[Film] Detour, de Christopher Smith (2016)


Harper, un jeune étudiant, déteste son beau-père, responsable selon lui d’un accident qui a plongé sa mère dans le coma. Un soir, alors qu’il noie son chagrin dans l’alcool, il élabore un plan avec un voyou et une stripteaseuse pour l’assassiner. Le lendemain, à peine remis de sa cuite, Harper n’a pas le temps de se souvenir de sa rencontre qu’il se retrouve embarqué dans une virée vengeresse, contraint d’assumer ses choix…


Avis de Cherycok :
Christopher Smith a fait partie de ces réalisateurs de la nouvelle vague horrifique anglaise des années 2000 aux côtés de personnalités telles que Neil Marshall (Dog Soldiers, The Descent), Edgar Wright (Shaun of the Dead) ou encore Danny Boyle (28 Jours Plus Tard). On lui doit des bobines efficaces telles que Creep (2004), Severance (2006), Triangle (2009) ou encore Black Death (2010). Après un petit passage assez inexpliqué au film familial de Noël avec Get Santa (2014), il revient en 2016 avec Detour, un thriller aux allures de road movie. Une balade vengeresse dans laquelle il va s’amuser à diversifier les pistes, à les mettre en parallèle, afin d’en faire une sorte de « performance » où le spectateur va devoir démêler les nœuds dans l’espoir de joindre les deux bouts. Un film à la structure complexe qui nous plonge dans le cauchemar sans fin d’un jeune homme qui, à un moment de sa vie, s’est posé la question « Et si… ».

Le scénario de base de Detour est tout ce qu’il y a de plus lambda et on le retrouve dans moult séries B DTV. L’histoire d’un jeune homme qui est persuadé que son beau-père a provoqué volontairement l’accident de sa mère, aujourd’hui en état de mort cérébrale à l’hôpital, afin d’hériter de sa fortune. Ce même jeune homme qui, grâce/à cause d’une rencontre avec un mec louche dans un bar, va décider qu’il faut éliminer son beau-père, persuadé qu’en plus ce dernier se soucie plus d’une maitresse que de sa femme à l’hôpital. Il se retrouve embarqué dans cette expédition punitive, un peu forcé par une décision prise peut-être à la va-vite, sous l’emprise de l’alcool, avec ce voyou et la stripteaseuse qui l’accompagne. L’expression « Effet Papillon » va prendre tout son sens.
Sauf que Christopher Smith est un réalisateur très malin, il l’a déjà prouvé avec son film Triangle et son principe du décalage temporel. A partir de ce scénario lambda, par un jeu de montage extrêmement intelligent, le film va prendre une toute autre dimension. Tout se déclenche lorsque le voyou demande à notre héros « Si tu pouvais te séparer en deux, avec une partie de toi qui resterait tranquille à la maison, et l’autre qui irait tuer ton beau-père sans que tu t’en souviennes, tu ferais quoi ? ». A partir de là, l’intrigue va se séparer en deux et on va suivre en parallèle les deux scénarios en s’apercevant que les décisions initiales ne nous mènent pas forcément à ce à quoi on s’attendait.

Déjà utilisés plein de fois par Brian de Palma, Richard Fleischer, Quentin Tarantino ou Guy Ritchie, Christopher Smith va s’emparer à sa façon du split screen, ce procédé permettant d’afficher sur une seule image plusieurs scènes du film en même temps ou une même scène sous plusieurs angles. Avec son montage très réfléchi, le réalisateur va brouiller les pistes, provoquer l’illusion de changer sans cesse de direction, avec des rebondissements, des twists, donnant une impression de complexité à son film alors que, lorsque le dénouement apparait, tout est en fait si simple. On se rend compte qu’il a joué avec nous, sur notre perception, sur nos certitudes, grâce à d’habiles effets stylistiques et un parti pris très malin (bien que ce dernier laissera certains spectateurs très sceptiques). Christopher Smith maitrise son sujet et prouve à quel point le montage d’un film est important, à quel point le montage d’un film peut changer ledit film en fonction de sa construction. Cette mise en scène inventive est bien aidée par un trio d’acteurs vraiment excellents. Que ce soit Tye Sheridan (Ready Player One), Emory Cohen (War Machine) ou la jolie Bel Powley (The Diary of a Teenage Girl), tous sont justes et arrivent à donner immédiatement vie à des personnages vraiment soignés.
Detour comporte bien entendu des maladresses et se donne parfois l’impression d’être plus compliqué qu’il ne l’est vraiment, mais Christopher Smith prouve une fois de plus qu’il est un réalisateur sur lequel il faut compter pour nous pondre du cinéma de genre qui vaut le … détour (ok, elle était facile).

LES PLUS LES MOINS
♥ Très bonne mise en scène
♥ Très bon casting
♥ Le montage façon puzzle
⊗ Il faut adhérer au style du réalisateur
Pour son sixième film, Christopher Smith revient une fois de plus avec un concept des plus malins. Détour est un thriller très intelligent, parfois très sombre, parfois rempli d’humour, mis en scène par un maniaque du montage. Un film maitrisé et plutôt captivant.

LE SAVIEZ VOUS ?
• Le film en noir et blanc que le héros regarde chez lui s’appelle également Detour (1945), film dont il reprend l’idée que tout peut changer avec une mauvaise décision.
• Detour a gagné le prix de la jeunesse au Neuchâtel International Fantastic Film Festival de 2016.
• Même si c’est le premier film avec des acteurs américains de Christopher Smith, le film a été tourné en Afrique du sud à cause de son petit budget. C’est pour cela que les véhicules roulent à droite et qu’ils ont le volant à gauche (contrairement aux U.S.A).


Titre : Detour
Année : 2016
Durée : 1h34
Origine : Angleterre / Afrique du Sud
Genre : Detour-nement de situation
Réalisateur : Christopher Smith
Scénario : Christopher Smith

Acteurs : Tye Sheridan, Bel Powley, Emory Cohen, John Lynch, Stephen Moyer, Gbenga Akinnagbe, Jared Abrahamson, Reine Swart, Nick Boraine, Deon Lotz

 Detour (2016) on IMDb


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Auteur : Cherycok

Webmaster et homme à tout faire de DarkSideReviews. Fan de cinéma de manière générale, n'ayant que peu d'atomes crochus avec tous ces blockbusters ricains qui inondent les écrans, préférant se pencher sur le ciné US indé et le cinéma mondial. Aime parfois se détendre devant un bon gros nanar WTF ou un film de zombie parce que souvent, ça repose le cerveau.
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