[Film] Journey to the West: The Demons Strike Back, de Tsui Hark (2017)


Le moine Tang et ses disciples poursuivent leur voyage vers L’Inde à la recherche des sutras bouddhiques sacrés. Tang, reprochant toujours à Singe, son disciple, d’avoir tué sa bien-aimée Duan entretient une relation tendue avec ce dernier. Le moine a bien du mal à réprimer sa violence et sa rancœur et ses disciples finissent par même souhaiter sa mort. Au cours de leurs tribulations, le quatuor connaît bien des aventures en se confrontant aux démons croisant leur route.


Avis de Paul Gaussem :
Suite de Journey to the West: Conquering the Demons (2013), énième adaptation cinématographique de La pérégrination vers l’ouest (roman du XVIe siècle) et des aventures du Roi Singe écrite, réalisée et produite par Stephen Chow (Kung Fu Hustle, Shaolin Soccer…), Journey to the West: The Demons Strike Back, sort en Chine en janvier 2017. La séquelle du film de Chow – qui avait fait un carton au box-office local- a de quoi allécher tout amateur cinéma HK et chinois. En effet, Stephen Chow, toujours au scénario et à la production, confie cette fois-ci la réalisation au grand Tsui Hark (The Blade, The Lovers…). La réunion des deux stars de l’industrie chinoise a logiquement de quoi capter l’attention de tout cinéphile averti, les deux réalisateurs n’ayant travaillé ensemble que sur The Mermaid (2016) dans lequel Tsui Hark apparaissait dans un court caméo. De plus, le budget conséquent alloué au film (64 millions de dollars US) laisse espérer un métrage soigné, aux SFX forcément nombreux et barrés étant donné la teneur du premier opus et les deux hommes à la manœuvre.

Qu’en est-il vraiment? Tout d’abord, nous pouvons d’ores et déjà avouer que nous ne sommes pas devant un grand film. À l’image de A Thousand faces of Dunjia (2017) réunissant aussi un duo légendaire avec Tsui Hark au scénario et Yuen Woo Ping à la réalisation, Journey to the West 2 déçoit quelque peu. Marchant sur l’eau après Detective Dee 2 (2013) et La Bataille de la Montagne du Tigre (2014), on sent ici Tsui Hark beaucoup moins concerné que sur ses précédentes réalisations, plus personnelles. Nous sommes indéniablement face à un film de commande, honorablement exécuté certes, mais transpirant le manque d’investissement évident du réalisateur. A contrario de ce à quoi il nous avait habitué, la mise en scène de Hark se montre paresseuse. Les mouvements de caméra inédits et farfelus ou les plans complètement iconoclastes que nous étions en droit d’espérer sont bel et bien absents. Le boulot est fait … mais sans grande imagination. De plus, aucune réelle scène de combat ne parvient à nous mettre les sens en alerte. Pas de kung fu ici, mais des scènes d’action entièrement numériques, à tel point que l’on oublie parfois qu’il s’agit bien d’un film en live action et pas d’un anime à la chinoise. Les défauts de CGI mal incrustés dont souffrait déjà le premier opus de Chow sont ici encore plus visibles. A la décharge de Hark, on peut évidemment rétorquer que c’est le lot de la plupart des blockbusters chinois de ces dernières années et que l’homme est un habitué du numérique foireux (coucou The Legend of Zu). Seulement, après des réussites visuelles telles que Detective Dee, on pouvait tout de même attendre plus de notre homme. Le film connait quelques moments intéressants visuellement, comme la séquence où les héros se battent contre des femmes démons se transformant en araignée (faisant au départ sérieusement penser à celle présente dans l’anime Wicked City de Yoshiaki Kawajiri, dont Tsui Hark avait produit un remake live en 1992) mais peine finalement à proposer quelque chose de réellement innovant.

En ce qui concerne le casting, c’est Kris Wu (The Mermaid, XXX Reactivated…) qui remplace Wen Zhang (League of Gods, Guillotines…) dans le rôle du moine Tang et Lin Gengxin (Detective Dee, La grande muraille…), nouvel acteur fétiche de Tsui Hark, qui incarne le Roi Singe, campé par Huang Bo (The Island, Crazy Alien…) dans le premier opus. Le changement d’acteur est souvent assez déroutant dans une séquelle et ici, l’alchimie entre les personnages fonctionne moins. Ce n’est certainement pas de la faute des acteurs eux-mêmes mais celle de personnages moins approfondis et moins bien écrits ainsi que d’une mise en scène se contentant, surtout lorsqu’il ne s’agit pas d’action, du minimum syndical.

Coté scénario (mais y en a-t-il vraiment un ?), la narration est quelque peu décousue mais cela n’est pas dérangeant pour qui connait le sens narratif de Tsui Hark, avec qui le récit n’est souvent que le prétexte à nous délivrer des scènes intenses de haute tenue créative. Stephen Chow, ici à la manœuvre, a la même chose en tête : les mésaventures du moine Tang servent à donner au public une suite de scénettes techniquement impressionnantes et se voulant souvent amusantes. Ici et là, on note quelques fulgurances mais même l’aspect comique, spécialité de notre scénariste, qui fonctionnait pourtant bien dans le premier volet, est ici revu à la baisse. De même, la relative profondeur des émotions et sentiments des protagonistes que l’on pouvait ressentir dans le métrage précédent est bien moins effective. On peine à s’attacher et à partager leurs états d’âme uniquement convoqués pour tenter de nous faire rire par le biais de situations rocambolesques ou de dialogues type mo lei tau. Franchement, devant le peu d’efforts entrepris, le film n’est pas vraiment drôle et l’on sent que l’objectif était avant tout de produire un film destiné à un très jeune public.

Toutefois, Journey to the West: The Demons Strike Back est un film généreux et divertissant, proposant quand même quelques idées et des visuels assez audacieux, si l’on compare le film à la production chinoise actuelle. Il n’en garde hélas pas moins l’aspect assez générique des films fantastiques à gros budgets issus des studios continentaux. Le coté bricolage et les innovations scénographiques du cinéma HK sont ici bien sages. Si le but était de produire un métrage à grand spectacle, vite consommable, pouvant charmer petits et grands, le job est fait. Si, par contre, on voulait réunir deux génies du genre pour réaliser un grand film, il n’est franchement pas atteint. On prend plaisir à regarder ce film haut en couleur et dignement exécuté mais il y a fort à parier qu’il ne restera que dans très peu de mémoires.

LES PLUS LES MOINS
♥ Quelques scènes visuellement intéressantes
♥ Une photographie soignée
⊗ Un scénario sans intérêt
⊗ Un humour peu efficace
⊗ Une mise en scène assez plate hormis quelques séquences d’action
Réunion de deux des plus grands cinéastes chinois, Journey to the West: The Demons Strike Back est un film somme toute paresseux, sans réelles ambitions « auteurisantes ». C’est un spectacle familial et bien rythmé qui sera aussi vite apprécié qu’oublié.

LE SAVIEZ VOUS ?
• Le film sort en Chine le 28 janvier 2017 en 4-D, 4DX, 3D IMAX et 3D. Il totalise 248,8 millions $ de recettes pour un budget de 63,9 millions $, et atteint la troisième place du box-office chinois de 2017.

• Le film a gagné les récompenses des meilleurs costumes et des meilleurs maquillages aux Hong Kong Film Awards. Il était également nominé pour les meilleurs effets spéciaux, la meilleure bande son et la meilleure photographie.

• La promotion du film insiste sur le fait qu’il est réalisé par Tsui Hark qui a également fait d’autres superproductions chinoises comme La Bataille de la Montagne du Tigre et Détective Dee 2 : La Légende du Dragon des mers, mais également pour l’implication de Chow dans le projet, bien que la distribution ait reçu des critiques mitigées.



Titre : Journey to the West: The Demons Strike Back / 西遊伏妖篇
Année : 2017
Durée : 1h48
Origine : Chine
Genre : Fantasy / Comédie
Réalisateur : Tsui Hark
Scénario : Tsui Hark, Stephen Chow

Acteurs : Kris Wu, Kenny Lin, Yao Chen, Jelly Lin, Mengke Bateer, Wang Li-Kun, Yang Yi-Wei, Tony Wang, Bao Bei-Er, Cheng Si-Han, Da Peng, Yeung Lun

 Journey to the West: Demon Chapter (2017) on IMDb


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Auteur : Paul Gaussem

Si vous connaissez un film dans lequel un cow-boy solitaire et un barbare sanguinaire chassent des mutants venus d'ailleurs à l'aide de mecha sur les hauteurs du mont Wu Tang, faîtes moi signe ! Perdu dans un Milius en compagnie de Tsui Carpenter et Steven Otomo, je ne cherche plus à retrouver mon chemin.
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