[Semaine « Exotique »] Jour 3 : Sound of Noise (2010)


L’officier de police Amadeus Warnebring est né dans une illustre famille de musiciens. Ironie du sort, il déteste la musique ! Sa vie bascule le jour où un groupe de musiciens déjantés décide d’exécuter une œuvre musicale apocalyptique en utilisant la ville comme instrument de musique. Il s’engage alors dans sa première enquête policière musicale.


Avis de Paganizer :
Sound of Noise est le genre de film qui pourrait concourir pour la « palme de l’originalité » aux côtés d’œuvres telles que « Rubber » de Quentin Dupieux ou « The Human Centipède » de Tom Six ! Le concept un peu dingue du film a d’abord été mis en boite sous forme de court-métrage par les deux réalisateurs accompagnés de leurs acteurs/percussionnistes géniaux. Ce court a pour titre « Music for One Apartment and Six Drummers » et prend déjà la forme d’un pur film expérimental, mélangeant habilement enquête policière, propos anarchistes et bien sûr musique. Le concept fonctionne à merveille sur dix minutes, mais l’idée de l’étaler au cinéma sur près d’une heure quarante pouvait s’avérer périlleuse… En effet, ce qui passe très bien au format court ne supporte pas forcément un passage au format long, surtout quand le matériau de base est aussi singulier et original qu’ici. Mais surprise, ça fonctionne ! Et ça fonctionne même très bien ! Alors certes, le film n’est pas parfait et atteint à un moment donné ses limites liées à l’idée de base, mais on ne peut nier qu’il se dégage de l’ensemble une forme de pure folie particulièrement communicative et réjouissante… Et on réalise vite que cette entreprise ne peut que donner le sourire à un public qui n’a clairement jamais vu ça sur un écran de cinéma ! En même temps, il faut reconnaitre que ce n’est pas tous les jours que l’on croise une bande de « terroristes musicaux » sur grand écran… Et soyons francs, ça fait vraiment du bien de voir ce genre de cinéma original, inventif, libre… Et un peu fou !

L’œuvre est donc construite un peu à la manière d’une symphonie en quatre mouvements aux doux titres de « Doctor, Doctor, Gimme Gas (In My Ass) », « Money 4 U, Honey », « Fuck The Music Kill ! Kill ! » (Petit hommage au grand Russ Meyer en passant !) et « Electric Love ». Et c’est justement cette structure narrative qui permet à Sound of Noise de réussir haut la main le passage au format long. Chacun des actes peut quasiment être pris de façon indépendante comme quatre courts métrages ultra efficaces qui forment un ensemble d’une cohérence absolue une fois mis côte à côte. Le premier « attentat » reste clairement le meilleur et pourrait presque éclipser les suivants, malgré la folie qui les anime. Cette première performance musicale voit donc nos six percussionnistes rassemblés pour une opération de terrorisme acoustique autour d’une table d’opération avec un patient dessus. Ils nous offrent là la première vraie démonstration du principe hallucinant du film, visant à littéralement créer de la musique en utilisant des sons du quotidien… Autant dire que le résultat est tout bonnement bluffant ! Dès lors, on réalise que l’on se trouve devant quelque chose de particulièrement hors-normes et qui refuse de se plier aux règles du genre !

Par la suite, les différents attentats musicaux deviennent de plus en plus ambitieux et démesurés, tant au niveau du matériel utilisé et détourné par le gang de percussionnistes (un braquage de banque, des engins de chantier et même des lignes électriques haute tension), qu’au niveau de la manière dont sont amenées et préparées les performances. La logistique déployée est également impressionnante de par son envergure ! Cependant, ces attentats n’atteindront pas la folie et la puissance musicale du premier. Cela n’empêche que, jusqu’au tout dernier acte, le quatrième mouvement, on prend un plaisir monstrueux et non dissimulé devant ce spectacle hallucinant et au côté « doux-dingue » ! En parallèle à cette révolution par la musique et afin de donner une constance et de la consistance au récit, on suit l’enquête policière assez basique d’Amadeus, inspecteur flegmatique venant d’une grande famille de musiciens alors qu’il est, pour sa part, totalement allergique à la musique. Il est d’ailleurs atteint d’une étrange surdité (petite incursion du fantastique dans le film) qui va servir de lien aux différents chapitres.
Chaque intervenant de l’histoire bénéficie d’une petite biographie hilarante, style humour à froid très bien amené et qui fait mouche à chaque fois ! Malheureusement, le dénouement vient un peu assombrir le tableau… Certaines scènes ont un côté magique (les lumières de la ville) mais cela s’étire un peu trop et on perd une partie de l’intensité qui faisait la force de tout ce qui a précédé.
En termes de réalisation, là c’est la grande classe ! Bien qu’il s’agisse d’un premier film, un grand soin a été apporté à l’image, ce qui est d’ailleurs très souvent le cas avec les productions des pays du Nord de l’Europe. Photographie éclatante, mise en scène dynamique, choix de cadres audacieux… C’est un vrai régal visuel ! Mais ici, et c’est une chose rare et inhabituelle au cinéma, c’est quand-même le son qui prédomine sur l’image.

Film musical par excellence (et pas comédie musicale, nuance), Sound of Noise a bénéficié d’un travail de titan sur le montage sonore (avec de longues plages de silence parfaitement justifiées), qui vient sublimer ces compositions totalement délirantes, mais toujours d’une grande justesse mélodique qui ne peut en aucun cas être remise en cause. On parle bien de musique dans ce film, même si son titre fait malicieusement référence au bruit ! On assistera d’ailleurs, au détour d’une scène mémorable, au saccage et à la destruction en règle de la finesse musicale d’un orchestre philharmonique par la brutalité sonore de pelles de chantier… Un moment intense et hautement jouissif !
Autour de Bengt Nilsson, excellent dans le rôle de l’inspecteur Amadeus Warnebring, l’ensemble de la distribution principalement composée de musiciens professionnels (à part Sanna Persson) rivalise de charisme et de présence. On compte peu de fausses notes dans le jeu des acteurs… Tous évoluent dans une sorte d’harmonie totale. L’ensemble du casting s’est apparemment donné pour mission de faire vivre pleinement aux spectateurs ce projet fou et de prouver qu’un concept aussi original et décalé peut largement tenir la route le temps d’un film. Dès l’intro rocambolesque passée, les différentes séquences s’enchainent à un rythme métronomique (le métronome joue d’ailleurs un rôle majeur dans l’œuvre). Ce rythme ne faiblit en outre que très rarement.
Mi-thriller, mi-feel good movie, assaisonné d’une pointe d’anarchisme et nappé d’une grosse dose de musique, Sound of Noise s’impose comme une véritable révélation venue du Nord et du froid, et se montre capable de filer la banane, même aux plus blasés des spectateurs ! Bourré jusqu’à la gueule d’idées folles, de scènes démentes et de fureur, le film ne donne qu’une envie après visionnage : revivre au plus vite cette folle série de chef-d’œuvre de terrorisme non violent, cette symphonie du bruit totalement démesurée !

LES PLUS LES MOINS
♥ Séquences musicales démentes
♥ Humour savamment distillé
♥ Casting au top
⊗ Pas de version française (VOST uniquement)
⊗ Dénouement un peu faible.
Un film marquant et inoubliable, même si le final se montre un peu faible, voire mièvre sur les bords, par rapport au reste. Une œuvre grandement décalée et furieusement originale et enthousiasmante ! A conseiller en priorité aux amoureux de la musique, mais aussi à tous ceux qui aiment le bon cinéma, le cinéma différent… Le cinéma qui ose !



Titre : Sound of Noise
Année : 2010
Durée : 1h40
Origine : Suède
Genre : Enquête Policière Musicale
Réalisateur : Johannes Stjärne Nilsson, Ola Simonsson
Scénario : Jim Birmant, Johannes Stjärne Nilsson, Ola Simonsson

Acteurs : Anders Vestergard, Bengt Nilsson, Fredrik Myhr, Johannes Björk, Magnus Börjeson, Marcus Boij, Sanna Persson, Sven Ahlström

 Sound of Noise (2010) on IMDb











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Auteur : Paganizer

Cinéphage boulimique, fan de cinéma authentique avec une appétence particulière pour les pellicules différentes voire singulières. A tendance à fuir le cinéma fast-food grand public trop formaté. Également doté d'un penchant naturel pour les mauvais films sympathiques et les nanars décomplexés et fendards.
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