[Film] Baskin, de Can Evrenol (2015)

Durant une ronde nocturne dans la banlieue d’Istanbul, cinq policiers se retrouvent pris au piège dans les décombres d’un vieux bâtiment en ruine et vont devoir affronter une secte menée par un inquiétant gourou.


Avis de Rick :
Baskin, cela faisait des années que j’en avais entendu parler, depuis son petit tour des festivals et surtout les avis qui en étaient ressortis. Car Baskin est vendu comme un film choc, un film gore, une descente aux enfers viscérale, en plus d’être polémique puisqu’étant un film venant de la Turquie, pays très religieux et très attaché à ses institutions, même policières. Et au final, mes attentes étaient sans doute beaucoup trop hautes, car si Baskin a beaucoup de bonnes choses, techniquement parlant, en terme d’ambiance, de musiques, si ses effets sont réussis, et bien j’ai été quelque peu déçu, comme si le film n’allait pas assez loin dans sa proposition. Je tiens donc à mettre proprement les choses au clair, pour écrire cet avis, j’ai d’abord été voir le court métrage du même nom, Baskin donc, signé en 2013 par Can Evrenol. Un court métrage qui m’aura beaucoup plu. Court, direct, sanglant, poisseux. Un court métrage de 11 minutes donc qui va forcément à l’essentiel, qui n’a pas le temps de développer ses cinq personnages principaux, des flics qui répondent à un appel et se rendent dans une demeure abandonnée où un culte plutôt malveillant réside, mais qui parvient sur sa courte durée à poser une véritable ambiance irréelle, viscérale donc. Can Evrenol avec peu d’argent, et sans doute peu d’acteurs et peu de temps, parvient à livrer un court qui fonctionne. Donc quand il décide d’en faire un long d’1h37, ce qui peut lui permettre d’étendre son concept, de développer ses personnages, et surtout d’en dire et d’en montrer plus sur le fameux culte, c’est une bonne nouvelle. Surtout quand on peut lire ci et là la liste de ses inspirations, et que forcément, ça titille la curiosité du cinéphile que je suis. Jugez plutôt : The Descent, La Guerre dx Feu, Frontière(s) ou encore Only God Forgives pour son approche stylistique de la violence. Je suis preneur ! Alors du coup, que vaut ce Baskin version long métrage tourné en 28 jours ?

Ou plutôt en 28 nuits, le tournage n’ayant été que nocturne, le film se déroulant donc sur une seule nuit. D’entrée de jeu, dés l’ouverture, on se rend compte que le réalisateur maitrise sa technique. Les cadrages sont souvent précis même si j’aurais apprécié moins de steadycam, la photographie vient styliser l’ensemble et est clairement une des grandes réussites du film, le montage est appliqué, les acteurs semblent impliqués, et la musique, bien qu’ayant apparemment bien divisé, arrive à faire planer une ambiance lourde sur le métrage dés le départ. Seulement, tout n’est pas parfait pour autant, et même si les intentions du réalisateur sont claires dés le départ, avec ce début au restaurant où l’on voit nos cinq flics discuter entre eux de manière graveleuse et peu subtile (à savoir donc démystifier le pouvoir de la police du pays, se moquer d’eux), on ne peut que penser que ce début, aussi bien filmé soit-il, s’étire quelque peu en longueur. Baskin en court métrage ne pouvait pas développer ses personnages, et après une introduction de deux minutes, entrait dans le vif du sujet, ce qui était normal. Baskin en long métrage veut mettre un peu de chair sur ses personnages avant de la retirer, c’est tout à son honneur, mais était-il utile de s’attarder autant dessus. Car finalement, la fameuse arrivée dans la demeure abandonnée où toutes les horreurs possibles et imaginables doivent se produire, elle n’arrive qu’au bout de, attention, 41 minutes. N’aurait-il pas été plus judicieux dans le fond de mettre cette présentation des personnages à bord du véhicule alors qu’ils se rendent sur les lieux, permettant de gagner au moins 10 minutes et de resserrer le propos du film ? Ce n’est qu’un avis personnel évidemment, et malgré tout, on se prend un peu au jeu, notamment car visuellement, ça a de la gueule. Dans le même ordre d’idées, le scénario, extrêmement simpliste et pourtant écrit à quatre, a des failles, des éléments qui témoignent pour moi d’un (presque) aveu d’échec. Car Baskin, en plus du gore, de son culte, il veut mettre en avant aussi les rêves, des moments oniriques. Souvent fort réussis, mais au placement narratif hasardeux.

Car placer une scène onirique en pleine course poursuite pour reprendre l’intrigue alors que tous nos policiers sont capturés par le culte pour les 40 dernières minutes du métrage, je trouve ça étrange, et plus un moyen de justifier la capture de tout le groupe, car au vu des couloirs étroits, si le dernier du groupe se fait capturer, cela laisse techniquement amplement le temps au reste du groupe de s’enfuir de la demeure, de s’échapper donc, et d’aller chercher des secours. Bref, l’idée est bonne, mais la manière d’imbriquer les pièces moins. Et donc, le culte et le gore ? Car on ne va pas se mentir, le spectateur de Baskin, c’est ce qu’il recherche. Les inspirations et ambitions du réalisateur sont encore une fois évidentes, l’ambiance qu’il pose, autant par ses éclairages, par les effets sanglants, par les lieux bien glauques, mais aussi évidemment par l’ambiance sonore (autant en tant que telle que l’utilisation des silences) et évidemment par son chef de culte joué par Mehmet Carrahoglu, ayant véritablement une difformité rare, tout cela fonctionne, c’est presque un sans faute même. Mais j’en attendais peut-être trop, ou bien j’aurais voulu passer plus de temps dans ces lieux infernaux pour trouver le voyage véritablement viscéral. Malgré les horreurs, les yeux arrachés, les moments immoraux, les têtes éclatées, l’ensemble n’a pas autant fonctionné que je l’aurais espéré. Bon, il faut dire qu’une scène en particulier n’est pas aidée par l’utilisation « subtile » de la musique de Cannibal Holocaust. Oui, c’est gore, ambitieux, horrifique sans jamais avoir recours aux jumpscares, maitrisé sur beaucoup d’aspects, mais aussi finalement pas assez fou comparé à mes attentes, et moins maitrisé dans d’autres domaines. Du coup, à quand un remake en Indonésie, pays qui ne recule pas lui non plus devant du gore qui tâche et des ambiances lourdes pour arranger les défauts ? Mais Baskin reste un bon spectacle, bien emballé et qui fait malgré tout plaisir. Juste pas la claque annoncée.

LES PLUS LES MOINS
♥ Visuellement travaillé et stylisé
♥ Des scènes maitrisées
♥ Du gore à l’ancienne sans CGI
♥ Mehmet Carrahoglu en chef de culte
⊗ Une introduction longuette
⊗ Des facilités d’écritures voyantes
⊗ Pas aussi fou que prévu
note6
Baskin mérite le coup d’œil pour tout amateur de tripailles, de gore, d’ambiance malsaine et de cultes étranges. Malgré des grosses failles, une finalité un peu facile et une introduction de personnages qui s’éternise, le film est maitrisé par son réalisateur et ne recule pas devant ce qu’il propose, et ça, c’est déjà bien en fait.


Titre : Baskin
Année : 2015
Durée :
1h37
Origine :
Turquie
Genre :
Horreur
Réalisation :
Can Evrenol
Scénario :
Can Evrenol, Ogulcan Eren Akay, Ercin Sadikoglu et Cam Özuduru
Avec :
Mehmet Carrahoglu, Görkem Kasal, Ergun Kuyucu, Muharrem Bayrak, Fatih Dokgoz, Sabahattin Yakut, Berat Efe Parlar et Sevket Suha Tezel

Baskin (2015) on IMDb


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Auteur : Rick

Grand fan de cinéma depuis son plus jeune âge et également réalisateur à ses heures perdues, Rick aime particulièrement le cinéma qui ose des choses, sort des sentiers battus, et se refuse la facilité. Gros fan de David Lynch, John Carpenter, David Cronenberg, Tsukamoto Shinya, Sono Sion, Nicolas Winding Refn, Denis Villeneuve, Shiraishi Kôji et tant d'autres. Est toujours hanté par la fin de Twin Peaks The Return.
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