[Film] Lady Snowblood, de Toshiya Fujita (1973)


Un instituteur et son jeune fils sont sauvagement assassinés par quatre malfrats. Son épouse est enlevée et violée à plusieurs reprises avant qu’elle ne parvienne à assassiner un de ses bourreaux. Condamnée à la prison à vie, la femme accepte sans dire un mot les viols perpétrés par ses geôliers dans le seul but de tomber enceinte. Bientôt, une petite fille prénommée Yuki vient au monde. Privée d’enfance, transformée en impitoyable machine à tuer par un moine et une ancienne détenue, elle devient à 20 ans ShuraYuki, l’incarnation de la vengeance de sa défunte mère, et commence à traquer ceux qui ont détruit la vie de cette dernière.


Avis de Kwaidan :
Attention ! Chef d’œuvre absolu ! Après les mythiques LONE WOLF AND CUB (BABYCART), c’est au tour de SHURAYUKIHIME, un autre grand personnage de Kazuo Koike, d’être magistralement porté à l’écran. Ultra violent, bouleversant, porté par l’actrice la plus charismatique du monde, ce sommet du chambara est la plus belle des histoires de vengeance, une poignante tragédie dont l’impact sur le spectateur défie les années.

L’élément le plus fascinant est bien sûr Yuki. Si les BABYCART étaient déjà bien gratinés, LADY SNOWBLOOD repousse les limites du chambara en matière de violence graphique et psychologique. Viols, corps sectionnés au niveau du torse, bras tranchés, geysers de sang s’échappant de la moindre plaie : un jusqu’au-boutisme qui est cependant nécessaire pour comprendre comment la jeune fille a pu hériter d’autant de rage, réaliser l’étendue de la déshumanisation provoquée par son conditionnement et donner à son histoire tout son côté tragique. Née de pratiques innommables mais pourtant ardemment désirée, Yuki ne sera jamais aimée ni considérée comme un être humain. Elle n’existe que pour être l’incarnation de la vengeance de sa mère, une bombe à retardement amenée à exploser aux visages des malfrats qui ont détruit la vie de cette dernière. Les effrayantes discussions entre la femme et ses co-détenues en disent long sur son avenir tant on dirait qu’elles parlent d’une arme, d’une créature infernale, plutôt que d’une adorable petite fille. Une d’elles ira même jusqu’à faire remarquer qu’il aurait mieux valu que ce soit un garçon étant donné ce à quoi elle servira.

Ainsi, Yuki passera son enfance à apprendre la violence et la haine, à ignorer la douleur et à faire sienne la vengeance de sa mère. Personne ne jugera utile de lui inculquer autre chose, comme cultiver sa propre personnalité ou apprécier les belles choses que réserve aussi la vie, au point que la jeune fille semble perdue dès qu’elle cesse de traquer et détruire. Au contact de son « biographe », des sentiments nouveaux finiront pourtant par l’assaillir et faire émerger l’humanité que les autres se sont si longtemps appliqués à effacer. Des sentiments qu’elle ne peut comprendre comme le montre son visage lorsque sa propre volonté entre pour la première fois en conflit avec celle de sa mère et qu’elle hésite soudainement à tuer sa dernière cible pour ne pas blesser celui qu’elle aime. Qui d’autre que Kaji Meiko pouvait interpréter ce personnage complexe ? Belle, gracieuse, animale, émouvante, d’une incroyable présence, elle fait rentrer Yuki dans la légende dès sa première apparition. L’actrice atteint le sublime lors d’un final déchirant où, dans un hurlement mêlant rage et douleur, Shurayuki rend l’âme alors que se termine sa vengeance. Un cri à la fois de mort et de naissance puisque Yuki peut enfin exister, même pour quelques dernières secondes, en tant qu’être humain capable de ressentir la tristesse et la souffrance. Sa tristesse, suite à la perte de son amour et sa souffrance. Une scène belle à en pleurer, un immense moment de cinéma qui n’a pas fini de hanter les mémoires. Et dire qu’en plus d’être une actrice de génie, la belle Meiko chante comme une ange…

La réalisation de Toshiya Fujita est vraiment superbe et le film visuellement très élaboré. Des décors enneigés à la robe blanche de Shurayuki se teintant de rouge, de nombreuses scènes sont un véritable régal pour les yeux. La structure du film est très largement inspirée du manga: l’histoire se divise en chapitres oscillant entre passé et présent et évoquant les étapes essentielles de la vie de Yuki (le massacre qui a tout déclenché, la naissance, l’entraînement) et les éliminations de ses différentes cibles (un chapitre par ennemi). Un procédé qui permet d’éviter toute longueur et aboutit à un film direct, d’une redoutable efficacité et au rythme haletant. Habile mélange au féminin de Zatoichi (la canne épée devient une ombrelle épée, la façon de tenir le sabre à l’envers) et de Itto Ogami (la vengeance, la dureté du personnage), Lady Snowblood est une figure tout aussi emblématique du chambara. Le personnage d’un seul film étant donnée l’infériorité de sa suite d’autant plus inutile (en dehors, bien sûr, du plaisir de retrouver Meiko…) qu’elle détruit une bonne partie de la puissance du final. Shurayuki n’avait de toutes façons plus de raison d’exister étant donné qu’elle « était » la vengeance, représentée comme une entité qui après être passée de sa mère à Yuki, s’incarne dans la jeune fille qui la poignarde.

LES PLUS LES MOINS
♥ Meiko Kaji
♥ L’histoire poignante
♥ La violence graphique et psychologique
♥ La mise en scène
⊗ …
Le chef d’œuvre de Toshiya Fujita est un incontournable du cinéma Japonais en général. Inutile d’attendre davantage pour découvrir ou re-découvrir le choc LADY SNOWBLOOD.



Titre : Lady Snowblood / 修羅雪姫
Année : 1973
Durée : 1h36
Origine : Japon
Genre : Chambara
Réalisateur : Toshiya Fujita
Scénario : Norio Osada

Acteurs : Meiko Kaji, Mayumi Maemura, Ko Nishimura, Toshio Kurosawa, Masaaki Daimon, Miyoko Akaza, Eiji Okada, Sanae Nakahara, Noboru Nakaya

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Auteur : Kwaidan

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