[Film] Pistol Opera, de Seijun Suzuki (2001)


Une jolie tueuse surnommée Stray Cat, classée numéro 3, va bientôt se retrouver embrigadée dans un massacre en règle auquel tous les assassins du pays vont participer, afin de s’emparer de la place du tueur numéro 1.


Avis de Oli :
Remake avoué de son célèbre MARQUE DU TUEUR, mais avec cette fois-ci une jeune femme dans le rôle de l’assassin un brin dépassé par les évènements, PISTOL OPERA a marqué le retour fracassant de Suzuki Seijun à la réalisation pour le cinéma. Déjà célèbre pour ses multiples expérimentations graphiques et narratives, LA MARQUE DU TUEUR avait justement marqué son temps, ainsi que les esprits (puisque Suzuki fut licencié). Polar pop et violent, drôle, sexy et emballant, LA MARQUE DU TUEUR avait tout pour plaire, et les expériences made in Suzuki ne paraissaient alors en rien outrageantes, puisque le film avait une histoire, un fil conducteur malin et rythmé, le tout rehaussé par un humour omniprésent contrebalançant la noirceur de l’intrigue et la violence du propos général. Je rappelle ceci car, à mon sens, PISTOL OPERA n’a rien de tout cela.

Tout d’abord l’histoire est encore plus mince que celle de LA MARQUE DU TUEUR (elle tient en une ligne), pire elle ne fait que s’inspirer de cette dernière (pourquoi pomper une histoire si limitée, qui avait été acceptée une fois justement parce que c’était « la première fois » ?). En gros dans le dernier film (à l’heure où j’écris ces lignes) de Suzuki Seijun, il ne se passe absolument rien : les tueurs se croisent et se recroisent, se tuent parfois ou discourent longuement lorsqu’ils estiment en avoir le temps. Une histoire linéaire, limitée, et qui pourtant largue parfois complètement son spectateur : non pas que le scénario en deviendrait subitement alambiqué, non… simplement de temps à autres c’est tellement du grand n’importe quoi que l’on se demande si le film que l’on regarde n’a pas été charcuté de plusieurs scènes expliquant ceci ou cela (je passe sous silence certains instants où l’on ne comprend rien, je ne m’étendrai pas non plus sur ces non-sens et pirouettes scénaristiques ridicules qui nous font passer d’une scène à une autre sans transition aucune).

Bref, on s’ennuie ferme devant ce PISTOL OPERA. Et ici nous n’avons même plus le génialissime Shishido Jo pour nous ragaillardir et détendre un peu l’atmosphère : la nouvelle héroïne apparaît ainsi bien fade, comme c’est le cas d’ailleurs de l’ensemble du casting : des personnages abstraits à l’extrême (bien entendu inspirés du théâtre japonais), paraissant comme vidés de toute vie, empêchant toute émotion, tout souffle épique de poindre à l’écran : oui, PISTOL OPERA est un film à l’encéphalogramme plat. Cette volonté de pousser l’abstraction à son paroxysme, de gommer la plupart des figurants de l’écran, de vider la grande majorité des personnages principaux de toute humanité et enfin de colorer le tout de teintes kitch à outrance n’est pas sans rappeler la démarche des producteurs de CHAPEAU MELON ET BOTTES DE CUIR (jusqu’à la sixième saison, soit avant les années 70). Une série qui avait déjà innové de tous les côtés, et qui, me semble-t-il, a quelque peu inspiré Suzuki sur ce film-ci. Encore une fois rien ne le prouve, ce n’est qu’une supposition, mais la présence du tueur en fauteuil roulant achèverait presque de me convaincre…

En tout état de cause, si la recette fonctionnait sur cette série télé, c’est sans nul doute parce que le tout était condensé en de courts épisodes. Sur près de deux heures de film c’est déjà plus difficile… de plus dans la série les deux personnages principaux ne cessaient de jouer ensemble et de faire preuve d’un humour à toute épreuve. Dans PISTOL OPERA ce n’est même pas le cas : certes on sent poindre une attirance sexuelle entre Stray Cat et son agent, mais ça ne va pas vraiment plus loin, ou alors c’est beaucoup trop abstraitement illustré : en fait rien n’est véritablement creusé dans le film de Suzuki… rien mis à part la forme et ces multiples audaces graphiques, certaines absolument sublimes et saisissantes (ce plan large lors de la course poursuite entre l’homme au fauteuil et Numéro 3), d’autres beaucoup plus poussives, paraissant carrément forcées et absolument inutiles d’un point de vue scénaristique (pas trop grave) mais également d’un strict point de vue logique de compréhension de la scène visée… et là c’est plus embêtant.

LES PLUS LES MOINS
♥ La mise en scène
♥ Visuellement beau
⊗ Histoire très mince et linéaire
⊗ On s’ennuie
⊗ Casting fade
Pistol Opera est un ovni dénué de tout intérêt, excepté cette étrange expérience graphique qu’il propose (là où les œuvres de Suzuki période Nikkatsu proposaient un détonnant mélange de maîtrise de la forme ET du fond). J’en déduis donc que ceux qui s’attendent à un film de cinéma seront au moins aussi déçus que moi. Quant aux autres, curieux de tous poils et peut-être réalisateurs en mal d’inspiration ou de références, ils trouveront dans cette œuvre unique une source quasi inépuisable de clins d’œil en tous genres (n’est-ce pas Monsieur Tarantino ?).



Titre : Pistol Opera / ピストルオペラ
Année : 2001
Durée : 1h52
Origine : Japon
Genre : Polar expérimental
Réalisateur : Seijun Suzuki
Scénario : Kazunori Ito, Takeo Kimura

Acteurs : Makiko Esumi, Sayoko Yamaguchi, Kirin Kiki, Mikijiro Hira, Hanae Kan, Kenji Sawada, Jan Woudstra, Masatochi Nagase, Haruko Kato

 Pisutoru opera (2001) on IMDb


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Auteur : Oli

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