[Film] Twin Peaks : Fire Walk With Me, de David Lynch (1992)

Teressa Banks est retrouvée morte sur un lac. L’agent du FBI Chet Desmond méne l’enquête avec le professionnel Sam Stanley. Tous les indices qu’ils découvrent mènent à des impasses. Chet va alors disparaître sans laisser de trace. L’enquête revient à l’agent spécial Dale Cooper, qui a le pressentiment que le tueur va de nouveau frapper. Un an plus tard, nous suivons le parcours de la jeune Laura Palmer dans la ville de Twin Peaks.


Avis de Rick :
Ah Twin Peaks ! Une série culte, puis un film culte bien que défoncé par la critique et le public lors de sa sortie en 1992, et à présent une troisième saison en cours de diffusion qui risque de bien diviser (personnellement, j’y adhère, Lynch fait du Lynch). La sortie de cette troisième saison est l’occasion rêvée de se replonger dans l’univers créé il y a plus de 25 ans par Lynch, et donc, dans le film. Le film, Fire Walk With Me, commence avant la série, puisqu’il nous présente les sept derniers jours de Laura Palmer, mais également le meurtre et l’enquête sur Teressa Bank un an avant les événements de la série. Tout débute d’ailleurs par l’enquête, comme un film policier assez classique, bien joué, nous donnant très vite toute une série d’indices pour la suite de l’enquête… enquête que l’on ne suivra pas, et indices qui ne mèneront à rien du tout. On est bien dans un film de David Lynch. Les évènements étranges arrivent très rapidement dans le film, avec la disparition inexpliquée de plusieurs personnages, ainsi que d’autres éléments tout aussi troublants. Une réussite en la matière, et un montage efficace et tout à fait surprenant, notamment dans la scène où David Bowie, incarnant un ancien disparu, réapparaît. La scène nous montre en même temps ce qu’il a vécu, sans temps morts, avant de refaire disparaître le personnage, sans explications. Prologue qui peut troubler, d’autant plus qu’il n’a qu’un très faible rapport avec la série, l’agent Dale Cooper, magnifiquement interprété par Kyle MacLachlan, n’étant que très peu présent, et la ville de Twin Peaks n’étant pas encore à l’écran non plus. Une première partie contenant très peu d’humour et qui a du perturber les fans à sa sortie. Pour moi, un excellent prologue mettant en scène de grands acteurs, puisque l’on retrouve Miguel Ferrer, Kyle MacLachlan, David Lynch lui-même, mais que l’on découvre également Harry Dean Stanton, Chris Issak ou encore Kiefer Sutherland.

Le début à le mérite d’essayer de nous présenter en un temps record nombre de personnages, intrigues, mots imaginaires et lieux clés (la Red Room), puis nous passons enfin à ce qui nous intéresse le plus dans le film. C’est-à-dire les sept derniers jours de Laura Palmer. Et quelles journées bien remplies ! Le film prend alors son envol, bien que délaissant pas mal de personnages de la série (le shérif et ses adjoints, Big Ed et j’en passe) pour se focaliser sur Laura Palmer forcément, et ses relations avec James et Bobby, ainsi que ses parents et sa meilleure amie Donna. En seulement sept petits jours, il s’en passe des choses dans la vie de la jeune femme. On découvre très vite les différents personnages que l’on connait déjà, James et Bobby donc, les deux petits amis de Laura, Donna sa meilleure amie (qui n’est plus jouée par Lara Flynn Boyle), ses parents (Ray Wise et Grace Zabriskie), dont le père, Leland, est un personnage dérangé, aux réactions parfois surprenantes pour rien du tout (la scène du dîner). On comprend vite que le film fait le choix de nous montrer seulement les moments de tristesse de Laura Palmer, par ailleurs très bien interprétée par Sheryl Lee, qui réussie à jouer une Laura heureuse en surface et malheureuse intérieurement. Même si l’on ne comprend pas tout (de nombreux points sont inexpliqués, et si comme moi à l’époque, on n’a pas vu la série, on est vite largués), on reste pourtant comme hypnotisés devant ce monde, ressemblant à la fois tellement au monde réel, et lui étant tellement éloigné également. Un univers étrange et baroque comme seul David Lynch sait les inventer.

Et il a encore une fois réussi. On peut même dire que Twin Peaks: Fire Walk With Me est une de ses plus grandes réussites, scénaristique, visuelle, mais aussi émotionnelle, au vu des émotions qu’il parvient à créer chez le spectateur. Dégoût, malaise, mépris, tension, le rire parfois aussi lors de quelques scènes venues d’ailleurs. Une chose est sûre, le film ne laisse aucunement indifférent. Lynch a sa liberté totale et fait ce qui lui plait, tout en étant dans la logique de la série. Forcément, le film est plus cru, plus violent que la série, mais ces quelques jours qui nous étaient racontés dans la série n’étaient pas joyeux, il est donc logique que le film aille dans cette direction, et ça fonctionne. Il suffit de voir la scène parfaitement maîtrisée de bar Bang Bang. Entrée de Laura dans le bar, suite à un dialogue énigmatique avec la femme à la bûche, sur la magnifique musique de Julee Cruise. On se laisse bercer par cette musique, devant une Laura pleurant, avant de rentrer dans une autre pièce, où va alors se dérouler devant nos yeux une sorte de cauchemar, la face cachée de l’endroit, comme David Lynch aime tant l’exploiter. Il nous montre encore une fois la face cachée d’une ville, ce qui se cache sous la surface, sous l’apparence de cette petite ville tranquille, qui cache finalement bien des secrets. Il le fait sans contraintes (film de cinéma, non pas un produit pour la télévision, donc moins de censures et de pressions), avec une liberté de ton qui ne plaira pas à tous, mais pourtant son travail le plus hypnotisant aux côtés de Lost Highway quelques années plus tard.

Plus le métrage avance, plus la tension se fait palpable, et constante, ce jusqu’à son final tant attendu dont le spectateur ne peut s’échapper, la mort de Laura Palmer. Lynch y va fort, nous révélant non seulement le meurtrier (que les spectateurs de la série connaissent déjà), mais mettant en scène un excès de folie, d’incompréhension. Un déchaînement rapide de folie meurtrière, qui s’il ne dure que quelques instants, parvient à créer des sensations chez le spectateur, de par la maîtrise technique de la scène, mais également l’utilisation magistrale du son (Lynch était au sound design, comme il le sera toujours par la suite). Pour conclure sur ce chef d’œuvre (oui, c’en est un !), je ne peux que parler de ce plan final, qui comme le film dans son ensemble se révèle être une énigme, une image magnifique, sans explication, où l’on se laisse porter par la musique en se disant que finalement, le film ne se termine pas si mal que ça. Et rien que pour ces émotions énigmatiques que Lynch parvient à transmettre au spectateur, Twin Peaks Fire Walk With Me mérite d’être vu, et d’être réhabilité par ceux qui le détestaient à l’époque. Oui, le film est forcément plus violent à tous les niveaux comparé à la série, mais il ne la trahit jamais, nous dévoilant juste une facette beaucoup plus sombre de son univers.

LES PLUS LES MOINS
♥ Visuellement magnifique
♥ Sheryl Lee parfaite
♥ Un concentré d’émotions et d’images fortes
♥ Un prologue parfait à la série
⊗ Ce film est parfait !!!!
note8
Twin Peaks est sans aucun doute l’œuvre la plus maitrisée, la plus travaillée, la plus profonde sur laquelle David Lynch a travaillé. Un puzzle sans fin dont l’univers révèle encore aujourd’hui de nouvelles facettes.



Titre : Twin Peaks: Fire Walk With Me

Année : 1992
Durée :
2h15
Origine :
U.S.A. / France
Genre :
Drame
Réalisation : 
David Lynch
Scénario : 
David Lynch et Robert Engels
Avec :
Sheryl Lee, Ray Wise, Kyle MacLachlan, Chris Isaak, Kiefer Sutherland, Harry Dean Stanton et David Lynch

 Twin Peaks: Fire Walk with Me (1992) on IMDb


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Auteur : Rick

Grand fan de cinéma depuis son plus jeune âge et également réalisateur à ses heures perdues, Rick aime particulièrement le cinéma qui ose des choses, sort des sentiers battus, et se refuse la facilité. Gros fan de David Lynch, John Carpenter, David Cronenberg, Tsukamoto Shinya, Sono Sion, Nicolas Winding Refn, Denis Villeneuve, Shiraishi Kôji et tant d'autres. Est toujours hanté par la fin de Twin Peaks The Return.
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