[Film] Pour une Poignée de Dollars, de Sergio Leone (1964)


Deux bandes rivales, les Baxter, trafiquants d’armes, et les Rojo, qui font de la contrebande d’alcool, se disputent la suprématie et la domination de la ville de San Miguel, au sud de la frontière américano-mexicaine. Un étranger, vêtu d’un poncho, arrive à dos de mulet dans cette petite ville et s’immisce entre les deux bandes. Proposant d’abord ses services aux Rojo, l’étranger va très vite tirer profit des deux camps à la fois, à la grande joie du fabricant de cercueils Piripero.


Avis de Cherycok :
Lorsque le cerveau est fatigué d’une journée usante, il est parfois bon de se poser devant un petit film qui nous renvoie directement en enfance, devant lequel on va se sentir bien, parce qu’il représente plein de choses pour soi. En ce qui me concerne, c’est soit des comédies régressives de mon enfance (Bud Spencer / Terence Hill, Les Charlots, les Jackie Chan des années 80), soit des westerns spaghettis devant lesquels je restais ébaubi lors de mes premières années, lorsque mon père, amateur du genre, les regardait à la télévision sur FR3 en deuxième partie de soirée. Bref, tout ça pour vous dire que, lorsque je découvrais Pour une Poignée de Dollars à l’âge de 7 ou 8 ans, il m’avait hypnotisé, aussi bien par ses images que par ses musiques, et m’avait fait tomber amoureux d’un genre aussi vaste qu’obscur. Bref, trêve d’anecdotes personnelles et intéressons-nous aujourd’hui au premier volet de la Trilogie du Dollar de Sergio Leone (parfois appelée Trilogie de l’Homme sans Nom), dont les autres opus sont Et Pour Quelques Dollars de Plus (1965) et Le Bon La Brute et le Truand (1966), sans doute le moins bon des trois mais pourtant déjà un grand film.

Alors qu’au début des années 60, le genre péplum commence à ne plus être en odeur de sainteté auprès du public, plusieurs réalisateurs italiens se lancent dans le western, essayant de prendre la relève dans un genre essentiellement américain mais qui commence même là-bas à s’essouffler. Remake de Yojimbo (1961) d’Akira Kurosawa, dont il reprend la structure et les péripéties, Pour une Poignée de Dollars a beau ne pas être le premier western spaghetti (une 20aine de films du genre étaient déjà sortis), il servira malgré tout de base à bon nombre de films qui suivront, à commencer par certains autres films de Sergio Leone. Mélangeant violence, humanisme, ironie, sadisme, cynisme, aspect crasseux et tout un tas d’autres choses chères à Leone, le film va tordre les codes du genre, se les réapproprier pour en créer de nouveaux et devenant une des références. Ce n’était pourtant pas gagné pour Leone qui, au départ, a tout fait pour vendre Pour une Poignée de Dollars comme un film américain, afin de plus facilement conquérir le marché européen puis américain, le sortant sous un pseudo à consonance anglophone, Bob Robertson, et mettant en vedette un jeune acteur américain pas encore connu, Clint Eastwood, dans le rôle du personnage principal. Ce n’est pas tout puisque l’antagoniste du film, joué par Gian Maria Volontè, apparaitra également sous pseudo dans le générique, tout comme le compositeur Ennio Morricone qui prendra le nom de Dan Savio. Ce ne fût pas gagné immédiatement puisque les critiques de la presse spécialisée ne furent pas tendres et il faudra attendre le succès des deux autres films de la trilogie pour que ce premier film soit réhabilité. Nous sommes d’accord, avec ses 200000$, on sent parfois les limites du budget. Avec son scénario qui tient sur un post-it, le film pourra paraitre un peu trop simpliste. Mais c’est sans compter sur la talent de Sergio Leone qui va sublimer chacune des scènes du film de bien belle manière.

La mise en scène de Sergio Leone est maitrisée de bout en bout, avec parfois un aspect baroque qui différencie immédiatement le film de ses homologues américains, jouant sans cesse avec la profondeur de champ ou à l’inverse avec des plans très serrés sur les visages. Nous sommes ici presque dans une pièce de théâtre (certains parlent d’opéra) à ciel ouvert, avec ces deux clans et leur grande bâtisse, qui se font face, avec un spectateur qui est mis au même niveau que le reste des habitants de ce petit village, cloitrés chez eux et épiant ce qu’il se passe cachés derrière les rideaux de leurs fenêtres. Le scénario est donc très léger, se basant sur une lutte entre deux clans et en plaçant son héros en plein milieu. Ce héros, c’est l’homme sans nom, l’étranger, l’Américain. Clint Eastwood incarne pour la première fois ce personnage un peu mystérieux, dont on ignore tout du passé, à commencer par son nom, affublé d’un poncho, fumant le cigarillo, presque mutique mais qui manie le pistolet comme personne. Ce personnage sera moult fois copié, l’exemple le plus connu étant Django qui va reprendre beaucoup de ses caractéristiques. Comme souvent dans le genre, les scènes s’étirent, aussi bien les plans d’expositions que certaines tueries, comme pour leur donner plus d’impact (visuel ou émotionnel). Leone s’amuse avec ses nombreux plans sur les regards, ses fameux plans sur les santiags avec des cadrages volontairement décadrés, ou encore son duel final qui prend son temps pour au total se régler en quelques secondes. L’ambiance y est souvent sombre, malgré quelques légères touches d’humour venant de certains personnages secondaires (le fabricant de cercueils). Pour une Poignée de Dollars verse dans le cynique, avec ses personnages tous gangrénés par l’appât du gain ou par des intérêts qui leurs sont propres. Même le héros, qui aura malgré tout le rôle du défenseur des habituels opprimés, a des intentions qui restent floues et tendancieuses. Le tout est accompagné par une bande originale assez exceptionnelle d’Ennio Morricone qui reste en tête très longtemps, capable de remplacer, à de nombreuses reprises, des lignes de dialogue pour faire passer les émotions ou les messages. Du grand art.

LES PLUS LES MOINS
♥ La mise en scène
♥ Le personnage de l’homme sans nom
♥ Le casting
♥ L’ambiance
♥ La bande son
⊗ Parfois un peu fauché

Pour une Poignée de Dollars a beau être l’opus le plus faible de la Trilogie du Dollar de Sergio Leone, il n’en demeure pas moins un très bon western spaghetti qui donnera ses lettres de noblesses à un genre qui sera usé jusqu’à la moelle durant les années 60/70.

LE SAVIEZ VOUS ?
• Le contrat de Clint Eastwood pour la série Rawhide (1959) lui interdisait de tourner des films aux États-Unis pendant une pause de la série. Cependant, le contrat lui permettait d’accepter des missions de tournage en Europe.

• Sergio Leone s’est très vite attaché à Clint Eastwood et a plaisanté en disant qu’il n’avait que deux expressions : avec ou sans chapeau.

• Au début, Clint Eastwood a eu quelques désaccords majeurs avec le réalisateur Sergio Leone, notamment au sujet du scénario qu’il trouvait trop verbeux, mais après avoir convaincu Leone de réduire ses dialogues au minimum, les deux hommes ont commencé à collaborer de manière plus productive. L’interprétation taciturne d’Eastwood deviendra par la suite une marque de fabrique de ses westerns et de ses films policiers.



Titre : Pour une Poignée de Dollars / Per un pugno di dollari
Année : 1964
Durée : 1h39
Origine : Italie
Genre : Le début du culte
Réalisateur : Sergio Leone
Scénario : Adriano Bolzoni, Victor Andres Catena

Acteurs : Clint Eastwood, Gian Maria Volontè, Marianne Koch, Wolfgang Lukschy, Sieghardt Rupp, Joseph Egger, Antonio Prieto, José Calvo, Margarita Lozano

A Fistful of Dollars (1964) on IMDb


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Auteur : Cherycok

Webmaster et homme à tout faire de DarkSideReviews. Fan de cinéma de manière générale, n'ayant que peu d'atomes crochus avec tous ces blockbusters ricains qui inondent les écrans, préférant se pencher sur le ciné US indé et le cinéma mondial. Aime parfois se détendre devant un bon gros nanar WTF ou un film de zombie parce que souvent, ça repose le cerveau.
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