[Film] The Emperor’s Shadow, de Zhou Xiao-Wen (1996)


A travers ses nombreuses conquêtes et autodafés, l’Empereur Ying Zheng veut écrire un hymne à la gloire de son nouvel État. Pour cela, il fait kidnapper Gao Jianli, un ami d’enfance devenu un musicien célèbre. Leurs retrouvailles, bien que forcées, donnent lieu à des débats animés entre eux sur diverses questions publiques et personnelles. Pour couronner le tout, la fille de ce dernier vient perturber une histoire déjà très tourmentée.


Avis de Cherycok :
Ce « coffret » Jiang Wen qui vient de sortir chez Spectrum Films réserve décidément bien des surprises. Après le Jiang Wen réalisateur avec In The Heat of the Sun, voici Jiang Wen acteur dans The Emperor’s Shadow, film chinois le plus cher de l’année 1996, joli succès dans toute l’Asie, et film qui m’était inconnu jusqu’à ce qu’il soit annoncé chez notre partenaire il y a quelques mois. Et quel bon film ! On est dans une épopée avec de l’amour, de la haine, des massacres, de la trahison, de l’amitié, de l’entêtement, des punitions, des exécutions, des tortures et du pouvoir. Un film fascinant par sa grandeur visuelle, par la manière qu’il a de parler de politique indirectement grâce à la musique. Que ceux qui craignent un film ennuyeux de par son sujet, sa longue durée (2h10 tout de même) et parce qu’il ne se concentre pas sur l’action, se rassurent, car The Emperor’s Shadow est un film captivant.

The Emperor’s Shadow commence par une scène où l’Empereur, très vieux, demande de sacrifier tous les instruments de musique et que, après sa mort, on tue quiconque soutient les musiciens. Une introduction qui est un préambule parfait pour ce qui va suivre. Retour en arrière, au commencement de la relation entre les deux personnages principaux, allaités par la même femme, lorsqu’ils étaient jeunes : Ying Zheng, le prince qui deviendra le 32ème roi de la Dynastie Qin, et Gao Jianli, un jeune musicien qui deviendra son ami. Bien des années plus tard, alors qu’il s’apprête à unifier les trois royaumes avec le désir avoué d’unifier également les cœurs et les idées, Ying Zheng fait enlever le musicien vivant sur les terres Yan au prétexte qu’il aimerait composer un hymne pour galvaniser soldats et peuples. Sauf que malgré les chantages, la violence, les tortures, Gao Jianli lui tiendra tête et ne composera rien. Lorsque ce dernier s’amourache de la fille du roi, cela vient encore plus compliquer les choses. Il ne faut pas se fier à ce pitch rapide de l’intrigue car The Emperor’s Shadow est bien plus qu’un simple musicien têtu qui séduit la fille préférée de l’empereur et refuse de composer un hymne national. Il faut s’attarder sur certains jeux de mots, sur l’humour parfois léger, sur les joutes verbales de certains protagonistes, sur les différentes thématiques abordées comme l’amour et la haine qui sont au final très proches, la guerre et la paix, le pacifisme face à la force, mais surtout l’art et la politique qui sont très importants dans le film, mais aussi pour les personnages. Le film met en scène des relations chaotiques et conflictuelles entre les deux personnages principaux, à la fois amour et haine, à la fois séduction et menaces, à la fois dominantes et apaisées. Leurs affrontements verbaux ressemblent plus à des disputes entre frères et sœurs qu’à des querelles entre maitre et serviteur. Comme Gao Jianli refuse constamment de se soumettre, Ying Zheng finit toujours par ordonner des punitions redoutables à son encontre, puis revient sur ses décisions, parfois trop tard. Cette relation qu’ils entretiennent est compliquée, fascinante et même parfois touchante, pleine d’émotions et de sentiments, parfois proche de la bromance.

Et à travers cette relation et l’art de la musique, The Emperor’s Shadow parle de politique. Lorsque Gao Jianli fait sa première tentative de composer un hymne, il s’agit d’une critique à l’encontre du règne du roi. Lorsque le roi affirme que la musique qu’il veut que Gao compose lui permettra de contrôler les esprits et les cœurs du peuple, on pourrait y voir un parallèle aux discours de Mao Zedong qui avaient le même but. Donc forcément, on se dit que là derrière se cache une attaque à l’encontre du gouvernement chinois. Pas étonnant que quelques jours à peine après sa sortie au cinéma en 1996, le film soit interdit en Chine pendant pas loin de 8 mois. Lors de la première du film, le réalisateur Zhou Xiao-Wen aurait déclaré « Les dirigeants chinois ont toujours voulu contrôler notre esprit. Mais ils ne parviennent pas à le faire ». Ça n’a pas dû plaire… Pour cette critique déguisée, le réalisateur s’en est donné les moyens. The Emperor’s Shadow a un côté grandiose, avec de vrais décors naturels imposants, des milliers de figurants, aucune utilisation de CGI (pas forcément démocratisés en Chine à cette époque). On sent dès la première scène qu’on est dans une grosse production au budget conséquent. Les images sont très belles et le montage va leur faire honneur. Zhou Xiao-Wen va s’allouer les services de deux des acteurs les plus célèbres du moment. Jiang Wen (Le Sorgho Rouge, Les Démons à ma Porte) est absolument parfait en roi partagé entre l’amour et la haine. Ge You (Adieu ma Concubine, Vivre !) est très convaincant en musicien campé sur ses positions. Ils rendent leur rôle crédible car ils semblent jouer de manière très naturelle. Certes, ce n’est pas toujours très subtil dans la façon de faire, mais c’est toujours très intéressant et captivant. Certaines scènes où ils sont tous les deux en pleine confrontation sont d’une très grande puissance et vraiment marquantes. Et bien entendu, la musique tient une part importante dans le film, et pas que celle du personnage interprété par Ge You. Je parle là de la musique du film, composée par Zhao Ji-Ping qui est tout bonnement superbe. L’auteur des musiques de Épouses et Concubines, Qiu Ju Une Femme Chinoise, Le Sorgho Rouge ou encore du dytique Le Roi Singe va accompagner de bien belle manière chaque scène, chaque plan. Alors je ne suis pas assez calé en histoire de la Chine pour dire si le film est fidèle à la réalité, mais au final, qu’importe tant que le film est bon non ? Et là c’est le cas.

LES PLUS LES MOINS
♥ Visuellement superbe
♥ Le casting parfait
♥ Original dans son traitement
♥ Des personnages travaillés
⊗ Décevra si on s’attend à de l’action

Mis en scène à une échelle assez spectaculaire, cette épopée se déroulant pendant la Dynastie Qin sur fond d’art et de politique nous captive 2h10 durant. Un très bon film, superbement interprété et photographié.

LE SAVIEZ VOUS ?
• Le film a influencé la création de l’opéra de Tan Dun, Le premier empereur, en 2006.


THE EMPEROR’S SHADOW est sorti chez Spectrum Films en combo Blu-Ray avec le film In The Heat Of The Sun au prix de 35€. Il est disponible à l’achat ici : Spectrumfilms.fr

En plus du film, on y trouve : Making Of et Bande-annonce.



Titre : In The Heat of the Sun / 陽光燦爛的日子
Année : 1996
Durée : 2h10
Origine : Chine
Genre : Quand la musique est bonne
Réalisateur : Zhou Xiao-Wen
Scénario : Lu Wei

Acteurs : Jiang Wen, Ge You, Summer Xu Qing, Ge Zhi-Jun, Wang Qing-Xiang, Di Guo-Qiang, Wang Ning, Shu Yao-Xuan, Li Meng-Nan, Yuan Yuan, Ti Ming

 Qin song (1996) on IMDb


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Auteur : Cherycok

Webmaster et homme à tout faire de DarkSideReviews. Fan de cinéma de manière générale, n'ayant que peu d'atomes crochus avec tous ces blockbusters ricains qui inondent les écrans, préférant se pencher sur le ciné US indé et le cinéma mondial. Aime parfois se détendre devant un bon gros nanar WTF ou un film de zombie parce que souvent, ça repose le cerveau.
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