[Film] Diamond Island, de Davy Chou (2016)


Bora quitte son village pour travailler sur ce vaste chantier, où il se lie d’amitié avec d’autres ouvriers de son âge. Un soir, il retrouve son frère aîné, le charismatique Solei, disparu cinq ans plus tôt. Solei lui ouvre alors les portes d’un monde excitant, celui d’une jeunesse urbaine et favorisée, ses lles, ses nuits et ses illusions.


Avis de Cherycok :
Prix SACD au Festival de Cannes 2016, Grand Prix au Festival du film de Cabourg 2016, ou encore Golden Gateway du meilleur film au Festival International du film de Mumbai, Diamond Island a fait la quasi-unanimité dans tous les festivals par lesquels il est passé. On peut dire que pour un premier film, le réalisateur franco-cambodgien Davy Chou a fait fort. C’est donc tout à fait normal que, après avoir été subjugué par son deuxième et dernier long en date Retour à Séoul (2022), je me lance dans ce Diamond Island qui va prendre place au Cambodge, à une période de gros changements du pays, en s’attardant sur sa jeunesse qui prend ça de plein fouet et qui tente de vivre ça du mieux qu’elle ne peut, entre rêves et désillusions. Bien que Retour à Séoul soit plus abouti, Diamond Island demeure néanmoins une belle œuvre à la fois douce et mélancolique.

Dans Diamond Island, on suit cette jeunesse un peu perdue, à la recherche de repères, se rattachant à ce qu’il y a à se rattacher, dans l’espoir d’une vie meilleure. Un portrait d’une jeunesse qui rêve le jour et qui revient sur Terre la nuit. Pour certains, il manquera au film un élan narratif car oui, il faut l’avouer, il ne passe pas grand-chose à l’écran. Cette lenteur rappelle parfois le cinéma de Hou Hsiao Hsien, mais surtout cette lenteur devient hypnotisante, capturant des instants de vie tout simples, un instantané d’un moment T dans la vie des personnages. Une discussion, un flirt, une leçon de conduite, une balade en scooter, une soirée en boite de nuit, un karaoké, un coup de fil à maman, … Diamond Island tente surtout de suivre ces adolescents dans cette période incertaine de la vie, le passage à l’âge adulte. Il est d’ailleurs parfois assez fascinant de voir comment les jeunes d’autres pays et d’autres cultures gèrent leur désir de trouver un sens à leur vie et/ou d’échapper à leur petite routine. Mais ce premier film de Davy Chou parle également de quelque chose de plus profond, il parle du changement brutal de son pays. La campagne en début de film, et même les habitations parfois faites de bric et de broc aux abords de la ville, représentent l’ancien Cambodge. Et cette ville en plein expansion, c’est ce nouveau Cambodge en proie au libéralisme. Un changement qui semble très rapide, trop rapide pour tout un pan de la population et qui nous donne un aperçu d’une société en pleine transition. On a parfois l’impression que Diamond Island est à la fois une lettre d’amour du réalisateur à son pays, mais à la fois la fin d’une époque. L’endroit est en train de changer, c’est inexorable, et ce qui était autre fois une terre agricole, avec des champs et des forêts à perte de vue, parsemée de villages, est aujourd’hui remplacé par une énorme ville aux hôtels luxueux et aux parcs d’attraction brillant de mille feux. Il y a de la douceur dans Diamond Island, oui, mais aussi beaucoup de mélancolie.

Le film de Davy Chou aborde également les conditions de ces ouvriers par rapport au luxe de ce qu’ils vont en train de construire. Un aperçu de deux mondes en se concentrant sur les travailleurs les plus pauvres qui érigent des édifices qui seront destinés aux riches. Ironie quand tu nous tiens. Le message social sur la pauvreté est là, mais également quelques références aux khmers rouges le temps de quelques lignes de dialogues, aux ravages de l’urbanisation de masse, ou des thématiques plus larges telles que l’amitié, la famille, les premiers émois amoureux, … La photographie de Thomas Favel est très belle. Les scènes de nuit sont superbes, saturées de couleurs vives, de néons fluorescents donnant un rendu presque onirique à l’ensemble, contrastant réellement avec les scènes de jour, plus simples, mais très réfléchies (surtout au niveau des jeux de couleurs). Certains plans sont de toute beauté et il se dégage un vrai sens de l’esthétique. Les acteurs, essentiellement jeunes, sont tous excellents. Ils offrent des performances très fraiches dans leurs échanges et cela semble logique car ils sont tous inexpérimentés dans le domaine. Le film souffre malgré tout de ses nombreux non-dits qui parfois nous sortent un peu de cette histoire qui nous est contée. On ne sait par exemple pas grand-chose de la mère du héros ; on ne sait pas grand-chose sur cet américain qui arrose d’argent le frère du héros ; on ne sait pas ce qu’il advient de cet ami qui a un accident de chantier, … On comprend bien que le réalisateur nous montre des tranches de vie de ce jeune cambodgien, mais le film aurait peut-être gagné en puissance s’il en avait dit un peu plus sur certains points de son scénario.

LES PLUS LES MOINS
♥ Un casting plein de fraicheur
♥ La mise en scène
♥ Des moments de vie simples
♥ Les thématiques abordées
⊗ Pas suffisamment approfondi
⊗ Rythme un peu languissant

Diamond Island est un film tout doux, comme un rêve agréable, à l’histoire prenante et au scénario doux-amer dans son dernier acte. Un premier essai transformé pour Davy Chou, qui confirmera dès son film suivant, le très bon Retour à Séoul.


DIAMOND ISLAND est sorti chez Spectrum Films en Blu-ray, accompagné du film RETOUR A SEOUL, au prix de 30€. Il est disponible à l’achat ici : Spectrumfilms.fr

En plus des films, on y trouve : Interview de Davy Chou, Court Métrage Cambodia.



Titre : Diamond Island / កោះពេជ្រ
Année : 2016
Durée : 1h39
Origine : France / Cambodge / Allemagne / Thaïlande / Qatar
Genre : Doux
Réalisateur : Davy Chou
Scénario : Davy Chou, Claire Maugendre

Acteurs : Sobon Nuon, Cheanik Nov, Madeza Chhem, Mean Korn, Samnang Nut, Samnang Khim, Samnang Meng, Jady Min, Sreyroth Dom, Batham Oun

Diamond Island (2016) on IMDb


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Auteur : Cherycok

Webmaster et homme à tout faire de DarkSideReviews. Fan de cinéma de manière générale, n'ayant que peu d'atomes crochus avec tous ces blockbusters ricains qui inondent les écrans, préférant se pencher sur le ciné US indé et le cinéma mondial. Aime parfois se détendre devant un bon gros nanar WTF ou un film de zombie parce que souvent, ça repose le cerveau.
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