[Film] Doctor Strange In The Multiverse Of Madness, de Sam Raimi (2022)

Dans ce nouveau film Marvel Studios, l’univers cinématographique Marvel déverrouille et repousse les limites du multivers encore plus loin. Voyagez dans l’inconnu avec Doctor Strange, qui avec l’aide d’anciens et de nouveaux alliés mystiques, traverse les réalités hallucinantes et dangereuses du multivers pour affronter un nouvel adversaire mystérieux.


Avis de John Roch :

Avec sa phase 4, le MCU marque un tournant car en plus des films sur grand écran, elle a introduit les séries sur la plateforme Disney+. Une indigestion super héroïque qui ne semble pas atteindre le public cible et les fans pour qui suivre ses héros préférés va bientôt devenir un job à plein temps. Car oui, pour tout suivre et tout comprendre dans le MCU il faut tout voir sous peine de rester un moment ou à un autre sur le carreau. Le cas Doctor Strange In The Multiverse Of Madness en est un parfait exemple, le film n’est pas une nouvelle aventure solo de Stephen Strange ni d’une suite à proprement parler du Docteur Strange de Scott Derrickson. Avec le temps on s’y fait, le MCU est un écosystème où tout est lié, mais là où ça commence à coincer, c’est que le métrage peut être considéré comme une suite de WandaVison, première série du MCU qui avait du potentiel mais qui au final était un énorme pétard mouillé dès lors que la seconde partie se débarrassait purement et simplement d’un concept pas inintéressant pour ressembler à une énième Marvelerie, au format télévisuel. Pour suivre le MCU, il faut donc désormais avoir son abonnement à Disney + pour ne pas en perdre une miette, et si vous ne regardez pas ou très peu de séries, tant pis pour vous. Une stratégie gagnante pour Disney, qui a une fan base si solide qu’elle ne semble pas se considérer comme une vache à lait à manger du Marvel et du Star Wars à toutes les sauces sur la plateforme de SVOD. Remarquez je serais un exécutif de Disney, le MCU je le déclinerais aussi sous forme de jeux vidéos et de comics auxquels il faudrait absolument avoir joué et lu pour ensuite voir la prochaine série qu’il faudra avoir vue pour aller voir le prochain film, quitte à se faire du pognon sans même s’en cacher, autant aller jusqu’au bout. Mais je m’égare, je digresse, revenons à la phase 4 cinématographique et au film dont il est question ici.

La phase 4 du MCU, on ne peut pas dire qu’elle soit pour le moment mémorable. Passé la petite surprise Shang-chi, et les Éternels qui était loin d’être la catastrophe annoncée, on a eu Black Widow, Téléfilm de luxe qui arrivait trop tard dans l’univers cinématographique Marvel, et Spider-Man No Way Home, qui a prouvé que les fans pouvaient uniquement se contenter du fan service pour élever un métrage au rang de chef d’œuvre (ou masterclass comme ils disent les jeunes maintenant, sans visiblement avoir appris le sens premier du mot). Ce qui nous amène au cinquième film de cette phase : Doctor Strange In The Multiverse Of Madness annoncé comme le premier film d’horreur du MCU, rien que ça. Scott Derrickson devait rempiler mais quittera le navire pour cause de divergence artistique, le réalisateur ayant sans doute pris très au sérieux l’appellation « première production horrifique du MCU ». Là où le projet a commencé à devenir intéressant, c’est lorsqu’il a été annoncé que Sam Raimi qui n’avait rien tourné, si ce n’est quelques épisodes de séries dont le pilote de Ash VS. The Evil Dead, depuis 2013 et Le Monde Fantastique D’Oz allait mettre en scène le film. La question, c’est de savoir si le style de mise en scène bien à lui n’allait pas être bridé par la production. Au final ce n’est pas le cas et à défaut de révolutionner le MCU, Sam Raimi livre ici un métrage qui porte bien sa marque de fabrique et propose une sorte de récréation de deux heures au sein d’un univers cinématographique à la mécanique réglée comme une horloge.

Petit rappel des faits. Dans WandaVision, Wanda Maximov prenait possession d’une petite ville pour poursuivre son idylle avec Vision décédé dans Avengers Infininty War des mains de Thanos, sous fond de pastiche/hommage aux séries télévisées des années 50 aux années 2000. Bien évidement rien ne se passe comme prévu (en terme de scénario et de qualité) et Wanda affronte une sorcière qui détient le Darkhold, livre des sorcières surpuissant. Revenue à la raison, Wanda libère le bled mais perd non seulement Vision pour de bon, mais aussi ses deux fils qu’elle a imaginés dans son envolée schizo. Dans Doctor Strange In The Multiverse Of Madness on suit America Chavez dont le super pouvoir est de pouvoir voyager dans le multiverse. Pourchassée par des démons, elle trouve refuge chez Doctor Strange dans son univers, après avoir été trahie par le Doctor Strange d’un autre univers. N’y connaissant pas grand-chose en multivers alors qu’il en a payé les frais dans Spider-man No Way Home, le doc maître des arts mystiques décide de consulter Wanda, seulement Wanda désormais sous influence du Darkhold est la Scarlet Witch, et c’est elle qui envoie des démons aux fesses de America Chavez dans le but d’absorber son pouvoir pour trouver un univers où elle pourrait être aux coté de ses enfants… On ne va pas y aller par quatre chemins, quand on pense à Sam Raimi et aux super héros on pense forcement à la trilogie Spider-man et au développement des personnages qui manquent cruellement au paysage super héroïque actuel. Ici, et bien qu’il y ait quelques fulgurances (j’y reviendrai plus bas), Doctor Strange In The Multiverse Of Madness pose ses enjeux rapidement. Pas de twist en milieu de métrage ni de retournement soudain de veste. Non, ici l’histoire est très claire dès le départ, l’occasion pour le réalisateur de livrer un métrage dense en terme d’action, car passé la première demi-heure et quelque dialogues ici et là, Doctor Strange In The Multiverse Of Madness est un tour de montagnes russes de deux heures sacrément généreux.

Alors certes, les CGI manquent parfois de finition, il est évident que les acteurs ont tourné majoritairement devant un fond vert ou bleu et sont parfois mal incrustés, l’humour cher au MCU ne sert à rien à part dédramatiser les situations… bref tout les défauts inhérents au MCU sont là, rajoutez à cela l’occasion de prouver que le multiverse est une porte ouverte à tout et n’importe quoi, et surtout à Disney de dire haut et fort « hey, vous avez vu ? On a acquis plein de nouvelles licences Marvel, on en a pour 20 ans de MCU! Merci les avocats ! ». Mais Doctor Strange In The Multiverse Of Madness parvient à se démarquer du reste des films de l’univers Marvel. Esthétiquement déjà car si il y a à redire sur les CGI par moments, le film est visuellement très agréable à l’œil. Le saut dans le multiverse, le monde détruit par la collision entre deux univers, sans oublier cette scène dans la tête de la Scarlet Witch minimaliste mais superbe, Doctor Strange In The Multiverse Of Madness est un petit festival de trouvailles visuelles. Généreux ensuite dans l’action, Sam Raimi prouve ici une fois de plus qu’il n’a pas son pareil dès lors qu’il s’agit d’extirper des planches de comics et de les transposer sur grand écran tout en les pensant en termes de mise en scène. Les bastons, combats contre les démons et autres friandises sont , à défaut d’être réellement impressionnantes, toutes aussi folles les unes que les autres, renforcées par le style de mise en scène du réalisateur qui traverse les époques sans dommages. Doctor Strange In The Multiverse Of Madness, ne l’oublions pas, est censé être la première production horrifique du MCU. Sur ce point il ne faut pas s’attendre à un véritable film d’horreur, bien que sur le papier il ait été pensé en tant que tel. Sur le papier le métrage se veut gore, avec corps coupé en deux, énucléation, empalement, tête qui implose et autres zombies et démons, à l’écran il est évident que Marvel n’aurait jamais laissé passer ça, pas plus qu’un autre blockbuster pensé pour attirer tout type de public de tous ages, le tout est donc la plupart du temps hors champs. Même constat concernant les scènes purement horrifiques, qui comprennent des scènes de possession et poursuite des protagonistes par une Scarlet Witch couverte de sang, on est plus proche d’un tour en train fantôme qui n’effraiera que les plus petits. Reste que si l’attente, qui n’a pas vraiment de sens, de voir un vrai film d’horreur peut décevoir, ça fonctionne et film contient mine de rien son petit lot de fulgurances qui détonnent au sein du MCU.

Dans la forme Doctor Strange In The Multiverse Of Madness est une petite réussite, un tour de grand huit rythmé, fun avec pas mal d’idées que ce soit dans la mise en scène, ou d’ordre scénaristique. Dans le fond, il y a tout de même à redire sur le scénario, bourré de facilités comme le rêve-passage, pas en mauvaise idée en soi mais qui sert surtout à faire avancer le script à vitesse grand V. Il y a aussi à redire sur le multiverse, car au final si dans la forme c’est sympa de voir Doctor Strange traverser plusieurs univers et que l’ensemble est cohérent, le sentiment d’assister à une succession de saynètes plutôt qu’à un film réellement structuré est présent, de quoi émettre des réserves sur l’utilisation du multiverse car pour le moment, à part pour le fan service, Marvel ne semble pas savoir où aller ni comment exploiter la multiplication des univers qui permet des combinaisons infinies, peut-être trop pour le MCU. Mais la petite surprise scénaristique, c’est le développement des personnages. De prime abord lisses, Sam Raimi ne les oublie pas et les rend relativement touchants. Si l’on passera sur America Chavez, et que Doctor Strange se révèle intéressant en constatant le malheur qu’il partage avec ses homologues bons, mauvais ou maléfiques, c’est surtout le personnage de Scarlet Witch qui est touchant. La voir scruter les univers où sa vie de famille, qu’elle a pourtant imaginée, se révèle bien réelle, contrebalancé par une personnalité schizophrène fait d’elle un antagoniste plus complexe qu’elle n’y paraît, encore plus si vous avez suivi ses aventures à la qualité aléatoire depuis Avengers: l’ère d’Ultron. Et ce final qui conclut l’intrigue de la plus cruelle des manières pour le personnage qui certes dans un dernier élan d’héroïsme montre qu’elle est une méchante mais pas trop, amène ce que le MCU a négligé depuis le début de sa création : l’émotion. Et ça, c’est beau.

LES PLUS LES MOINS
♥ La mise en scène de Sam Raimi
♥ Visuellement réussi
♥ Le personnage de Scarlet Witch, touchant
♥ Un rythme du tonnerre
♥ Des scènes d’action folles
♥ Le coté horrifique qui fonctionne pour une production de ce calibre…
♥ Pas mal d’idées
⊗ Des CGI perfectibles par moments
⊗ L’humour qui n’apporte rien
⊗ Dans le fond, le scénario est faible
⊗ Le multiverse, c’est possible d’en faire autre chose qu’une usine à fan service?
⊗ …. mais forcement, il ne faut pas en attendre beaucoup sur ce point.
A défaut de livrer la première production horrifique du MCU comme il a été annoncé, ou de révolutionner l’univers cinématique Marvel, Sam Raimi livre avec Doctor Strange In The Multiverse Of Madness un gros tour de manège, une récréation de deux heures fun, généreuse en termes d’action, fourmillante d’idées et prouve une nouvelle fois que le réalisateur est l’homme de la situation dès lors qu’il s’agit de filmer des super-héros. Jusqu’ici le meilleur film de la phase 4 et l’un des meilleurs film issu du MCU.

LE SAVIEZ VOUS ?
• Sam Raimi ne voulait plus réaliser de film de super-héros après Spider-man 3, le fait que son agent ait insisté, et qu’il avait aimé Doctor Strange premier du nom l’a poussé à accepter le poste.
• Le film est coupé de 12 secondes en Arabie Saoudite. Il s’agit de la scène où America Chavez se souvient de ses parents Lesbiennes.
• Jusqu’ici, tout les films de la phase 4 ont été interdits en Chine.


Titre : Doctor Strange In The Multiverse Of Madness
Année : 2022
Durée : 2h06
Origine : U.S.A
Genre : Le multiverse, il n’y a que dans Rick and Morty que ça fonctionne de toute façon
Réalisateur : Sam Raimi
Scénario : Michael Waldron

Acteurs : Benedict Cumberbatch, Elizabeth Olsen, Chiwetel Ejiofor, Benedict Wong, Xochitl Gomez, Rachel McAdams, Jette Klyne, Julian Hilliard, Patrick Stewart, Bruce Campbell

 Doctor Strange in the Multiverse of Madness(2022) on IMDb


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Auteur : John Roch

Amateur de cinéma de tous les horizons, de l'Asie aux États-Unis, du plus bourrin au plus intimiste. N'ayant appris de l'alphabet que les lettres B et Z, il a une nette préférence pour l'horreur, le trash et le gore, mais également la baston, les explosions, les monstres géants et les action heroes.
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