[Film] The Northman, de Robert Eggers (2022)

Le jeune prince Amleth vient tout juste de devenir un homme quand son père est brutalement assassiné par son oncle qui s’empare alors de la mère du garçon. Amleth fuit son royaume insulaire en barque, en jurant de se venger. Deux décennies plus tard, Amleth est devenu un berserkr, un guerrier viking capable d’entrer dans une fureur bestiale, qui pille et met à feu, avec ses frères berserkir, des villages slaves jusqu’à ce qu’une devineresse lui rappelle son vœu de venger son père, de secourir sa mère et de tuer son oncle. Il embarque alors sur un bateau pour l’Islande et entre, avec l’aide d’Olga, une jeune Slave prise comme esclave, dans la ferme de son oncle, en se faisant lui aussi passer pour un esclave, avec l’intention d’y perpétrer sa vengeance.


Avis de Rick :
Robert Eggers, à l’instar de Ari Aster, c’est un de ces metteurs en scène qui, en un film, a su mettre tout le monde d’accord, puis qui avec son second long métrage, a divisé les foules. Tout le monde a aimé Hereditary et The Witch. Par contre, Midsommar et The Lighthouse, moins. Il faut dire que là où le premier métrage des deux auteurs étaient des métrages lorgnant vers un fantastique classique malgré un enrobage sérieux et bien plus intéressant et pertinent que 95% de la production horrifique grand public, les métrages suivants se faisaient plus extrêmes dans leurs propositions. L’idée n’était plus d’attirer le public, mais de satisfaire un public plus exigeant et cinéphile, sans le prendre par la main, mais en le bousculant. Et alors que très souvent, on adore soit Midsommar, soit The Lighthouse, je suis un des rares à avoir adoré les deux propositions. Autant dire que The Northman, le troisième long métrage de Robert Eggers, faisant sacrément envie. Déjà car avec ces deux premiers métrages, il avait prouvé une maîtrise narrative et visuelle et sa qualité à mettre en image des temps anciens, et que pour The Northman, il continue vers un lointain passé, celui de vikings, et que pour se faire, il a un budget bien plus confortable, estimé à environ 60 millions de dollars, voir 90 millions suivant certaines sources qui se contredisent. Immédiatement, on attend donc de grandes choses de The Northman, visuellement, et au niveau de l’ambiance. Et avec ce réalisateur, on s’en doute d’office que son épopée Viking ressemblera bien plus au Valhalla Rising de Refn qu’à un simple film de studios à grand spectacle, même si le réalisateur admet avoir dû faire quelques concessions durant la post production.

Bon tout ça, ça tombe bien, car j’adore l’opus de Refn, qui justement divise fortement également. Mais le lien est évident, car les deux métrages affichent en quelque sorte la même ambition, à savoir une histoire simple voir simpliste (ici donc, une simple vengeance), le tout dans un métrage affichant fièrement une violence frontale se voulant représentative de cette époque, et où la mise en scène est au centre du récit, prenant même le pas sur la narration par moment, et osant à plus d’une reprise à sortir des simples territoires de la narration classique pour partir vers des horizons plus abstraits, oniriques. Amleth donc, après avoir été témoin enfant de la mort de son père, le roi, de la main de son oncle, jure de se venger, de revenir afin de prendre la vie de son oncle et de sauver sa mère. C’est tout ? C’est tout, il ne faut pas attendre plus. Mais le manque de surprises narratives affiché par The Northman, il le compense dans tous les autres domaines. On y est sensible, ou pas, mais il est impossible de nier la maitrise formelle des images, des décors naturels, de cette photographie souvent nocturne et apocalyptique, de la beauté de ces rites effectués en plein air autour d’un feu. D’ailleurs, et ce à plusieurs reprises, le métrage semble presque lorgner du côté de Midsommar pour la représentation de quelques rites étranges, et ce dés le début, avec ce jeune enfant découvrant son animal intérieur dans un rite effectué par ce bon vieux Willem Dafoe, revenu jouer chez Eggers après The Lighthouse. Ce côté quasi mystique, on le retrouvera à plusieurs reprises, il plane sur l’œuvre dans son ensemble, et tout le monde n’y adhérera pas forcément tant le réalisateur ne semble pas se retenir pour délivrer sa vision, gros budget ou pas. Certaines visions surréalistes de l’œuvre, magnifiques ceci dit, ne m’auront néanmoins pas toutes séduites, ou convaincues, alors que la proposition dans son ensemble, elle, m’aura eu, une proposition qui ne recule devant rien. Une proposition simple visant à mettre l’atmosphère et le visuel avant la narration.

Et donc une proposition qui ne peut pas plaire à tous, mais qui se montre maitrisée d’un bout à l’autre. Il faut saluer le travail du directeur de la photo habituel du réalisateur, à savoir Jarin Blaschke, qui avec ses trois métrages là peut déjà se vanter d’avoir un CV impressionnant. Bien entendu, la musique et l’atmosphère sonore du titre contribue également beaucoup à l’expérience proposée. Et comment ne pas parler également du casting 4 étoiles du titre, avec Alexander Skarsgård (Godzilla VS Kong) dans le rôle titre, qui serait d’ailleurs à l’initiative du projet, mais aussi Anya Taylor-Joy (The Witch, Split), esclave qui deviendra la compagne de notre héros dans sa quête de destruction, Nicole Kidman en mère à sauver et qui se montre étonnement expressive alors qu’elle me décevait récemment, sans oublier la présence certes limitée mais à souligner d’Ethan Hawke ou du déjà cité Willem Dafoe. Si l’on retiendra la prestation physique et la relation de couple entre nos deux héros, c’est par moment Nicole Kidman qui illumine l’écran. Il est impressionnant de voir en tout cas que le réalisateur ne se laisse clairement pas aller aux facilités du film de studio, et surtout aux facilités du film à grand spectacle, même si par certains aspects, évidemment, il livre son film le plus grand public. Son intrigue est très simple, mais du coup, bien plus limpide par exemple que sur The Lighthouse, et si l’on pourrait également aisément dire que le métrage est poseur et affiche sa plastique irréprochable, il aurait dans un sens tort de ne pas l’afficher tant cela peut être un élément commercial important pour le grand public. Qui se laissera donc attirer vers un film souvent contemplatif, violent, hermétique même par de nombreux aspects, un film qui demande au spectateur de lâcher prise et de se laisser guider par les images plus que par la narration. On adhère, ou pas, mais force est de reconnaître que Robert Eggers maîtrise sa caméra et sait ce qu’il veut.

LES PLUS LES MOINS
♥ Visuellement somptueux
♥ Des scènes marquantes
♥ De bons acteurs
♥ Violent et frontal par moment
⊗ Un côté narratif peu surprenant, voir prévisible
⊗ Une proposition parfois hermétique
note3
Avec un budget confortable, Robert Eggers livre une œuvre plastique de toute beauté, mystique, où le visuel et le ressenti prime sur l’intrigue (simple) et la narration, pour un film lorgnant beaucoup plus du côté de Valhalla Rising que du classique film de vengeance à gros budget.


Titre : The Northman
Année : 2022
Durée :
2h17
Origine :
Etats Unis
Genre :
La vengeance sera sienne
Réalisation :
Robert Eggers
Scénario :
Robert Eggers et Sjon
Avec :
Alexander Skarsgård, Anya Taylor-Joy, Nicole Kidman, Claes Bang, Ethan Hawke, Gustav Lindh, Elliott Rose, Willem Dafoe et Phil Martin

 The Northman (2022) on IMDb


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Auteur : Rick

Grand fan de cinéma depuis son plus jeune âge et également réalisateur à ses heures perdues, Rick aime particulièrement le cinéma qui ose des choses, sort des sentiers battus, et se refuse la facilité. Gros fan de David Lynch, John Carpenter, David Cronenberg, Tsukamoto Shinya, Sono Sion, Nicolas Winding Refn, Denis Villeneuve, Shiraishi Kôji et tant d'autres. Est toujours hanté par la fin de Twin Peaks The Return.
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