[Coffret] King Hu Vol. II – Présentation et critiques (1965-1993)

En 2021, Spectrum Film sortait un coffret dédié à « l’inventeur » du wu xia pian tel qu’on le connait aujourd’hui, à savoir King Hu, l’une des personnalités les plus importantes du cinéma de Hong Kong tant il a changé dans les années 60 la face du cinéma de Hong Kong, tant il a influencé de nombreux cinéastes comme par exemple Tsui Hark. Ce premier coffret, composé des films Raining in the Mountain (1979) et All The King’s Men (1983), rempli à ras la gueule de bonus (plus de 3h), vendu en coffret collector accompagné d’un livre de 288 pages (essentiellement une compilation d’écrits et d’interviews de King Hu), avait gagné en 2021 le Prix Curiosité DVD/Blu-ray aux Prix du Syndicat Français de la Critique de Cinéma et des films de Télévision.

Mais Spectrum Films n’en a pas fini avec King Hu puisque, en plus de The Valiant Ones (1975) annoncé pour mars 2024, ils viennent de sortir un deuxième coffret consacré au célèbre réalisateur, contenant pas moins de cinq films, dont certaines rareté, étalés sur 6 disques (5 blu-ray + un 4K), de nouveau des tonnes de bonus, avec en plus une réédition du hors séries de 1984 des Cahiers du Cinéma consacré au cinéma de Hong Kong, et parlant (entre autres) de King Hu.

Alors pour les néophytes, pour les curieux, pour les intéressés, on vous parle de tout ça ci-dessous.


    1. Introduction
    2. Film 1 : Sons of Good Earth (1965)
    3. Film 2 : Come Drink With Me (1966)
    4. Film 3 : Four Moods (1970)
    5. Film 4 : The Wheel of Life (1983)
    6. Film 5 : Painted Skin (1993)
    7. Le coffret collector

Titre : Sons of Good Earth / 大地兒女
Année : 1965
Durée : 1h47
Origine : Hong Kong
Genre : Drame / Guerre
Réalisateur : King Hu
Scénario : King Hu, Cheng Kang

Acteurs : Peter Chen Ho, Betty Loh Tih, Lee Kwan, King Hu, Tien Feng, Chen Yan-Yan, Ha Yee-Chau, Chiang Kuang-Chao, Kao Pao-Shu, Hao Li-Jen, Lui Ming

Scénario : He Hua, une jeune fille vendue à un bordel, s’échappe avec l’aide de deux peintres, Yu Rui et Guan Sansheng. Après que la police ait fermé les lieux, He Hua et Yu Rui se marient. Leur paix est bientôt brisée par l’invasion des Japonais et le régime brutal qui s’ensuit. Pire encore, les propriétaires du bordel sont libérés de prison et deviennent des collaborateurs des oppresseurs, utilisant leur position pour se venger du couple.

Avis de Cherycok :
Première réalisation en solo de King Hu,après avoir codirigé le film The Story of Sue San (1964), Sons of Good Earth est une production Shaw Brothers au budget conséquent rassemblant deux des plus grandes stars du studio de l’époque, à savoir Peter Chen Ho et Betty Loh Tih. A cause de soucis de distribution dans certains pays asiatiques, qui refusèrent tout simplement de le sortir, Sons of Good Earth fut un échec commercial. Pourtant, ce film méconnu du réalisateur est une très jolie réussite et, bien que son style caractéristique ne soit pas encore là (il commencera réellement à le développer avec son fillm suivant Come Drink With Me), King Hu délivre une mise en scène très solide pour un film qui a encore aujourd’hui de la gueule.

Dans les années 60, l’invasion de la Chine par le Japon à la seconde Guerre Mondiale est encore dans toutes les têtes. C’est donc normal que des films incluent cet évènement majeur dans leur scénario. Bien que Sons of Good Earth commence comme une comédie romantique, il en vient rapidement à une ambiance plus lourde. Il vire d’abord vers le drame politique et, bien entendu, avec l’invasion japonaise et la résistance qui s’organise via des guérillas, il finit par devenir un pur film de guerre. L’ensemble est structuré en trois actes bien distincts qui semble s’étaler sur environ 8 ans. Bien qu’il soit nationaliste comme pas mal de films de guerre HK / Chinois, Sons of Good Earth est un poil plus mesuré dans le sens où, là où certains auraient expédiés en 30 secondes leurs méchants en disant juste qu’ils sont très méchants, King Hu prend le temps de développer ces personnages japonais. Mais au final, ce nationalisme n’est pas envahissant car on s’attarde ici bien plus sur l’histoire d’amour et le côté humain d’une telle situation d’autant plus que le casting donne très bien vie aux personnages.

Le scénario se tient du début à la fin et arrive à maintenir l’attention même lors des moments de dialogues qui se trainent parfois un peu. King Hu raconte parfaitement son histoire (il est coscénariste du film) et caractérise suffisamment ses personnages. Ces deux jeunes peintres sont très rapidement attachants tout comme la jeune fille qui s’éprendra de l’un d’eux et on prend un réel plaisir à suivre leur évolution. Là où le film surprend, surtout après sa première heure assez « calme », c’est par le côté très orienté action du dernier acte, lorsque la guerre pure et dure reprend ses droits après retournements de situations et autres trahisons. Ces scènes de guerre sont d’une grande intensité et King Hu sait déjà parfaitement mettre en valeur de morceaux de bravoure, bien que certains figurants aient parfois du mal à être 100% crédibles.

Avec sa mise en scène solide, son bon casting et la construction de son scénario, Sons of Good Earth est un film très intéressant à suivre. D’entrée de jeu, il installait King Hu comme un réalisateur à suivre. Il est à noter que le film a gagné le prix du meilleur montage et du meilleur scénario aux Golden Horse Film Festival, ainsi que le Prix Spécial pour l’Esprit National.


Plus d’informations :

Support : Blu-ray
Image : Full HD, 2.35:1, 16/9
Son : Mandarin Mono
Sous-titres : Français
Bonus : Présentation de Arnaud Lanuque, Fabien Mauro : Nishimoto Tadashi – Chef Opérateur à Hong Kong, Bande annonce.

Galerie d’images (cliquer dessus) :


Titre : Come Drink With Me / 大醉俠
Année : 1966
Durée : 1h35
Origine : Hong Kong
Genre : Wu Xia Pian
Réalisateur : King Hu
Scénario : King Hu, Ting Shan-Hsi

Acteurs : Cheng Pei-Pei, Yuen Hua, Chen Hung-Lieh, Lee Wan-Chung, Yang Chi-Ching, Shum Lo, Han Ying-Chieh, Fung Ngai, Simon Yuen, Ku Feng, Wang Ruo-Ping

Scénario : Lorsqu’un groupe de brigands kidnappe le fils d’un officiel, le gouvernement réagit aussitôt en envoyant à la rescousse un de leurs meilleurs agents : L’Hirondelle d’Or. Désirant régler dès son arrivée la situation par la force, l’intrépide héroïne devra rapidement changer de tactique pour éviter pour éviter les pièges de ses ennemis.

Avis de Cherycok :
Bien que Son of Good Earth n’ait pas fonctionné, King Hu enchaine l’année suivante avec ce qui peut être considéré comme le film fondateur du wi xia pian tel qu’on le connait aujourd’hui, Come Drink With Me, déjà sorti chez nous en DVD sous le titre L’Hirondelle d’Or. Un film qui a changé la face du film de sabre chinois et qui nous arrive en Blu-ray, mais aussi en 4K HDR, grâce à ce coffret Spectrum Films. Oui, certaines choses de Come Drink With Me ont aujourd’hui un peu vieilli, comme le jeu d’acteur, très théâtral, ou certains effets qui pourront paraître kitchs. Mais ça fonctionne toujours aussi bien même 58 ans plus tard, et en ce remettant dans le contexte, à une époque où les films de sabre s’apparentaient plus à des opéras filmés, le film a du simplement paraître révolutionnaire à tout un public.

Come Drink With Me est magnifiquement mis en scène. King Hu fait sans cesse preuve d’une créativité folle, aussi bien dans la réalisation pure, avec de superbes plans, que dans certaines idées (la scène avec les sapèques), et on comprend pourquoi ce film est considéré comme ayant changé la donne. Ça fourmille d’idées assez géniales qui, à l’époque, n’avaient jamais été faites et que, des décennies après, le cinéma de Hong Kong a continué de recycler, d’adapter, de réinterpréter (les courses poursuites sur les toits, le personnage martial alcoolique, le soit disant mendiant qui va prendre le héros / héroïne sous son aile lorsqu’il est en pleine faiblesse, …). King Hu explore, expérimente, aussi bien dans la construction de son scénario que dans la construction de l’image, de ses plans, de ses cadres, et il en ressort un certain raffinement. Certains passages et dialogues sont délicieux, à l’instar de cette première scène dans l’auberge. Dans le rôle de l’Hirondelle d’Or, Cheng Pei-Pei est absolument sublime, d’une grâce absolue, à la fois belle et redoutable. Dommage qu’elle finisse par se faire voler la vedette par le néanmoins très bon Yuen Hua.

Le scénario est au final très simple, certes, mais sa mise en place, sa construction et la dramaturgie qui en découlent sont d’une fluidité exemplaire. Il règne parfois une certaine lenteur, mais cette lenteur est envoutante car elle est malgré tout en mouvement, grâce à une caméra qui sait capter ce qu’il y a d’essentiel à capter. Les scènes d’action sont également réussies, toujours grâce au cadrage et au montage de King Hu, mais aussi avec sans cesse des changements de rythme, parfois en l’espace de quelques secondes. Les combattants s’affrontent certes physiquement, parfois très violemment (ça ne lésine pas sur le gore sur certaines scènes), mais aussi psychologiquement, avec des regards appuyés. On sent l’inspiration des westerns et des chanbaras, dans lesquels l’attente créé la tension. Han Yin-Chieh, qui sera responsable par la suite des combats de A Touch of Zen, Big Boss, Fist of Fury ou encore A Man Called Tiger, livre dans les scènes d’action de Come Drink With Me de très belles chorégraphies. A noter que certaines scènes sont assez cruelles (par exemple lorsque le méchant crève l’oeil d’un très jeune moine puis que ce dernier est achevé), ce qui pourra en surprendre certains.

Oui, Come Drink With Me a vieillit, il faudrait être de mauvaise foi pour le nier, mais pourtant, 58 ans après sa sortie à l’heure ou j’écris ces lignes, il est toujours aussi efficace, toujours aussi bon. King Hu signe son vrai premier grand film.


Plus d’informations :

Support : Blu-ray
Image : Full HD, 1.85:1, 16/9
Son : Mandarin Mono
Sous-titres : Français
Bonus : Présentation de Arnaud Lanuque, Il Etait une Fois les Cahiers 1984 : Interviews de Charles Tesson, Olivier Assayas, Françoise Huguier, Bande annonce.

Galerie d’images (cliquer dessus) :


Titre : Four Moods / 喜怒哀樂
Année : 1970
Durée : 2h24
Origine : Taïwan
Genre : Film à sketchs
Réalisateur : Li Han-Hsiang, King Hu, Pai Ching-Jui, Lee Hsing
Scénario : Li Han-Hsiang, King Hu, Chang Yung-Hsiang, Chu Hsiang-Kan

Acteurs : Chen Chen, Yueh Yang, Chang Mei-Yao, Li Li-Hua, Liu Ming, Tsao Chien, Hu Chin, Chen Hui-Lou, Chiang Ching, Ou Wei, Peter Yang, Chen Kuo-Chun

Scénario : Ces différentes histoires explorent les sentiments ressentis par les gens lorsqu’ils sont confrontés au surnaturel. Ces « humeurs » construisent le titre en langue chinoise : Joie, Colère, Tristesse et Bonheur.

Avis de Cherycok :
Quatre segments, quatre réalisateurs, quatre sentiments, voilà le programme de Four Moods, quatre moyens métrages allant de 30 à 42 minutes chacun et qui vont mettre en image un sentiment. Pai Ching-Jui s’occupe de la Joie (32min) avec cet érudit, adepte de plaisirs charnels, qui reçoit la visite d’une jolie fantôme. King Hu va mettre en images la Colère dans une histoire où diverses factions s’affrontent dans une auberge isolée. Lee Hsing s’occupe de la Tristesse avec cet homme qui sort de prison, qui apprend que sa famille a été massacrée et qu’un fantôme occupe désormais sa maison. Enfin, Li Han-Hsiang s’occupe du Bonheur avec ce pêcheur qui rencontre un flûtiste, qui est aussi un fantôme, et qui va devenir un compagnon de beuverie. Inspirés de l’opéra chinois et du Strange Stories From a Chinese Studio de Pu Songling, ces quatre segments, en explorant les sentiments qui envahissent les humains lorsqu’ils sont confrontés aux fantômes, vont surtout mettre en images les vices de ces humains.

Chaque réalisateur, avec son propre style, sa propre touche, va donner naissance à un moyen métrage avec une narration assez facile à suivre. Pai Ching-Jio ouvre le bal avec la Joie et choisit de rendre son segment entièrement muet, uniquement animé par les bruitages et la musique, avec des personnages au jeu très théâtral, réussissant sans aucun subterfuge à faire naitre une certaine tension devant un spectacle certes parfois un peu étrange, mais néanmoins intéressant.
King Hu hérite de la Colère (40min) et localise son histoire dans un lieu qu’il semble énormément apprécier, une auberge, en livrant le segment le plus orienté action. Il va parfaitement utiliser l’espace de cet endroit clos et mettre à l’honneur les arts martiaux. La tension est gérée parfaitement, les personnages sont sympathiques, le long combat très agréable et bien mis en scène, mais on a l’impression que King Hu passe un peu à côté de son sujet. La Colère, on ne la ressent pas vraiment et nous sommes plus ici dans une histoire de tromperie et de cupidité. Ça n’en fait pas un mauvais segment pour autant, simplement il semble un peu hors sujet d’autant plus que, contrairement aux trois autres, il ne traite pas de fantômes ou de surnaturel.

La Colère qu’oublie King Hu aurait pu s’ajouter à la tristesse du segment de Lee Hsing, Tristesse (30min). Il s’agit d’un homme en colère qui découvre sa famille massacrée à sa sortie de prison. De la tristesse, de la colère, l’envie de vengeance. Le travail sur l’image est très bon, avec des cadrages superbes et de beaux effets de lumière. La caméra de Lee Hsing est d’une fluidité exemplaire, arrivant à embrasser les sentiments de son personnage central. La lenteur du scénario risque malgré tout d’en rebuter certains et, de tous les segments, c’est celui qui prend le plus son temps pour ses enjeux.
Le dernier segment, Félicité (41min), mis en boite par Li Han-Hsiang, va nous parler d’amitié et comment un fantôme, alcoolique de son vivant, va enfin connaitre le bonheur dans l’amitié qu’il va lier avec ce pêcheur, pas le dernier pour la picole. Mais le pêcheur découvrira également le bonheur grâce à la musique qui a un pouvoir très particulier sur les poissons. La relation entre les deux personnages est très intéressante, chacun trouvant ce qu’il a besoin dans l’autre. Mais à l’instar du précédent, la lenteur est de mise et risque d’en laisser certains sur le carreau.

Avec Four Moods, Taïwan fait son Kwaidan six ans après les japonais. Les quatre segments sont très bien mis en scène, très bien interprétés, souvent intéressants, mais leur relative lenteur et la longue durée de la bobine (2h24) en font un spectacle qui pourra laisser de marbre, voire complètement rebuter.


Plus d’informations :

Support : Blu-ray
Image : Full HD, 1:77, 16/9
Son : Mandarin Mono
Sous-titres : Français
Bonus : Présentation de Arnaud Lanuque, La Reine des Epeistes – Un entretien avec Cheng Pei-Pei, Bande annonce.

Galerie d’images (cliquer dessus) :


Titre : The Wheel of Life / 大輪迴
Année : 1983
Durée : 1h45
Origine : Taïwan
Genre : Arts Martiaux / Drame / Romance
Réalisateur : King Hu, Pai Ching-Jui, Lee Hsing
Scénario : Chang Yung-Hsiang

Acteurs : Sylvia Peng, Shih Chun, Chiang Hou-Jen, Tsao Chien, Clement Yeh, Hsueh Han, Chu Ben-Ke, Wei Wen-Min, Chang Shi-Ping, Chia Lu-Shih, Hsu Yung-Kang

Scénario : Ce film en 3 parties suit trois acteurs empêtrés dans un triangle amoureux s’étalant sur trois vies. De l’histoire wuxia du roi Hu se déroulant sous la dynastie Ming au mélodrame de la troupe d’opéra de Lee Hsing au début du XXème siècle , en passant par la romance interdite de Pai entre un danseur moderne et un médium du temple, nous suivons la continuité, le changement et la tragédie à travers le motif de la réincarnation bouddhiste.

Avis de Cherycok :
Bien moins connu que les classiques de King Hu, The Wheel of Life est un film composé à sketchs pour lequel trois réalisateurs ont donné de leur personne : Pai Ching-Jui (Madame Ho, Home Sweet Home), Lee Hsing (The Young Ones, Rhythm of the Wave), et donc King Hu, tous les 3 ayant déjà participé à l’autre film à sketchs présent dans le coffret, Four Moods. Sur fond de réincarnation, chacun des trois réalisateurs va mettre en scène un segment sur l’évolution des arts sur la scène mondiale et le résultat est assez fascinant.

Le segment de King Hu ouvre le bal et il est immédiatement reconnaissable par son style. Explosion de couleurs, montage précis, panoramiques, c’est visuellement très léché et certains plans ont cet effet waouh du réalisateur. On a parfois l’impression d’être devant des tableaux. Lors des scènes d’action (car il s’agit ici d’un Wu Xia Pian), nous auront droit à des plans larges impeccables, des travellings, auxquels vont venir s’ajouter des gros plans sur les visages pour bien souligner la tension qui règne entre les personnages.
Le deuxième segment, par Hsing Lee, est plus posé. Il s’attarde sur une troupe d’opéra de Pekin, leur quotidien, la préparation des spectacles. Il est tout aussi riche visuellement que le segment de King Hu. Les travellings sont très travaillés, les couleurs toutes aussi présentes, en particulier lors des scènes d’opéra. La tonalité est ici au départ plus douce, plus portée sur l’amour, mais il n’en oublie pas des scènes plus dramatiques, plus marquantes (la scène d’autoflagellation), jusqu’au final qui va capturer le moment où les âmes sortent de leur incarnation et qui va se transmettre jusqu’au premier plan du dernier segment avec ces flammes en mouvement dans un fond noir, comme des âmes en attente d’un corps dans lequel se réincarner.

Le troisième acte, réalisé par Pau Ching-Jui, se situe dans les années 80. Une fois de plus,c ‘est très soigné visuellement, comme si cette consigne avait été rabâchée pour que la qualité à ce niveau-là reste constante. Le réalisateur va mettre en images de longs plans larges et chaque cadre, chaque plan, est intelligemment étudié. Ce segment va opposer la modernité (la troupe de théâtre) et le traditionnel (le prêtre) et le fait qu’il est parfois difficile de se situer entre les deux, surtout lorsqu’on évoque quelque chose comme les esprits, les traditions ou les superstitions.
Souvent, dans les films à sketchs, ces derniers sont inégaux. Ici, ce n’est pas le cas. Certes, le segment de Pai Ching-Jui est un peu en déçà comparé aux deux autres, mais il ne démérite pas et l’ensemble forme un tout très homogène. Deux constantes sur la longueur, le visuel très travaillé via des mises en scènes et une photo appliquées, et un casting qui fait un sans-faute quel que soit le réalisateur par lequel il est dirigé.

The Wheel of Life nous offre une épopée traversant plusieurs genres, plusieurs époques, pour un résultat très réussi bien que le film pourra laisser un peu sur le bas-côté ceux qui ne sont pas très au fait de la culture chinoise / taïwanaise et de ses traditions.


Plus d’informations :

Support : Blu-ray
Image : Full HD, 2.35:1, 16/9
Son : Mandarin Mono
Sous-titres : Français
Bonus : Présentation de Arnaud Lanuque, Fabien Mauro : Nishimoto Tadashi – Chef Opérateur à Hong Kong, Bande annonce.

Galerie d’images (cliquer dessus) :


Titre : Painted Skin / 畫皮之陰陽法王
Année : 1993
Durée : 1h33
Origine : Hong Kong
Genre : Ghost Story
Réalisateur : King Hu
Scénario : King Hu, Zhong Ah-Zheng

Acteurs : Adam Cheng, Joey Wong, Wu Ma, Sammo Hung, Lau Shun, Lam Ching-Ying, Jia Qin-Fang, Lu Shu-Gui, Chow Ting, Yang Yi, Li Sheng-Yuan, Zhang Lihua

Scénario : Wang Shunsheng est désespéré d’avoir échoué une fois encore à l’examen impérial, d’être sans le sou et de n’avoir toujours pas eu d’enfant avec Chen, son épouse. Un soir, il rencontre une jeune femme, qui se fait appeler Yu Feng. Fasciné par sa beauté, Wang lui offre l’hospitalité pour la nuit. Chen l’observe en cachette et le spectacle qui se présente alors à ses yeux la bouleverse complètement : Yu est un fantôme.

Avis de Cherycok :
Painted Skin s’inspire très librement d’une célèbre histoire contée dans le classique recueil de nouvelles de Pu Songling, Strange Stories From a Chinese Studio, adaptée de nombreuses fois à l’écran. On citera par exemple la version de 1966, The Painted Skin, celle de Gordon Lam en 2008 avec Donnie Yen, ou encore plus récemment tout un tas de DTV chinois estampillés « Painted Skin » (dont le duo Painted Skin / New Painted Skin en 2022), et bien entendu la version de King Hu qui nous intéresse ici, sortie en 1993, dernier film du réalisateur avant son décès 4 ans plus tard à l’âge de 65 ans. King Hu a influencé de nombreux réalisateurs, en particulier avec ses premiers films (Come Drink With Me, Dragon Inn, A Touch of Zen), mais pour sa dernière œuvre, c’est qui lui va s’inspirer de ce qui a été fait auparavant, ici Histoire de Fantômes Chinois, avec un film qui surfe très tardivement sur la vague lancée par le duo Tsui Hark / Ching Siu-Tung et qui sera un énorme fou au box-office.

Le public local a donc décidé de bouder Painted Skin, à peine plus de 1.3M$HK au box-office. Les spectateurs étaient sans doute par avance lassés de tous ces ersatz de Histoire de Fantômes Chinois qui ont déferlé sur les écrans, d’autant plus que, une fois de plus, Joey Wong reprenait ici ce rôle de fantôme coincé entre deux mondes qu’elle avait déjà incarné plusieurs fois. C’est vrai que Painted Skin fait partie des films les plus faibles de King Hu, mais il n’en demeure pas moins plein de qualités qui font qu’il reste malgré tout un spectacle recommandable pour quiconque a envie de se replonger dans ce genre de film. D’autant plus que, une fois de plus, Hu va accorder énormément d’importance au visuel de son film, auquel le blu-ray de Spectrum Films rend hommage (il n’était jusque là disponible que dans un dvd Tai Seng à la qualité plus proche du VCD). Quel que soit le plan, il y a toujours cette précision millimétrée du réalisateur pour la composition de ses cadres, de la lumière, des couleurs, même lors des mouvements de caméra qui accompagnent les personnages dans les scènes de dialogue. On y retrouve en plus cette petite touche wu xia du début des années 90, avec ce filtre bleuté qui en fera frétiller certains et en crisper d’autres.

On retrouve cette précision dans les scènes d’action, avec un montage rapide qui va venir compenser la quasi absence de wire-fu et, force est de constater, que ça fait clairement illusion. Mais il ne faut aps s’attendre à un déluge d’action. Painted Skin veut avant tout nous raconter une histoire, bien installer ses personnages, créer une ambiance, grâce aux images mais aussi à la bande son, et on sent que ce n’est pas l’action qui ici intéresse le plus King Hu. Du coup, le film est un peu longuet sur la première heure, mais pas inintéressant pour autant car on est rapidement envouté par ces plans s’apparentant parfois presque à des peintures. Lorsque l’action arrive, ce n’est pas un déluge martial, même si Lam Ching-Ying (dans un de ses derniers rôles) va malgré tout lever la gambette, car c’est essentiellement de la magie que les différents protagonistes utilisent.
Le casting est bon, prestigieux, mais c’est surtout au niveau des personnages que le film a un problème. Leurs motivations semblent parfois plus dictées par ce qui est écrit dans le scénario que parce qu’ils vivent réellement à l’écran. Ça sonne parfois un peu faux, en particulier dans certains rapports qu’ils ont entres eux, et il est parfois difficile de les caractériser au niveau de leur morale qui est souvent un peu floue. Ça manque clairement de vie, on a l’impression que ces personnages passent à côté de ce qu’ils devraient être réellement.

Souvent décrié par les amateurs du réalisateur, Painted Skin n’est pas la catastrophe dont certains parlent. Certes, c’est un King Hu très mineur, loin d’être complètement réussi, mais il demeure un divertissement agréable si vous vous faites embarquer par son ambiance et son visuel.


Plus d’informations :

Support : Blu-ray
Image : Full HD, 1.77:1, 16/9
Son : Mandarin 2.0
Sous-titres : Français
Bonus : Présentation de Arnaud Lanuque, Interview de Ng Ming-Choi, Bande annonce.

Galerie d’images (cliquer dessus) :


Les coffrets de Spectrum Films ont souvent été critiqués sur les réseaux sociaux, non pas pour leur contenu, souvent exemplaires, mais pour leur packaging. Boitier carton trop mou, intérieur mal adapté, … Spectrum Films a écouté ses clients et pour ce coffret King Hu (mais aussi le coffret Miike sorti également en décembre), c’est un packaging bien plus solide auquel on a droit. Outre le packaging en carton bien rigide et bien épais, on retrouve à l’intérieur un superbe digipack aux magnifiques illustrations accueillant les 5 films sur 6 blu-ray (dont un 4K).

Également présent, une réimpression du hors série de 236 pages des Cahiers du Cinéma de 1984 sur le cinéma de Hong Kong, adapté à la taille du coffret.

Le travail effectué sur ce coffret est à souligner, aussi bien pour son visuel pour ce qu’il contient. Les films proviennent de masters restaurés en 4K, comme Come Drink With Me, ou 2K, comme Four Moods ou The Wheel of Life, à partir des masters originaux. Painted Skin est proposé pour la première fois en haute qualité alors qu’il était jusque là disponible en DVD import d’une qualité plus que douteuse. Les bonus sont nombreux, variés, parfois inédits, permettant de prolonger l’expérience.

On ne peut que saluer l’effort de l’éditeur pour nous proposer des films jusque là pas forcément facile à se procurer. Jusque là, seul Come Drink With Me avait eu droit à une sortie chez nous en DVD sous le titre L’Hirondelle d’Or.

Je vous laisse avec quelques photos du coffret et de son contenu.


    1. Introduction
    2. Film 1 : Sons of Good Earth (1965)
    3. Film 2 : Come Drink With Me (1966)
    4. Film 3 : Four Moods (1970)
    5. Film 4 : The Wheel of Life (1983)
    6. Film 5 : Painted Skin (1993)
    7. Le coffret collector

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Auteur : Cherycok

Webmaster et homme à tout faire de DarkSideReviews. Fan de cinéma de manière générale, n'ayant que peu d'atomes crochus avec tous ces blockbusters ricains qui inondent les écrans, préférant se pencher sur le ciné US indé et le cinéma mondial. Aime parfois se détendre devant un bon gros nanar WTF ou un film de zombie parce que souvent, ça repose le cerveau.
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