[Film] L’ Armée Des Ténèbres – Evil Dead 3, de Sam Raimi (1992)

Une tronçonneuse greffée au poignet, un fusil à canon scié dans l’autre main, Ash, le héros des Evil Dead, remonte le cours du temps jusqu’en 1300. Là, il lui faut mettre la main sur le Nécronomicon, grimoire à l’origine de ses malheurs. Sa quête se transforme vite en effarante croisade, qui le mène à affronter une armée de squelettes.


Avis de John Roch :
Si Evil Dead 1 et 2 sont des œuvres uniques, c’est parce qu’elles ne sont pas structurées comme des films, mais comme des cartoons. L’histoire et les personnages qui n’ont aucune importance ne sont que prétexte à une succession de gags. Tout passe par l’image, par l’action, un rythme imprévisible qui enchaîne les moments remplis d’imagination. Et c’est là que le remake de 2013 et Evil Dead Rise se sont plantés : ce sont des films d’horreur conventionnels, structurés, aux personnages travaillés et avec un fond. Ce n’est pas en reprenant la caméra subjective qui personnifie un mal indicible, quelques scènes gores, une poignée d’idées de mise en scène et un final avec une tronçonneuse que l’on refait Evil Dead. En ce sens, L’Armée Des Ténèbres est le film le plus faible de la saga, pour la simple et bonne raison que c’est un film avec un scénario structuré. On perd en spontanéité, en imprévisibilité, et on se retrouve au final avec un film plus classique dans la forme. Mais c’est ce qui en fait aussi sa force car au final, c’est le fait d’être un métrage structuré qui fait de L’Armée Des Ténèbres l’opus le plus marquant de la saga. Le fait d‘avoir un scénario, des personnages un peu plus importants que d’accoutumée dans la saga et donc des dialogues permettent de souffler entre deux délires d’un Sam Raimi qui ne manque encore une fois pas d’idées, d’inventivité et de folie aussi bien technique que scénaristique pour mettre en scène une nouvelle anomalie. Cela en fait l’opus dont on se souvient le plus, et il est vrai qu’avec un tel enchaînement à un rythme démentiel de scènes, de répliques et de dialogues cultes, il est tout à fait légitime de considérer L’Armée Des Ténèbres comme le meilleur film de la saga, il est vrai sublimé par ce qui est la meilleure VF jamais faite, avec celle de Wayne’s World. Elle est tout simplement parfaite, il y a de l’amour derrière cette version Française, on sent une équipe qui a tout pigé au délire, au point d’en rajouter. Voir L’Armée Des Ténèbres dans sa version originale, c’est en perdre un bon tiers de son humour.

Débattre qui est le meilleur entre Evil Dead 1 et 2 est déjà un sacré défi, ajoutez L’Armée Des Ténèbres à l’équation et c’est chaud pour certains, mais ça démontre à quelle point cette trilogie est unique. Une nouvelle fois, comment ne pas tomber à la renverse face à des idées toutes aussi barges les unes que les autres. L’Armée Des Ténèbres est dans la droite lignée de Evil Dead 2, mais il délaisse le gore et assume à 100% son statut de cartoon live. Quant à la mise en scène, Sam Raimi perd en folie, la réalisation est un peu plus classique mais elle n’en demeure pas moins exceptionnelle, toujours aussi imprévisible et inventive. Bien sur L’Armée Des Ténèbres, tout comme les deux premiers films de la saga, est critiquable. Déjà, c’est un peu le cirque coté technique, on sent les limites budgétaires, les faux raccords sont nombreux mais c’est aussi ce qui fait le charme du film. Le coté fait main ne disparaît pas au profit d’un budget plus important et il y a une âme derrière ce film, il n’y a qu’a voir la bataille finale qui ressemble à un gros délire de gamin qui refait le Gouffre de Helm avec son château fort et ses jouets. Il en est de même pour les effets spéciaux. Si le procédé Introvision fait vieillot, ça dessert plutôt bien le métrage car ça lui donne un look à l‘ancienne, une sorte de prolongement moderne du travail de Ray Harryhausen qui donne là encore un petit charme au film.

Sam Raimi n’en oublie pas qu’il tourne une suite et fait également évoluer Ash, incarné par un Bruce Campbell parfait (il n’ y a rien d’autre à dire). Mais pas que, il le réintroduit carrément en lui donnant un background et en refaisant quelques scènes de Evil Dead 2, qui fait l’objet d’un mini remake le temps de l’introduction. Ici, Ash est ici un personnage volontairement détestable et arrogant qui ne font que de rendre plus jouissive la souffrance du personnage qui cette fois mérite quelque part d’en prendre plein la gueule, l’occasion pour Sam Raimi de faire également évoluer cette souffrance car après la torture psychologique et physique, c’est ici sa personnalité qui est mise à rude épreuve. Si celle-ci a bien changé, ce n’est que pour mieux ré-introduire Evil Ash, qui ne possède plus le personnage mais devient une entité à part entière, comme expliqué en chanson par le méchant Ash, expédiée de manière explosive par le gentil Ash. Enfin débarrassé, littéralement, de son arrogance et son égoïsme, Ash finira par accepter son destin d’élu, sans le prendre à son avantage, se transformera en héros dans une lutte finale qui enchaîne les gags et les idées sans relâche, tout comme le reste du métrage car si L’Armée Des Ténèbres est plus sage que les deux premiers films de la trilogie, il n’en reste pas un grand morceau. 1H28 de concentré de scènes toutes aussi mémorables les unes que les autres sur lesquelles il est inutile de revenir puisque vous les connaissez par cœur, dans lesquelles l’humour ne tombe jamais à plat. Pas plus que le rythme car si Sam Raimi s’est assagi, sa réalisation reste unique et quelque part expérimentale puisqu’il l’intègre à une mise en scène plus classique.

Et tout ça c’est déjà pas mal pour l’opus le plus faible de la trilogie, c’est même exceptionnel pour un film massacré au montage, qui doit également être vu dans ses autres versions. Pour la petite histoire, L’Armée Des Ténèbres a connu une production compliquée. Le film marque la seconde collaboration entre un Sam Raimi qui pensait retrouver la liberté créative de Evil Dead 2, et un Dino De Laurentis sur la paille qui a vendu le métrage à Universal, qui impose des coupes et une nouvelle fin, celle que l’on connaît tous. Dans sa version director’s cut, il ne faut pas s’attendre à une refonte complète qui rapprocherait L’Armée Des Ténèbres de ses prédécesseurs. Reste qu’il s’agit du montage le plus intéressant pour trois scènes. Déjà celle avec les minis Ash, dont il ne reste rien dans la version internationale, confirme la direction 100% cartoon (et toujours sans gore) prise par Sam Raimi. Puis il y a la dernière demi-heure, la bataille finale donc, qui dans le fond reste la même mais est bien différente dans la forme. Plus cohérente, plus folle, plus longue, là encore il est fou de constater à quel point le métrage a été massacré au montage, réduisant ainsi pas mal le temps de présence de Evil Ash, de la voiture lâchée dans l’arène (qui est cette fois introduite et remet même en doute le statut de héros de Ash le temps de quelques secondes), de personnages qui prennent bien plus d’ampleur dans la bataille… bref une scène qui prend une autre dimension dans la forme et qui est bien plus généreuse. Reste la fameuse fin, parfaite pour conclure la trilogie, une sorte d’ultime doigt d’honneur de Sam Raimi balancé à la tronche de Ash, comme ce fut le cas à la fin de Evil Dead 2.

La version director’s cut est donc à privilégier, mais la version internationale s’en sort tout de même très bien, à l’inverse du montage Américain qui n’a aucune utilité, si ce n’est de dynamiser d’avantage le récit, et c’est là où est le problème. Cette version ne fait pas que de couper quelques passages superflues, elle charcute carrément des pans de scènes, tout juste celle avec les minis Ash est légèrement plus longue que dans le montage international, d’une poignée de seconde. Pour le reste, les 8 minutes manquantes par rapport à ce montage, 16 par rapport au director’s cut, n’ont à quelques coupures près absolument aucun sens, pire encore on y perd en humour, déjà qu’il n’y a pas la VF sur ce montage. Mais peu importe la version (sauf le montage Américain), L’Armée Des Ténèbres est-il le meilleur opus de la trilogie ? A mon sens, non. Si il faut saluer l’effort de Sam Raimi pour donner une nouvelle orientation à la saga, il y a tout de même une sorte de déception qui en ressort pour des raisons expliquées plus haut. A l’inverse, il est tout à fait légitime de le préférer aux autres pour les même raisons expliquées plus haut. En l’état, Sam Raimi signe une nouvelle folie pelliculée qui s’intègre parfaitement à une trilogie définitivement unique. Hail to the king baby !

LES PLUS LES MOINS
♥ TOUT… ⊗ …ou presque…

Pour sa conclusion à la trilogie, Sam Raimi change complètement de direction et livre avec L’Armée Des Ténèbres un métrage toujours aussi taré dans le fond, mais aussi plus conventionnel dans la forme. Cela fait de ce troisième film le plus faible de la saga. Mais faible ne veut pas dire mauvais, et il est tout à fait légitime de le considérer comme le meilleur opus signé Sam Raimi. Dans tout les cas, la trilogie Evil Dead forme un tout et demeure comme une saga de films aussi unique qu’indispensable.



Titre : L’ armée des ténèbres – Evil Dead 3 / Army of darkness
Année : 1992
Durée : 1h28 (montage international) / 1h36 (version director’s cut) / 1h20 (montage Américain)
Origine : USA
Genre : (un peu moins) Ultime
Réalisateur : Sam Raimi
Scénario : Sam Raimi et Yvan Raimi
Acteurs : Bruce Campbell, Embeth Davidtz, Marcus Gilbert, Ian Abercrombie, Richard Grove, Michael Earl Reid, Patricia Tallman, Ted Raimi
Army of Darkness (1992) on IMDb


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Auteur : John Roch

Amateur de cinéma de tous les horizons, de l'Asie aux États-Unis, du plus bourrin au plus intimiste. N'ayant appris de l'alphabet que les lettres B et Z, il a une nette préférence pour l'horreur, le trash et le gore, mais également la baston, les explosions, les monstres géants et les action heroes.
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