[Film] Ebola Syndrome, de Herman Yau (1996)

En cavale en Afrique du Sud après le meurtre de sa maîtresse et de son patron, Kai viole une femme agonisante et contracte le virus Ebola. Il en réchappe miraculeusement, devient porteur sain et contamine les clients de son restaurant avec enthousiasme et délectation.


Avis de John Roch :
Malgré 74 films au compteur qui vont du drame à la comédie en passant par l’action, le blockbuster et le kung-fu, Herman Yau reste catalogué réalisateur de Catégorie III. Il faut dire que le réalisateur est à l’origine de deux des représentants les plus cultes du sous genre tout aussi culte issu du fameux système de classification. Avec The Untold Story tout d’abord, fer de lance de la Cat III avec Dr. Lamb l’année précédente, qui résume à lui seul ce qu’est un film du genre : du sexe, de la violence, de l’humour noir, du politiquement incorrect et des moments qui font parfois mal (le viol aux baguettes qui s’imprime instantanément dans la tête). Puis il y a le petit frère encore plus dégénéré de The Untold Story : Ebola Syndrome. L’idée du métrage ne vient pas directement de Herman Yau mais de Wong Jing, qui n’est jamais le dernier pour surfer sur les succès du moment et dans le cas Ebola Syndrome, ils sont deux. D’un côté Alerte! de Wolfgang Petersen, carton de l’année 1995 dont le virus trouvait son inspiration dans le virus Ebola, sorti alors que le Zaïre faisait face à une épidémie bien réelle. De l’autre, le succès des Cat III qui est certes à relativiser (comparé aux idées reçues, il n’y a pas eu de vague Cat III en terme de box-office), mais qui permet de capitaliser sur un faible budget de départ. Si de Alerte! il ne reste rien à part l’inspiration Ebola, il y a en revanche du The Untold Story dans Ebola Syndrome qui est à la fois un remake, une suite spirituelle et un sommet du mauvais gout. Autant vous prévenir, si vous n’avez jamais vu Ebola Syndrome, de surcroit dans sa version intégrale, accrochez-vous dès la scène pré générique qui introduit le personnage principal et ce que va être le métrage pendant son entièreté. Et ça commence fort lorsque le spectateur fait la connaissance de Kai, qui surpris par son patron en pleine partie de jambe en l’air avec sa femme, passe d’abord pour la pire des larves avant de se révéler être un taré de la pire espèce. Après un réveil urophile, un triple meurtre, et une tentative de bruler vive une gamine, Herman Yau annonce la couleur : Ebola Syndrome est un film où se mêle trash, sexe, violence, politiquement incorrect et humour noir.

La suite des festivités se déroule dix ans plus tard, Kai est employé dans un restaurant chinois où il se fait malmener par ses employeurs. Mais qu’importe, ce qui importe à Kai, c’est de se vider les bourses sans y parvenir tant il est répugnant. C’est alors qu’il part chercher des cochons chez une tribu touchée par l’Ebola qu’il viole et assassine une femme qui lui rend bien en lui transmettant le virus. Ça aurait pu s’arrêter la mais le scénario apporte une nouvelle propriété au virus Ebola : une personne sur dix millions est porteur sain ce qui transforme Kai en une bombe sanitaire à retardement. Après avoir tué ses patrons et les avoir donné à manger aux clients du restaurant, ce qui déclenche une épidémie d’Ebola à Johannesburg, Kai repart pour Hong Kong toujours sans savoir qu’il transmet le virus à tous ceux qui s’approchent trop de lui. Après son Untold Story déjà épicé, Herman Yau récidive dans le trash et rien ne sera épargné au spectateur : viols, meurtres, infanticide, cannibalisme et autre autopsie gerbante, Ebola Syndrome est un monument de mauvais gout qui n’oublie toutefois pas de verser dans l’humour histoire de rendre l’ensemble un peu plus léger. Enfin léger, tout dépend de votre perception de cet humour noir et tout aussi trash que les méfaits de Kai, ce dernier ayant des répliques par moments très drôles (« je tue des gens, c’est interdit ? »). Dans le rôle de l’anti héros, Anthony Wong fait des merveilles. Déjà brillant dans The Untold Story, il est ici encore plus barré. Complètement possédé par son rôle, Wong réussit à faire ressortir le côté abject, sale, répugnant et immoral de son personnage, et en fait l’une, si ce n’est LA saloperie la plus dingue jamais vu au cinéma.

Si Wong en impose dans toutes les scènes où Kai est présent, de la glauque à la plus invraisemblable (ce moment aussi impayable qu’incroyable où Kai crache sur les passants pour les contaminer), on ne peut pas en dire autant des personnages secondaires qui alourdissent le rythme du métrage. Si le trio de flics n’est pas forcement nécessaire à l’intrigue, c’est surtout l’hôtesse de l’air qui est en fait la gamine survivante du massacre qui ouvre le métrage qui est absolument inutile, certes là pour renforcer le côté dégoutant de Kai, mais si dispensable que Ebola Syndrome aurait pu largement s’en passer et gagner en rythme. Reste que cela ne nuit pas tellement au métrage, tant celui-ci réserve son lot d’atrocités qui repoussent les limites mais passé le coté trash, Ebola Syndrome est intéressant car bien que produit à des fins purement mercantiles, le film est ouvert à de multiples interprétations. Selon la lecture que peut en faire le spectateur, on peut y voir une allégorie du SIDA et du racisme, une œuvre témoignant de l’urgence de mesures sanitaires dans le monde, mais aussi dans le personnage à tendance anarchiste de Kai une forme de lutte des classes (seule thématique revendiquée par Herman Yau) ou une métaphore de la rétrocession de Hong Kong à la chine qui aura lieu l’année suivante. Toutefois, on peut aussi s’affranchir de tout niveau de lecture et y voir une comédie trash, un film fou issu d’une époque révolue ou un métrage à la liberté inimaginable de nos jours, libre à chacun d’apprécier Ebola Syndrome comme il l’entend, mais il ne laissera personne indifférent.

LES PLUS LES MOINS
♥ Un film complètement fou
♥ Anthony Wong, incroyable
♥ Un mélange de genres qui fonctionne
♥ Du trash à tous les niveaux
♥ La musique
♥ Un métrage ouvert à de multiples interprétations
♥ L’humour noir qui décape
⊗ Des personnages secondaires dispensables, voire inutiles
⊗ Quelques longueurs
L’époque de la Catégorie III est bien révolue mais les films demeurent. Digne représentant du sous genre, Ebola Syndrome est à la fois une comédie trash bien méchante et une œuvre d’une liberté impossible à retrouver de nos jours. Un film qui n’a rien perdu de sa force plus de 25 ans après sa sortie.

Ebola Syndrome est sorti chez Spectrum Films en combo DVD/Blu-ray au prix de 25€. Il est disponible à l’achat ici : Spectrumfilms.fr

En plus du film dans sa version cinéma et dans sa version intégrale, on y trouve : une présentation de Arnaud Lanuque, une interview de Herman Yau, un commentaire audio de Herman Yau et Anthony Wong, un podcast sur la Catégorie III, une interview de la scénariste Chau Ting, une interview du responsable des cascades James Ha et la Bande-annonce.



Titre : Ebola Syndrome / Yi boh lai beng duk
Année : 1996
Durée : Version cinéma: 1h38 / version intégrale: 1h40
Origine : Hong Kong
Genre : Cat III
Réalisateur : Herman Yau
Scénario : Ting Chau

Acteurs : Anthony Wong, Yeung-Ming Wan, Fui-On Shing, Chui Ling, Miu-Ying Chan, Tsui-Ling Wong, Meng Lo, Lu Cheung

 Ebola Syndrome (1996) on IMDb


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Auteur : John Roch

Amateur de cinéma de tous les horizons, de l'Asie aux États-Unis, du plus bourrin au plus intimiste. N'ayant appris de l'alphabet que les lettres B et Z, il a une nette préférence pour l'horreur, le trash et le gore, mais également la baston, les explosions, les monstres géants et les action heroes.
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