[Film] Bad Taste, de Peter Jackson (1987)

Une petite ville côtière de Nouvelle-Zélande est le théâtre d’une invasion extraterrestre : les aliens ont décidé d’utiliser les habitants comme viande de première qualité pour leur fast-food spatial…


Avis de John Roch :
Tout commence le jour où Bill et Joan Jackson achètent une caméra 8mm. Idéal pour immortaliser les vacances ou les anniversaires, l’objet a le bonheur de tomber entre les mains du fiston alors âgé de huit ans : Peter. Fils unique à l’imagination débordante, Celui ci va tourner 11 métrages, courts, moyens, inachevés, certains sont destinés à des concours qu’il ne remportera jamais. Films de guerre, sous James Bond, film de zombie et remake de King Kong en stop motion, Peter Jackson voit déjà grand, si grand que son nouveau court, Roast of the Day, censé durer 10 minutes, va se transformer en un long métrage, tourné les week-end sur une période de quatre ans : Bad Taste, qui va devenir instantanément culte et va propulser Peter Jackson sur le devant de la scène. La question, c’est pourquoi Bad Taste et pas un autre ? Les films amateurs ou Z qui jouent la carte du gore, ça n’a jamais manqué, et ça ne manque toujours pas. Mais à l’image de Sam Raimi et son Evil Dead, Bad Taste, malgré un budget café sur une production classique, est avant tout une démonstration des talents d’un metteur en scène qui ne demandent qu’à exploser. Et elle est explosive cette invasion alien qui vient de commencer. Celle-ci se déroule a Kaihoro, petit patelin de 75 habitants. Le gouvernement n’envoie pas l’artillerie lourde, parce que bon, il ne faut pas exagérer les choses (et de toute façon, il n’y a pas de thune), mais quatre agents, ou militaires c’est pas très clair, en reconnaissance. Barry, Franck, Dereck, et Ozzy vont livrer une guerre sans pitié aux aliens qui ont revêtus forme humaine, en fait des employés d’un fast food galactique à la recherche de recettes qui cartonneraient dans l’univers, pourquoi pas la chair humaine.

Tourné pour un budget final de 30000 dollars Néo Zelandais, complété sur la fin par la New Zealand Film Commission impressionnée par le travail de Peter Jackson et son équipe, Bad Taste est un film qui tient du miracle. Bien plus que le tournage étalé sur quatre ans, sans réel scénario mais des trouvailles trouvées au fil du temps, qui montrent la motivation du réalisateur, c’est la débrouillardise dont a fait preuve Peter Jackson qui impressionne. Tout est home made dans le métrage, aussi bien les effets gores, les armes, les costumes des aliens, les miniatures de la maison qui fait office de repère pour ces derniers, tout à été confectionné par le réalisateur, sans aucune aide extérieure, si ce n’est les acteurs qui ont fait office de techniciens à différents postes. Jackson va jusqu’à fabriquer sa propre dolly, sa propre grue, et sa propre steady cam pour 20 dollars. En résulte une mise en scène dynamique, là où des amateurs se contentent de poser la camera, et advienne que pourra, ici elle est constamment en mouvement, quand elle ne s’envole pas dans les airs, c’est du vrai travail de pro à l’échelle amateur. Mieux encore, certaines scènes réussissent à distiller un véritable suspense. Celle qui se déroule au bord d’une falaise, qui voit Dereck faire face seul a un groupe d’alien est à se ronger les ongles, d’autant plus que le tournage de cette scène ne s’est pas fait sans risque, ce qui pourrait expliquer le double rôle de Peter Jackson, un rien inconscient de tourner au bord d’un précipice. Car on s’attache aux personnages, crétins et bourrins, joués par des gars qui n’ont aucune expérience dans l’acting, mais savent rester naturels, ne se prennent jamais au jeu du surjeu et laissent transparaître à l’écran la bonne humeur dans laquelle le film a été emballé. En bref, ils font illusion, tout autant que les effets gores.

Car dans le genre, Bad Taste fait fort. Tête à moitié explosée, bras, jambes, aliens tronçonnés dans le sens de la longueur, de la cervelle remise dans une caboche à moitié vide… Non seulement c’est gore, mais c’est du gore dégueulasse, complètement exagéré, renforcé par des bruitages qui en rajoutent une couche. Dégueulasse mais rigolard, à l’instar du reste du métrage, aux dialogues perchés sublimés par une VF qui en fait des tonnes, aux répliques toutes aussi cultes les unes que les autres dont les désormais mythiques « T’as déjà vu une partouze aux flingues ? »,  » mon ami le cosmo-connard, on va discuter » et « je m’ appelle Dereck, Dereck est stoïque ». Tout ceci ne fait pas de Bad Taste un chef d’œuvre, loin de là. Car si il faut reconnaître le boulot de titan accompli par Jackson pour donner à son bébé tout ce qu’il a, il faut avouer que le métrage montre ses limites. Passons sur les quatre ans de tournage qui donnent des faux raccords inévitables niveau pilosité, là où Bad Taste échoue, c’est dans sa seconde partie, où le film se transforme en film d’action. Seulement le gore est semi-absent, les même figurants reviennent se faire dézinguer plusieurs fois sans impact de balle, et le temps commence à devenir long devant ce moment qui finit par devenir lassant de par son coté amateur qui cette fois ne peut se cacher. Fort heureusement, le métrage redémarre pour un final spectaculaire et bien gore comme il faut, annonçant une suite qui ne verra jamais le jour, bien que plusieurs fois annoncée. Une baisse de régime mineure, qui ne fait pas d’ombre aux nombreuses qualités de Bad Taste, que Peter Jackson emmène au marché du film de Cannes 88, où il fait l’effet d’une bombe et est acheté par plusieurs pays, dont la France où il se fait un nom en remportant le prix du gore au festival du film fantastique de Paris, suivi d’une sortie en salles l’été de cette année-là. Peter Jackson est né, et après ce premier long métrage, on attend qu’une chose : son premier long métrage… professionnel.

LES PLUS LES MOINS
♥ C’est crade
♥ C’est drôle
♥ Une VF magistrale
♥ Un réalisateur est né
♥ Une mise en scène spectaculaire au vu des moyens plus que limités
♥ Une bonne humeur communicative
⊗ La partie action moins convaincante, qui montre les limites du métrage
Vu les conditions amateurs, la durée du tournage et les limites que posent ces contraintes, Bad Taste est un film qui tient du miracle. Si le métrage ne tient pas complètement sur la longueur, il reste suffisamment drôle, gore, inventif, et mis en scène avec talent pour lancer la carrière de Peter Jackson.

LE SAVIEZ VOUS ?
• Doug Wren, qui joue le chef des aliens, est décédé pendant la post production. Le film n’ayant pas eu de prises de son directe, il a été doublé par un autre acteur.
• Le nom du village, Kaihoro, est un mot Maori, que l’on peut traduire par fast-food.
• En Australie, le film a été interdit, ce qui a créé un petit scandale. En effet, la version bannie était déjà censurée et approuvée par le comité de censure Néo Zélandais. Interdire un film déjà censuré a fait passer les membres du QFBOR pour des personnes non professionnelles, le comité a donc été dissous


Titre : Bad taste
Année : 1987
Durée : 1h31
Origine : Nouvelle-Zélande
Genre : Cosmo-connards
Réalisateur : Peter Jackson
Scénario : Peter Jackson

Acteurs : Peter Jackson, Terry Potter, Peter O’Herne, Craig Smith, Mike Minett, Doug Wren

 Bad Taste (1987) on IMDb


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Auteur : John Roch

Amateur de cinéma de tous les horizons, de l'Asie aux États-Unis, du plus bourrin au plus intimiste. N'ayant appris de l'alphabet que les lettres B et Z, il a une nette préférence pour l'horreur, le trash et le gore, mais également la baston, les explosions, les monstres géants et les action heroes.
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