[Festival] Retour Sur Le Festival Européen du Film Fantastique de Strasbourg 2023

 


Un dernier clap pour la route?

Toute bonne chose a une fin, le dernier clap a eu lieu ce 1er octobre pour la seizième édition du FEFFS. Une édition 2023 une nouvelle fois d’une richesse incroyable : 111 films, 71 longs-métrages et 40 courts. Petit tour d’horizon des films vus cette année, sur lesquels je ne manquerai pas de revenir plus en détails, et si ce n’est pas par moi ce sera par l’équipe à qui j’espère avoir donné envie de voir certaines choses, toute comme à vous chers lecteurs. La semaine fut épuisante mais gratifiante grâce à une programmation du tonnerre dont presque tout est à découvrir. Et il ne s’agit là que de quinze films, dont un documentaire sur les dix-sept que votre serviteur à pu voir (Kennedy et Croncrete Utopia ne seront pas mentionnés ici, la combinaison manque de sommeil et confortabilité des sièges donnant le résultat que vous devinerez), en plus d’une séance spéciale court-métrages. Bien que comme tous les ans, il y a un inévitable sentiment de frustration de ne pas avoir vu certains films (mais c’est le jeu, on ne peut pas tout voir), le bilan est plus que positif pour la seizième année d’un festival qui ne cesse de prendre de plus en plus d’ampleur et réussit à proposer toujours plus. Si le FEFFS continue sur cette lancée ce n’est plus au café qu’il va falloir tourner pour suivre, c’est à la cocaïne…

 

Le palmarès de cette seizième édition :

 

Compétition des Longs Métrages:

Octopus d’or : Vincent doit mourir de Stéphan Castang

Prix du public : Vermines de Sébastien Vaniček

Méliès d’argent : Sky Dome 2123 de Tibor Bánóczki et Sarolta Szabó

Grand prix Crossovers : The Coffee Table de Caye Casas

Cigogne d’or du meilleur long-métrage animé : Blue Giant de Yuzuru Tachikawa

Prix John Roch Approuved: When Evil Lurks de Demián Rugna

 

Compétition des Courts Métrages:

Octopus d’or : Fairplay de Zoel Aeschbacher

Prix du public : Les Yeux d’Olga de Sarah Carlot Jaber

Méliès d’argent : Les Dents du bonheur de Joséphine Darcy Hopkins

Meilleur court-métrage Made in France : Duplicata d’Adrien Lhommedieu

Prix du Jury Jeune : Les Dents du bonheur de Joséphine Darcy Hopkins

Meilleur court-métrage animation : À la dérive de Levi Stoops

 


ÇA TOURNE À SÉOUL, de Kim Jee-woon – Corée de Sud

Film d’ouverture de cette seizième édition, Ça tourne à Séoul marque le retour de Kim Jee-Woon à la comédie avec cette histoire de réalisateur raté obsédé à l’idée de tourner des reshoots de son prochain film, nécessaires selon lui pour en faire un chef d’œuvre. Pour éviter les foudres de sa productrice et de la censure, il s’enferme avec son équipe dans un studio pour une journée qui va virer au chaos. Si coté mise en abime, il y a eu mieux (Why Don’t You Play In Hell et One Cut Of the Dead pour ne citer qu’eux, et rester en Asie), Ça tourne à Séoul est une satire sur les coulisses de tournage où tout le monde en prend pour son grade à différents degrés (même les critiques ciné y passent). Ça part dans tout les sens, c’est constamment drôle voire parfois hilarant malgré quelques excellentes idées parfois trop mises en retrait (le method actor spécialisé dans les rôles d’inspecteurs de police si impliqué dans son rôle qu’il mène une enquête sur les différents événements qui surviennent pendant le tournage.). Alternant entre scène du tournage du métrage et scènes du métrage lui-même, Ça tourne à Séoul surprend également par son scénario qui si de prime abords semble aussi bordélique que le tournage du film dans le film qu’il illustre, commence à prendre tout son sens dès lors que la fiction commence à étrangement ressembler à la réalité, et même à nous mener par le bout du nez dans son final (ne partez pas trop vite de la salle) qui donne une dimension supplémentaire à un métrage qui certes aurait un peu pu resserrer sa durée en écourtant quelques passages qui s’étirent un peu trop, mais n’en reste pas moins une petite réussite qui nous expose également les difficultés et la pression d’un cinéma Coréen des années 70 face à une censure à la répression démesurée. A découvrir au cinéma le 8 novembre 2023.


À L’INTÉRIEUR, de Vasilis Katsoupis – Grèce / Angleterre

Premier long-métrage du cinéaste Grec Vasilis Katsoupis, Inside (renommé à la va vite A l’intérieur pour sa distribution Française) se situe dans la lignée de Buried et autres Seul Au Monde, à savoir se reposer uniquement sur un personnage et un décor unique pendant l’entièreté du métrage. Un film qui va clairement diviser, de par son concept on ne peut plus casse gueule qui ne plaira pas à tout le monde. Si l’on adhère à ce genre d’exercice de style où la mise en scène, le scénario et l’interprète principal se doivent d’être exemplaires pour maintenir l’intérêt sur la durée, le film réussit son pari. Lent mais jamais long, pour peu que l’on se laisse prendre au jeu, Inside se révèle être une œuvre techniquement maîtrisée, portée par un Willem Dafoe impérial dans le rôle d’un braqueur qui se retrouve enfermé dans un appartement high tech dont il n’y a aucun échappatoire. Loin de se concentrer sur le coté anxiogène propre à ce genre de sujet, Vasilis Katsoupis illustre en revanche assez bien, avec un humour noir et sarcastique, la déchéance mentale de son protagoniste et sait exploiter un décor qui devient un personnage à part entière qui par moments donne une petite dimension fantastique au métrage sans y tomber, le réalisateur ne perdant pas de vue son pitch de départ. Bien écrit, bien réalisé et bien interprété, Inside devrait plaire au curieux, mais rebutera à coup sur le grand public qui ne verra aucun intérêt à ce genre de bobine. Dommage pour eux, pour les autres, vous pourrez juger par vous même bientôt puisque le film sort le 18 octobre dans les salles.


PERPETRATOR, de Jennifer Reeder – USA

En voilà un film sur lequel il est compliqué de revenir. Pour la simple et bonne raison que nous sommes ici face à un film d’une autrice qui a déjà un son actif plus de 25 métrages, des courts pour la grande majorité, qui composent tout un univers dont il faut avoir tout vu pour apprécier à sa juste valeur le film dont il est question ici, bien que celui-ci se suffise parait-il à lui même. Cela doit jouer dans l’opinion de Perpetrator, mais étant étranger à son univers, la mienne penche du mauvais coté de la balance. Si l’ensemble du scénario est de prime abord simple (une adolescente dotée d’un don, un genre d’empathie hypersensible, enquête sur une série de disparitions de jeunes femmes), en l’état cette œuvre traitant du passage de l’adolescence à l’âge adulte qui mélange slasher et thématiques féministes, à mon sens, pas forcement pertinentes sous influence de Lynch et Crononberg n’est pas forcement désagréable à la vision, mais s’avère être un bordel qui part un peu dans tous les sens sans exploiter toutes les directions vers lesquelles elle se dirige. En résulte un film certes atypique mais qui peine à convaincre, peut être la faute à ma méconnaissance de l’œuvre de Jennifer Reeder, qui a déjà une année de sortie pour son prochain long métrage : 2043, le temps d’étoffer encore plus son univers qui pour le coup me rebute plus qu’il ne m’attire.


WHAT YOU WISH FOR, de Nicholas Tomnay – USA

Deuxième long métrage de Nick Tomnay, plus de 10 ans après The Perfect Host, What You Wish For raconte comment un chef cuistot, endetté jusqu’au cou, fuit l’Angleterre pour l’Amérique Latine afin d’échapper à ses usuriers, prend l’identité de l’un de ses amis qui travaille en tant que chef pour une clientèle richissime. Un boulot très lucratif qui a tout du travail de rêve : voyage aux quatre coins du monde, une paie de folie et qui laisse la place à pas mal de temps libre puisque les repas sont très ponctuels. Forcé d’honorer le menu pour d’une part ne pas griller sa fausse identité, puis d’autre part empocher le pactole, le cuistot interprété par un excellent Nick Stahl va découvrir en même temps que le spectateur les goûts très particuliers de cette clientèle qui l’est tout autant. What You Wish For est avant tout un film intéressant dans son fond qui mélange critique d’une société où les riches exploitent les populations pauvres et vulnérables, mais donne aussi à réfléchir sur un monde où la réussite matérielle et financière se fait au détriment de toute morale et dans lequel l’ambition de ladite réussite peut rapidement revenir à vendre son âme. Dans la forme, What You Wish For est un thriller culinaire teinté d’humour noir qui teint en haleine du début à un plan final qui conclut parfaitement un métrage qui, si il n’exploite pas complètement la tension ambiante et fait preuve de quelques facilités scénaristiques, n’en demeure pas moins une œuvre prenante de la première à la dernière minute. Bien écrit et techniquement impeccable, on retiendra surtout de la réalisation les scènes culinaires mettant superbement en valeur des plats qui franchement donnent la dalle.


THE UNCLE, de Andrija Mardesic et David Kapac – Croatie / Serbie

Jour de pression pour cette modeste famille Croate des années 80. C’est Noël et le seul invité, l’oncle du titre qui vient d’Allemagne pour passer les fêtes, est du genre très, mais alors très très, exigeant sur le déroulé de la journée. Puis, à peine un quart d’heure après le début de ce huis clos, un détail sonore pendant le repas vient remettre en question tout ce qui se passe à l‘écran, que ce soit l’époque, les relations entre la famille, ou les enjeux du repas qui dépassent la seule exigence de l’oncle. En dire plus sur l’intrigue, voire la bobine elle même, serait gâcher l’étonnante surprise qu’est The Uncle, un film au sujet original dont la structure est (volontairement) répétitive puisque l’on revit au final la même scène pendant l’entièreté du métrage, tout en réussissant l’exploit de ne jamais lasser et de sans cesse se renouveler en dévoilant peu à peu la véritable nature d’un repas de Noël pas commun. Le casting est impeccable, le scénario aussi, et l’ambiance se fait de plus en plus pesante jusqu’à un final qui, si il ne lève pas le voile sur quelques zones d’ombre, est complètement inattendu. Une très bonne surprise pour un film qui sort des sentiers battus.


KIM’S VIDEO, de David Redmon et Ashley Sabin – USA

Obscure chaine de vidéoclub New Yorkaise créée par un certain Kim Yong-man, Kim’s Video était THE place to be pour qui était à la recherche de films obscurs et déviants, une véritable mine d’or où l’introuvable était trouvable, quitte à verser dans l’illégalité pour proposer les métrages à la location. Lancée en 1987, le dernier Kim’s Video a fermé ses portes en 2008 avec quelques 55.000 films en son sein. Suite à cette fermeture, Kim Yong-man a annoncé faire don de l’intégralité de cette collection de métrages sous certaines conditions : ladite collection devait d’une part être conservée, entretenue et digitalisée à des fins historiques dans ce qui aurait dû être une sorte de musée censé attirer du monde dans la ville de Salemi qui peinait alors à se reconstruire après une catastrophe naturelle, de l’autre encore être accessible à qui possède toujours la carte du vidéoclub. C’est ainsi que la collection s’est retrouvé en Sicile à Salemi, et depuis… plus rien. David Redmon, obsédé à l’idée de savoir ce qu’il est advenu du don du vidéoclub qu’il fréquentait, nous embarque dans une aventure incroyable. Revenant d’abord sur l’histoire de la chaine de vidéoclubs et son lien personnel avec celle-ci, le documentaire commence à devenir complétement hallucinant une fois le documentaliste arrivé sur place. Confronté à la fois à la police locale, le maire de Salemi, l’actuel Secrétaire d’État italien à la Culture Vittorio Sgarbi et aux rapports de l’affaire avec la mafia, David Redmon réussit non sans peine à rassembler les pièces du puzzle et même à convaincre Kim Yong-man, aujourd’hui homme d’affaire qui navigue entre New York et Séoul qui pourtant ne veut plus entendre parler de cette histoire dans laquelle il s’est fait flouer, de rapatrier la collection dans un nouveau vidéo club d’une manière on ne peut plus insolite. Ce ne sont ici que les grandes lignes d’un documentaire complètement fou au point de se demander par moments s’il ne s’agit pas d’un documenteur tant les situations sont de plus en plus rocambolesques. A la fois thriller politique, trip nostalgique d’une époque révolue et véritable déclaration d’amour au cinéma, Kim’s Video est un documentaire aussi passionnant qu’improbable à découvrir.


THE WEIRD KIDZ, de Zach Passero – USA

Monteur et maquilleur sur plusieurs films de Lucky McKee, qui coproduit la chose, Zach Passero a passé huit ans à dessiner et réaliser à la main the Weird Kidz. Le style graphique et l’animation, qui rappellent les productions MTV des 90’s, ne plaira pas à tout le monde, mais il serait dommage de passer à côté d’un film que l’on pourrait rapprocher de Violence Voyager du Japonais Ujicha dans sa manière d’aborder l’animation horrifique qui ressemble à une production Amblin des 80’s, mais destiné aux adultes. Plus qu’un dessin animé, The Weird Kidz est un véritable B movie horrifique qui respecte les codes du genre (des boobs, du gore, des monstres) et rend hommage aux années 80 sans pour autant en forcer le trait plus que de raison. Il ne faut pas en attendre plus, le film ne prétend de toute façon pas être autre chose, mais le pari est réussi pour ce sympathique retour dans le passé peu avare en gore et en humour. De plus the Weird Kidz est un film qui va à l’essentiel avec un rythme soutenu et la petite heure vingt-et-une passe à vitesse grand V.


VINCENT DOIT MOURIR, de Stéphan Castang – France

Pour son premier long, Stephan Castang livre une belle surprise qui est à la fois une comédie et un métrage qui emprunte les codes du film de zombie, enrobé d’une critique sociale que Georges A. Romero n’aurait pas renié. Et on se marre bien au départ du destin de Vincent, qui devient du jour au lendemain victime d’agressions de plus en plus violentes perpétrées par quiconque croise son regard. Si Vincent Doit Mourir est effectivement réussi sur ce point, c’est surtout l’occasion pour Stephan Castang de nous balancer à la gueule le constat d’un monde qui part toujours plus en vrille, dans lequel la violence ne fait que de se banaliser avec le temps. Vieillards, hommes, femmes, enfants, Vincent affronte et échappe à autant d’agressions parfois assez sèches qui sont autant d’évènements qui renvoient à ce qu’il se passe dans notre quotidien où les violences faites aux femmes, aux enfants, ou à titre purement gratuites envers autrui se multiplient, et où se faire agresser pour un simple regard est une triste réalité. Très intelligent dans le fond, Vincent Doit Mourir est également une belle réussite dans la forme. Tout n’est pas parfait, ça s’essouffle un chouia sur la longueur et rien n’y fait, bien que le réalisateur s’en soit justifié, on ne peut pas s’empêcher de penser que le film se déroule dans un monde où les lunettes de soleil n’ont jamais été inventées ce qui pourrait faire sortir du film les moins attentifs au reste. Car en l’état, Vincent Doit Mourir coche un tas de bonnes cases. C’est drôle, parfois gore, parfois un peu trashos sur les bords, parfois touchant dans la description de ce quidam qui n’a rien demandé forcé de s’exiler des lieux peuplés pour survivre. Le métrage est également généreux en action sans pour autant basculer dans un spectaculaire qui pourtant s’annonce par moments, le réalisateur ayant opté pour une mise en scène qui adopte le seul point de vue du protagoniste. Un spectaculaire qui n’aurait finalement pas servi le propos lucide d’un metteur en scène qui réussit même à amener un sentiment de déprime pour qui a perdu foi en une humanité qui ne fait que de partir de plus en plus en couille avec le temps. Une très belle réussite qui mélange les genres avec succès, que vous pourrez courir voir en salle dès le 15 Novembre. De mon côté, je m’échauffe déjà pour aller le revoir…


FALLING STARS, de Gabriel Bienczycki et Richard Karpala – USA

Tourné en 15 jours sans presque aucune thune et en totale indépendance par deux réalisateurs qui ont occupé à peu près tout les postes, Falling Stars est de cette catégorie de films qui privilégient la suggestion au frontal. Un parti pris assumé jusqu’au bout et surtout casse gueule car avec ce genre de films, on ne sait jamais vraiment à quoi s’attendre si ce n’est une énième arnaque à la Projet Blair Witch ou Paranormal Activity, pour ne citer que les deux plus grands représentants de ce que peut être un métrage qui peut vite s’apparenter à une escroquerie tant c’est du vide qui en ressort plus qu’une supposée suggestion assumée. Heureusement, Falling Stars n’appartient pas à cette catégorie et s’avère être une petite réussite. Ce qui fait la différence, c’est son scénario plutôt original : Falling Star se déroule dans un monde où les sorcières sont une réalité et descendent du ciel pour moissonner de l’humain une fois par an. Pur film fantastique minimaliste, le métrage exploite a fond son idée, et par extension son univers, en se basant uniquement sur sa description, et ça fonctionne ! Le casting est impeccable, la mise en scène est assez bien fichue et pensée pour rendre crédible une menace pourtant invisible du début à la fin, mais c’est surtout le scénario qui est le point fort du métrage. Car si celui-ci n’est que suggestion, la qualité de l’écriture fait que l’on ne se fait jamais chier devant Falling Stars, encore une fois grâce à la forme de crédibilité qui en ressort. Une proposition intéressante du cinéma fantastique. Pour la flippe en revanche, on repassera.


VERMINES, de Sébastien Vanicek – France

2023 est un bon cru pour le cinéma de genre Français. Pour rester dans cette édition du FEFFS, Vincent Doit Mourir en est le parfait exemple. De manière plus globale, à l’image du cinéma Anglais de la fin des années 2000-début 2010, il semble y avoir une sorte de mode qui se profile dans l’hexagone puisqu’après La Tour et La Gravité, Vermines est un nouveau film de genre qui se déroule en cité. Bien que le métrage contient bel et bien quelques éléments dans l’air du temps en toile de fond, Sébastien Vanicek ne fait pas dans le discours social ou moral et livre pour son premier long métrage un putain de B movie comme la France en balance trop peu. Pur film de monstre dans lequel un immeuble est assiégé par des araignées qui se reproduisent, et grandissent, à une vitesse folle, Vermines s’impose instantanément comme le digne héritier de Arachnophobie (les producteurs du remake annoncé devrait sérieusement penser à passer un coup de fil au réalisateur) et vient chatouiller non seulement ce métrage, mais aussi L’Horrible Invasion dans le haut du panier des films qui vont donner des sacrés sueurs froides à qui déteste les bestioles à huit pattes, rien que ça. Film bien écrit aux personnages attachants et bien développés qui alterne entre scènes stressantes et attaques de petites (du moins au départ) bestioles qui grouillent par centaines à l’écran entre deux dialogues qui ne manquent pas d’humour, Vermines est un film qui coche toutes les bonnes cases de la série B et démontre à quel point notre (plus si) beau pays en a sous le capot quand celui-ci décide de l’ouvrir pour en découvrir le moteur. Et excellente nouvelle : bien que Vermines ait été financé à hauteur de 30% par Netflix, le film ne finira pas comme on pourrait faussement le penser directement en SVOD mais aura bel et bien le droit à une sortie en salle le 27 décembre. Et que dire d’autre, si ce n’est foncez ! Quant à Sébastien Vanicek, son excellent premier coup d’essai l’impose non seulement comme une nouvelle valeur du cinéma du genre Français mais va aussi à coup sur lui ouvrir d’autres portes, le film étant en train de commencer à sérieusement faire parler de lui aux USA.


SUITABLE FLESH, de Joe Lynch – USA

Depuis un Détour Mortel 2 aussi gogol que jouissif, chaque film de Joe Lynch est un micro événement. Pas que le réalisateur soit le meilleur de la planète, ces films non plus, mais avec cet artisan de la série B, on est sûr de passer un bon moment devant des œuvres qui certes ne resteront pas dans les annales, mais font le job. C’est à nouveau le cas avec Suitable Flesh, adaptation de la nouvelle The Thing On The Doorstep de H.P. Lovecraft, pensé avant tout comme un hommage à Stuart Gordon, le film est par ailleurs produit par Brian Yuzna et Barbara Crampton, également présente devant la caméra. Le métrage détonne déjà par son aspect régressif assez surprenant car pour résumer la chose, Suitable Flesh est un genre de thriller érotique comme il en pleuvait dans les 90’s sous fond de psychologie et de possession démoniaque, avec ce démon qui peut changer de corps à volonté à l’aide d’une simple formule magique. Un démon libidineux très gender fluid, l’occasion pour Joe Lynch de gentiment tacler les délires d’identités de genre avec un sous texte volontairement macho qui amène un certain humour à un film qui exploite plutôt bien son concept de changement de corps avec non seulement du cul et du gore, mais aussi des idées de mise en scène dont une est franchement bien vue. Suitable Flesh est bel et bien un film de Joe Lynch : une série B qui casse pas des briques vite vue vite oubliée, mais qui sait aller à l’essentiel avec sa courte durée et qui délivre à l’amateur de ce genre de bobines ce qu’il est venu chercher. Là est l’essentiel.


SATANIC HISPANICS, de Mike Mendez, Demian Rugna, Eduardo Sanchez, Gigi Saul Guerrero et Alejandro Brugues – USA

Mike Mendez (Le Couvent), Demian Rugna (Aterrados), Eduardo Sanchez (Le Projet Blair Witch) , Gigi Saul Guerrero (Bingo Hell) et Alejandro Brugues (Juan Of The Dead) signent un film à sketchs qui se situe dans la bonne moyenne du genre, la très bonne moyenne même. Satanic Hispanic enchaîne les histoires aux sujets aussi originaux qu’improbables, au gore généreux et à l’humour qui fonctionne plein gaz (certains dialogues du fil rouge et scènes du second sketch, et le quatrième dans son entièreté, sont vraiment à mourir de rire). Mais comme toute anthologie horrifique, Satanic Hispanic est un métrage qui contient son lot de faiblesses, ici un piètre troisième segment et, mais là c’est chercher la petite bête, un premier très loin d’être raté mais un brin décevant de la part de Demian Rugna. Rien de préjudiciable à l’ensemble car en l’état, le film est gorgé de qualités qui font sans peine oublier le reste et font de ce Satanic Hispanic un digne représentant pour qui apprécie ce genre de film.


WE ARE ZOMBIES, de RKSS – Canada

Après un décevant Summer Of 84, le collectif RKSS est de retour en bonne forme avec We Are Zombies qui se déroule dans un monde où les morts-vivants sont revenus à la vie, à la différence qu’ici point de morsures ou d’apocalypse zombie, les nommés «mal-vivant» ne sont pas des créatures amatrices de chair humaine mais sont juste là, insérés tant bien que mal dans la société. Si l’idée de faire cohabiter tant bien que mal humains et morts-vivants n’est pas nouvelle, We are Zombies détourne les codes du film de zombie avec brio. C’est un véritable univers alternatif qui est développé autour de cette histoire d’arnaqueurs qui se font avoir à leur propre jeu et ont 24h pour sauver la grand-mère de l’un d’eux tout en faisant face à une corporation chargée de réduire la population de la planète qui forcement explose dès lors que les morts ne le restent pas plus d’une minute. A la fois drôle, gore, et bourré de bonnes idées, We are Zombies est un métrage aussi plaisant que frustrant. Car bien que la conclusion soit clairement satisfaisante, vu le soin apporté à l’univers du métrage, forcement on en veut en voir plus…


MAD CATS, de Reiki Tsuno – Japon

Question pitch improbable, le premier long écrit et réalisé par Reiki Tsuno se pose là. Dans Mad Cats, un looser part sauver son frère, archéologue qui a malgré lui libéré une race de félin d’un genre particulier : des femmes-chats accros à une herbe ancestrale qui les rendent ultra violentes. Si l’idée de base est délirante, que les personnages sont décalés, et que le métrage réserve son petit lot de scènes comiques et d’action, Mad Cats n’en est pas moins un petit pétard mouillé. Trop sage dans sa mise en scène qui manque clairement de peps, souffrant de réguliers problèmes de rythme, le film ne manque pas de folie dans le fond, mais est bien trop sage dans la forme pour convaincre.


WHEN EVIL LURKS, de Demian Rugna – Argentine

When Evil Lurks, c’était MON attente de cette seizième édition du FEFFS. Il faut dire que le précédent métrage du cinéaste, Aterrados (ou Terrified chez nous), était une petite gifle, un véritable film d’horreur qui a instantanément mis à l’amende tous les Conjuring, Insidious et compagnie et a propulsé Demian Rugna dans le haut de ma liste de réalisateurs à suivre. Et que dire d’autre si ce n’est que le cinéaste n’a aucunement déçu avec, de son titre original, Cuando Acecha La Maldad. Avec When Evil Lurks, Demian Rugna ne change pas de registre puisqu’il est encore question ici de possession démoniaque, ce qui n’empêche pas le réalisateur de renouveler sa formule. Ici, le mal est décrit comme une sorte d’épidémie qui ronge le monde, dont les premiers symptômes pourrissent les terres de deux frères qui font tout pour fuir tout un engrenage qu’ils mettent en place malgré eux. Si le trouillomètre a baissé par rapport à Aterrados, When Evil Lurks n’en reste pas moins un métrage terrifiant. Pas tant du coté de la flippe, quoique le film contient son petit lot de surprises, mais dans son ton de plus en plus froid et désespéré et de par sa violence frontale et sans concession. Et de ce coté, When Evil Lurks s’avère être plutôt corsé car en dehors des hommes, femmes et animaux, Demian Rugna n’y va pas de main morte avec les enfants et n’épargne rien au spectateur. Pas même le destin d’un enfant autiste (sujet hautement sensible pour moi) qui est fort heureusement traité avec intelligence et n’est pas là à titre purement gratuit. Tout comme l’entièreté de ce qui compose ce véritable film d’horreur sans concession, subversif non sans thématiques (ici la perte de la foi religieuse dans un monde ou la violence, et par extension le mal, a pris le dessus, la complexité des troubles autistiques, et peut être même une allégorie d’ une pandémie que l’on ne présente plus). Tout comme Aterrados, When Evil Lurks est bel et bien une petite bombe qui ne laisse pas indifférent et mérite une sortie en salle car le film le mérite amplement, mais aussi pour voir la gueule des amateurs de la production horrifique grand publique actuelle devant un film d’horreur, un vrai.


Midnight Shorts:

En marge d’une déjà riche compétition courts-métrages divisée en trois catégories (internationale, made in France et animation), le FEFFS a proposé cette année une petite nouveauté sous la forme d’une séance spéciale : Midnight Shorts. Précédée de quatre courts réalisés par des étudiants de la MJM de Strasbourg, dont un assez touchant dont j’ai oublié le nom (désolé les gars, mais si vous passez par là, c’est le court qui mélange deuil et réalité virtuelle), la séance ne fut pas aussi trash et déviante que vendue, ce qui n’empêche pas d’avoir passé un super moment avec huit œuvres toutes aussi différentes que réussies. Mais entre l’heure de colle satanique The Newcomer, le flippant Stop Dead, Heat Wave et Merger qui vont vous faire réfléchir à deux fois avant de vous plaindre respectivement des fortes chaleurs et des heures sup, la voiture démoniaque de Ride Baby Ride, l’Abomination que tente de cacher un clodo dans les bas-fond de New York et l’hommage au bis Rital versant Bruno Mattei – Claudio Fraggasso et aux productions ultra Z Eurociné qu’est le déjanté The Island Of The Resuscitated Dead, si il ne fallait qu’en choisir qu’un, ce serait sans hésitation Venus. Réalisé par deux Toulousains, Venus est un court métrage qui s’attaque à un sujet difficile : les conséquences morales et traumatiques d’une grossesse issue d’un viol. Pur Body Horror à l’ambiance cradingue et aux allégories pertinentes, Venus est, à défaut d’être un vrai uppercut, une œuvre sincère et franchement intéressante dans sa thématique, aussi dure soit-elle. Réussi dans le fond, le court l’est également dans la forme qui s’en tire avec les honneurs, d’autant plus que ça a été tourné pour un budget de 300€.


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Auteur : John Roch

Amateur de cinéma de tous les horizons, de l'Asie aux États-Unis, du plus bourrin au plus intimiste. N'ayant appris de l'alphabet que les lettres B et Z, il a une nette préférence pour l'horreur, le trash et le gore, mais également la baston, les explosions, les monstres géants et les action heroes.
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