[Film] Lilo Et Stitch, de Dean DeBlois et Chris Sanders (2002)

Lilo est une petite Hawaïenne orpheline de six ans au caractère bien trempé qui est élevée tant bien que mal par sa sœur aînée. Un jour, malgré les réticences de sa grande sœur, elle adopte dans un refuge un étrange animal, vorace et indomptable : Stitch, qui s’avère être un fugitif extraterrestre. Une relation d’amitié va naître entre ces deux êtres mais malheureusement les choses vont se compliquer : un groupe d’extraterrestres chargé de capturer Stitch pour le renvoyer en prison débarque sur Terre…


Avis de John Roch :
Si il y a bien quelque chose de passionnant chez Disney, si l’on s’y plonge de manière un minimum analytique (comprendre par la voir plus loin que l’habituel « Disney=caca parce que Marvel, Star Wars, tout ça tout ça » qui fait fureur de nos jours, un brin réducteur quand on parle d’une société qui a sorti son premier long métrage il y a 86 ans à date de l’écriture de cette chronique), c’est son histoire. Si l’on se penche sur les différentes époques, films, et présidents qui se sont succédés, la principale chose qui en ressort c’est que Disney n’a jamais vraiment été une société stable qui a trouvé la recette miracle du succès comme il peut être représenté dans l’inconscient collectif. Au contraire, elle s’est toujours cherché. Entre succès, chutes, et renaissances, la vie de Disney n’est pas un long fleuve tranquille. On ne va pas refaire ici l’historique complet de la boite de Mickey, mais juste se pencher sur une époque en particulier, qui par ailleurs aurait pu lui coûter cher, et ainsi comprendre comment Lilo Et Stitch, nouvelle anomalie made in Disney, a pu voir le jour. A la toute fin des années 80 – début des années 90, Disney retrouve un nouveau souffle sous l’impulsion de Michael Eisner et balance coup sur coup La Petite Sirène, La Belle Et La Bête, Aladdin et le Roi Lion. La seconde moitié des années 90 sera moins fructueuse car Disney va enchaîner les échecs commerciaux. Entre métrages aux scénarios jugés trop sombres pour le jeune public, et le développement de nouvelles technologies d’animation qui font exploser des budgets qui peinent à se faire rembourser, il est temps pour Disney, encore une fois, de changer de direction. C’est ainsi qu‘est lancé à l’aube du nouveau millénaire ce qui est appelé l’ère expérimentale. Entre Films en CGI, en animation traditionnelle ou les deux mélangés avec un ratio plus ou moins heureux quant au rendu à l’écran, ce n’est pas la période la plus marquante de Disney. Qui se souvient aujourd’hui de Chicken Little, Atlantide, Bienvenue Chez Les Robinson ou encore La Ferme Se Rebelle comme de classiques indémodables ? Et on ne parle qu’ici des métrages sortis au cinéma, passons sous silence les multiples suites sorties en DTV qui n’ont pour la plupart (pour ne pas dire quasiment toutes) aucun intérêt. Il faut également ajouter à cela un Pixar au meilleur de sa forme qui alignait bombes sur bombes, et l’émergence des studios d’animation Deamworks et Blue Sky qui ont su se positionner en challengers valables. Reste que cette période a vu trois métrages se démarquer, en terme de qualité : le sous-estimé Frère Des Ours, Kuzco : L’empereur Mégalo dont je vous ai dit le plus grand bien ici et donc, on y vient, Lilo Et Stich.


Pour aborder Lilo Et Stitch, il est intéressant de commencer par la fin. Plus précisément le destin de Chris Sanders (bien que co-réalisé avec Dean DeBlois, Sanders est le géniteur de la chose) chez Disney. Lilo Et Stitch est le film le moins cher produit pendant l’ère expérimentale, mais aussi celui qui a eu le plus de succès. Encore aujourd’hui, Stitch est dans le haut du panier des ventes en terme de merchandising, notamment au Japon ou le 26 Juin est le « Disney’s Stitch Day ». De quoi assurer un avenir prometteur pour Chris Sanders chez Disney, qui développe alors son nouveau projet : American Dog. Ce ne sera pas le cas, car si Michael Eisner a été conquit par le film, ce ne sera pas le cas de son successeur : John Lasseter. Pour lui, chargé de remettre Disney sur le chemin de la gloire, Lilo Et Stitch n’a rien d’un Disney, et met à la porte Sanders en le dépossédant de son projet qui deviendra Volt : Star Malgré Lui. Au final, John Lasseter avait quelque part raison. Lilo Et Stitch ne ressemble à aucun Disney, et en virant Chris Sanders de Disney, ça n’a fait que lui rendre service puisqu’il trouvera un nouveau refuge chez Dreamworks pour qui il réalisera l’excellent Dragons, toujours avec Dean DeBlois. Mais en quoi Lilo Et Stitch est-il si spécial ? Eh bien à peu près en tout. Que ce soit en terme d’animation, de thématiques ou de personnages, Lilo Et Stitch est un long métrage d’animation vraiment à part. Déjà de par son marketing bien vu, les premiers teasers envoyaient Stitch dans d’autres films Disney foutre le boxon. De quoi donner une nature de sale gosse à la créature issue d’expérimentations génétiques (voir l’affiche où, situé au milieu, Stitch est regardé avec dégout par les héros Disney). Une sorte d’anti héros, voir le méchant du métrage mais rassurez-vous, nous sommes toujours chez Disney et vous vous doutez bien que tout finira bien. Ce qui n’empêche pas Lilo Et Stitch d’être un film qui en a dans le bide question thématiques, et qui s’avère être bien moins enfantin qu’il n’y paraît.

Stitch, de son vrai nom Expérience 626, est une créature indestructible issue de manipulations génétiques qui n’a d’autre objectif que de détruire tout ce qui lui passe sous la main. Suite à une évasion du grand conseil galactique qui déjà va à l’encontre de ce que Disney à l’habitude de proposer (Stitch crache à la gueule d’un garde pour guider des lasers programmés pour shooter son ADN), le petit alien bleu se crache sur Hawaï. Sur place, il se retrouve sans le vouloir dans un chenil, et tape dans l’œil de Lilo. Lilo elle, de son coté, a perdu ses parents dans un accident de la route et mène la vie dure à sa grande sœur Nani, qui a du mal à prouver sa capacité à devenir tutrice légale auprès de Cobra Bubbles, un agent de la protection de l’enfance. Et si ce n’était pas assez le bordel comme ça, Jumba, le savant fou qui a créé l’Expérience 626, accompagné de Pleakley, spécialiste de la planète terre et fervent défenseur des moustiques (espèce en voie de disparition selon les aliens), sont chargés de ramener la chose au grand conseil galactique. Ce qui frappe d’emblée dans Lilo Et Stitch, malgré un enrobage SF, c’est le réalisme dans lequel il est ancré. Ici, pas de princesse Disney, d’animaux doués de la parole ou de bon sentiments (du moins au début). Réalisé dans les studios de Disney Floride, structure toute fraîche qui ne coûte pas trop cher (le studio était situé dans des locaux de Disney World Orlando), ce studio a pour objectif de donner vie à des projets moins coûteux que les grosses machines made in Disney. Alors forcement, quand les pontes du studio ont digéré les échecs précédents, tout en essayant d’assurer le succès du prochain (La Planète Aux Trésors, sorti quelques mois après et gros four au box office), personne ne prête attention à ce petit studio à la vitalité débordante. Et quand un grand studio fout la paix à ses productions, les mains sont libres. Dans le cas Lilo Et Stitch, il est clair que si les investisseurs avaient mis leur nez dans la conception du métrage, il aurait été carrément annulé. Car ici, on fait face à un véritable drame social. Si de prime abord, le métrage semble être dans la norme si Américaine de la famille, avec le terme Hawaïen ohana (qui signifie famille) un peu cul cul quand il est évoqué. Pourtant, la famille dans Lilo et Stitch est complètement dysfonctionnelle. On se retrouve face à une gamine en dépression totale et obsédée par la mort, et à sa sœur qui fait ce qu’elle peut pour trouver du travail et empêcher ainsi que la société ne lui retire la garde du seul être cher qui lui reste. Dans le fond, Lilo et Stitch est un film d’animation étonnamment touchant.

Le développement des personnages va dans ce sens, puisque un double niveau de lecture est clairement identifiable et le film peut être perçu de deux points de vues en totale opposition. C’est la qu’il y a un petit coup de maître, car Lilo et Stitch est à la fois drôle et triste, parfois les deux en même temps. Car si les petits rigoleront des scènes avec le duo qui est en fait un miroir de la personnalité de l’un sur l’autre (Stitch est clairement la personnalité destructrice de Lilo qui ne demande qu’à exploser, et Lilo est la représentation de la solitude qu’éprouve Stitch), certains de ces moments sont contrebalancés par le coté dramatique amené par le désespoir de Nani qui perd espoir quant à sa capacité à avoir la garde de sa petite sœur. De fait, sous ses airs de Disney en apparence fun et super rythmé (un peu trop, mais j’y reviendrai) Lilo et Stitch est avant tout une œuvre quasi dépressive, où le sens de la famille est mis à rude épreuve, et où les dialogues sont d’une maturité que l’on pourrait qualifier d’insolant chez Disney. Mais rassurez vous, Lilo et Stitch reste un film fun. L’humour y est omniprésent et fait mouche à chaque fois. On retiendra Jumba et Pleakley, deux excellents sidekicks adeptes du transformisme pour passer inaperçus, certains pétages de plombs de Stitch, ou Lilo qui tente de sociabiliser ce dernier en lui faisant écouter du Elvis Presley. Car ici, même la bande originale est autre. Pas de chansons toutes les 10 minutes ici, on alterne entre des morceaux du King, des chants traditionnels Hawaïens et un score de Alan Silvestri qui, même si il n’est pas à la hauteur de ce que le compositeur a fait de son vivant, s’avère tout à fait correct. D’autre, l’animation l’est également. Lilo et Stitch est un film d’animation qui a ressuscité la technique des décors en aquarelle, une première chez Disney depuis Dumbo, qui date de 1941 tout de même. Une technique qui est certes plus raccord par rapport au budget alloué au film, mais force est de constater que le rendu à l’œil est plus qu’agréable, bien plus intéressant que l’utilisation abusive des techniques informatiques qui ont très mal vieillies pour certaines. Lilo et Stitch en utilise, des techniques par ordinateur, mais uniquement quand cela est nécessaire. Mais alors quel reproche peut on faire à Lilo et Stitch ? Et bien son final. Loin d’être désagréable, et c’est même tout le contraire, avec la destruction de la maison familiale qui se révèle hilarante et une poursuite finale au découpage complètement maîtrisé qui insuffle un rythme de folie à ladite poursuite, la dernière partie de Lilo et Stitch est bien trop rushée, comme si il manquait un liant et donc quelques minutes supplémentaires à un film qui pourtant a déjà beaucoup à dire en 1h25. Pas de quoi bouder son plaisir cependant, Lilo et Stitch est clairement un Disney à part, et je suis bien curieux de voir comment le remake en prise de vues réelles va réussir à reprendre des thématiques et des dialogues qui ne passerons pas chez le Disney d’aujourd’hui. A moins que les conditions de tournage laissent libre champ comme il a été le cas pour son pendant animé, je ne pense pas qu’il y aura de miracle…

LES PLUS LES MOINS
♥ Une véritable anomalie chez Disney
♥ Des thématiques et des dialogues très matures pour un Disney
♥ Dans le fond, c’est un vrai drame social
♥ Des personnages à la personnalité très bien développée
♥ Visuellement très agréable à l’œil
♥ Un film drôle et touchant à la fois
♥ Lilo et Stitch, un très bon duo
♥ La B.O
⊗ Une dernière partie rushée

Un Disney qui n’est pas un Disney, c’est le signe que c’est un excellent Disney. Lilo et Stitch ne déroge pas à la règle. Mais plus qu’un Hercule ou un Kuzco, qui jouaient la carte du délire complet, on se retrouve ici avec une œuvre bien plus profonde. A la fois drôle et triste, Lilo et Stitch est un film bien plus mature et dépressif que ce que l’image de la petite teigne bleue qu’est Stitch ne le laisse l’entendre.



Titre : Lilo et Stitch
Année : 2002
Durée : 1h25
Origine : U.S.A
Genre : Disney social, tu perd ton sang froid
Réalisateur : Dean DeBlois et Chris Sanders
Scénario : Dean DeBlois et Chris Sanders

Acteurs : Chris Sanders, Daveigh Chase, Tia Carrere, Jason Scott Lee, David Ogden Stiers, Kevin McDonald, Ving Rhames, Zoe Caldwell, Kevin Michael Richardson
Lilo & Stitch (2002) on IMDb

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Auteur : John Roch

Amateur de cinéma de tous les horizons, de l'Asie aux États-Unis, du plus bourrin au plus intimiste. N'ayant appris de l'alphabet que les lettres B et Z, il a une nette préférence pour l'horreur, le trash et le gore, mais également la baston, les explosions, les monstres géants et les action heroes.
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