[Film] Karate Tiger, de Corey Yuen (1985)

Pressé par un syndicat du crime, Stillwell, professeur de karaté, quitte Los Angeles pour se construire une nouvelle existence à Seattle. Son fils Jason, un fervent admirateur de Bruce Lee, est profondément déçu par le comportement lâche de son père. Après avoir perfectionné son art martial, Jason se lance dans la lutte contre les éléments criminels de la ville.


Avis de John Roch :
Si à Hong Kong sa filmographie est déjà riche en films qui envoient, Corey Yuen et les States, c’est une affaire qui roule. Chorégraphe de la plupart des films de son pote Jet Li made in USA, des Transporteurs et de quelques autres Stathameries, Yuen s’est imposé, certes pour le pire, dans le paysage cinématographique Yankee, qui lui rendra bien en lui laissant réaliser le pourrigolo Dead or Alive, d’après le jeu du même nom. Mais pour trouver une trace de sa première incursion au pays de l’oncle Sam, il faut remonter aux années 80, époque où Hong Kong tentait de s’imposer à l’autre bout du monde en important ses stars (Jackie Chan pour le Chinois et le Retour du Chinois), réalisateurs (Corey Yuen donc, suivi tardivement de Tsui Hark et son infâme The Master) et producteurs (Raymond Chow et sa Golden Harvest a tenté le coup bien avant les Tortues Ninja). Plus précisément en 1984, année où est tourné Karaté Tiger, produit par Ng See Yuen via sa boite de production Seasonal Film Corporation, aussi bien active à Hong-Kong (Butterfly murders, le Chinois se Déchaîne) qu’aux USA où il a tenté de percer en produisant des métrages tournés sur place mais à la manière Hongkongaise (dont le plus beau représentant est Bloodmoon avec Gary Daniels), le duo tente ici de refaire Karaté Kid, qui marche du tonnerre cette année-là, pas vraiment pour le meilleur, mais clairement pour le pire.

Grosso modo, Karaté Tiger reprend la structure de Karaté Kid, jugez plutôt : Jason et sa famille quittent Los Angeles pour s’installer à Seattle après que son père, Tom, ait refusé de vendre son Dojo à une organisation criminelle, qui lui rendra bien puisque l’un des sbires des mafieux lui brise la jambe et l’handicape à vie. Sur place, rien ne va pour lui et il devient la bête noire de tous les jeunes et des pratiquants de Karaté du Dojo du coin, en plus de développer une relation conflictuelle avec son père qui ne cautionne pas que son rejeton se batte, quant à savoir si c’est pour sa défense ou non, il n’en a cure. Mais là où Karaté Tiger se différencie dans la forme (dans le fond, ça reste la même chose que le film de John G. Avildsen), c’est que Jason ne va pas trouver le salut en la personne d’un émule de maître Miyagi, mais en celle de Bruce Lee, qui a entendu sa détresse et descend du ciel pour lui apprendre à se battre. Il est coutume de parler d’un scénario en présentant d’abord ce qui va puis ce qui ne va pas, je vais sauter une étape pour la simple et bonne raison que rien, mais absolument rien ne va dans le script pondu par un certain Keith W. Strandberg (responsable d’une poignée de scripts de films de Kickboxing), d’après une histoire originale de Corey Yuen et Ng See Yuen. Passons sur la repompe de Karaté Kid, des choix par moments étranges (Jason qui fait son super entraînement dans un parc pour enfant, hein ?), sur les personnages ultra clichés et les derniers instants qui se transforment sans crier gare en l’habituelle lutte manichéenne entre les méchants Russes et les gentils ricains pour se concentrer sur le nœud du problème : le script faisait à la base 220 pages, un texte consistant donc, constamment réécrit parfois juste avant une journée de tournage. Le hic, c’est qu’à force de réécriture, et de pan du scénar qui ont dû passer à la poubelle, on ne comprend rien à ce qui se déroule sous nos yeux, et entre chaque scènes qui s’enchaînent, il est évident qu’il manque à chaque fois quelque chose. Les personnages apparaissent comme par magie, sont introduits dans ce qui semble être le milieu du développement du personnage en question, d’autres disparaissent purement et simplement, reviennent le temps d’une scène qui sort de nulle part, ce qui rend le parcours initiatique de Jason et le développement des personnages incompréhensibles. Coté méchants, les enjeux ne sont pas plus clairs, les méchants Russes rachètent des Dojos pour leur organisation criminelle, soit, on pige pas pourquoi, mais a la rigueur ça passe. Mais comment en arrivent-ils à organiser un tournoi d’arts martiaux alors qu’à la base ils utilisent l’intimidation et la force pour arriver à leur fin ? En fouillant un peu, des pages du script non tournées existent bel et bien, ce qui confirme le manque de liant entre des scènes montées n’importe comment, qui donnent des réactions étranges aux personnages ou aux situations qu’ils vivent, dont on ne sait plus si c’est en rapport avec un moment précédent ou avec des pages du script inutilisées..

Karaté Tiger est un film complètement bordélique, un ersatz absolument foiré de Karaté Kid, mais pas seulement car c’est aussi un Karaté Kid en mode Bruceploitation, bien qu’il n’appartienne pas à ce genre qui exploitait l’image du petit dragon autant qu’il l’a salissait, le film peut être considéré comme un rejeton tardif de cette vague. Car Bruce Lee est là, en esprit pour apprendre les arts martiaux à Jason, ce qui ne choque visiblement personne, ni son pote RJ, ni son père qui ne s’étonne pas de l’absence de son fils qui a élu domicile dans une maison abandonnée. Bruce Lee est joué par Tae-Jeong Kim, qui avait déjà singé le créateur du Jeet Kune Do par le passé, notamment dans le Jeu de la Mort. Il imite Bruce Lee, bouge comme Bruce Lee, ressemble à Bruce Lee de très loin et récite des dialogues débiles qui tentent de reprendre la philosophie de Bruce Lee. Pas le pire de ce que contient Karaté Tiger, mais ce qui a de plus cohérent en revanche, bien que la tornade du montage chaotique n’épargne pas ces scènes incrustées ici et là. Mais si il y a une chose que Karaté Tiger propose de bien fichu en plus d’une musique 80’s jusqu’au bout des fibres de l’épiderme et une chanson de l’espoir typique de l’époque (Hold on to the vision, yeah !), et le contraire aurait été étonnant de la part de Corey Yuen, c’est les bastons. Mises en scène avec panache, aux chorégraphies orchestrées par le réalisateur lui-même, les combats sont ce qui empêche le naufrage, d’autant plus que de vrais artistes martiaux forment la quasi totalité du casting, qui jouent très mal, comme le reste des acteurs, exception faite de Kurt McKinney dans le rôle de Jason, qui s’en tire bien malgré son manque de charisme, ce qui lui fait se faire voler la vedette par the guest du métrage : Jean-Claude Van Damme. Second rôle officiel du Belge, qui après avoir joué un Karateka homo dans Monaco Forever, joue ici un karateka Soviet : Ivan Krashinsky le Russe. Et mine de rien, Van Damme en impose dans ce petit rôle dont le temps de présence n’excède pas le quart d’heure, et le temps de parole n’excède pas les trois phrases et demi, dont le mythique “le meilleur ! Je suis le meilleur !” qui donnera les larmes aux yeux aux amateurs de VF improbables et déviantes. Un quart d’heure de présence qui a fait beaucoup pour le succès de Karaté Tiger, puisque c’est bien Van Damme qui sera mis en avant suite à la renommée soudaine de l’acteur, ce qui fera rentrer de l’argent dans les caisses et donnera deux suites officielles, et une pelleté d’officieuses en Allemagne, où le titre Karate Tiger semblait si vendeur qu’il y en a eu 9 outre-Rhin. Citons Karaté Tiger 4 qui cache Best of the Best, tandis que The King of Kickboxer fait office de Karaté Tiger 5. Quant au supposé sixième opus, il y a un minimum de rapport avec Van Damme car il s’agit de Kickboxer 3.

LES PLUS LES MOINS
♥ Des combats réussis…
♥ Malgré un temps de présence limité, Van Damme donne le meilleur de lui même
♥ La VF magique
⊗ …mais il y en a pas beaucoup
⊗ Un scénario incohérent, pas fini, par moment débile, dont les réécritures et les pages abandonnées se ressentent sans cesse
⊗ Un montage chaotique
⊗ Des personnages ultra clichés
⊗ Une repompe de Karate Kid
Si l’on omet un excellent Jean-Claude Van Damme dans un petit rôle et la qualité des peu de combats présents, Karate Tiger est un film complètement raté, mal joué, mal écrit, mal monté, dont l’existence n’a été motivé que par le succès de Karaté Kid.

LE SAVIEZ VOUS ?
• le jour ou kurt McKinney a appris qu’il avait le rôle, il reçu une lettre d’admission à l’école de police de Los Angeles, qu’il a décliné.

• Kurt McKinney et Tae-jong kim parlaient chacun leurs langues respectives, et n’avaient aucune idée de ce que l’un disait à l’ autre. Kim a été ensuite doublé en anglais.

• J.W fails a menti pendant son audition. En effet l’équipe voulait un Afro-américain avec des compétences en breakdance et en skateboard, et lorsqu’il se sont rendus compte que l’acteur en était incapable, ils ont du engager une doublure pour certaines scènes.



Titre : Karate Tiger / No Retreat, No Surrender
Année : 1985
Durée : 1h25
Origine : Hong Kong/U.S.A
Genre : Karate Kid : the aliexpress cut
Réalisateur : Corey Yuen
Scénario : Corey Yuen, Ng see Yuen et Keith W. Strandberg

Acteurs : Kurt McKiney, Jean-Claude Van Damme, J.W Fails (comme sa carrière), Kathie Sileno, tae-Jeong kim, Kent lipham, Ron Pohnel, Dale jacoby

 Karaté tiger - Le tigre rouge (1985) on IMDb


 

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Auteur : John Roch

Amateur de cinéma de tous les horizons, de l'Asie aux États-Unis, du plus bourrin au plus intimiste. N'ayant appris de l'alphabet que les lettres B et Z, il a une nette préférence pour l'horreur, le trash et le gore, mais également la baston, les explosions, les monstres géants et les action heroes.
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