019/08/film-review-siti-2014-by-eddie-cahyono/
J’étais également tombé sur un forum reddit qui en parlait