[Film] Henry, Portrait d’un Serial Killer, de John McNaughton (1986)


Hanté par son enfance martyre, Henry tue. C’est la seule manière pour lui de se libérer de ses démons. Il commence par sa mère, prostituée, qui dès son enfance l’habille en fille et le fait assister à ses ébats. Il enchaîne ensuite au gré de ses rencontres.


Avis de Cherycok :
« Il n’est pas Freddy, il n’est pas Jason… il est réel ». Voici la phrase d’accroche qui était présente sur l’affiche américaine de Henry, Portrait d’un Serial Killer, un film à la gestation difficile et qui a eu un parcours compliqué dans de nombreux pays. Premier long métrage de John McNaughton, qui réalisera par la suite des films tels que Borrower (1991), Mad Dog and Glory (1993), Sex Crimes (1998) ou encore un opus de l’anthologie Masters of Horror (2006), tourné en 16mm en à peine 28 jours pour un très modeste budget de 110000$US, il fait partie de ces films qui ont fait couler beaucoup d’encre, qui ont marqué leur époque pour une raison X ou Y. Henry, Portrait d’un Serial Killer s’inspire librement du véritable tueur en série Henry Lee Lucas, ainsi que de son comparse Ottis Toole, ou plutôt des fantasmes et des aveux violents de Lucas sur les crimes pour lesquels il a été condamné. Le film s’ouvre sur plusieurs plans de femmes mortes et ensanglantées sur une musique froide en nous faisant comprendre, sans aucune parole, à quel point ce fameux Henry est un homme dangereux et fait des victimes. Le ton glauque de film est immédiatement annoncé, et il restera ainsi durant 1h23 glaçantes.

Henry, Portrait d’un Serial Killer a mis du temps à voir le jour car le distributeur ne savait pas quoi faire du film. Ils s’attendaient à un simple film d’horreur façon slasher, sauf que le résultat était bien plus sombre, bien plus complexe, et ils y ont vu un potentiel bien plus limité au box-office. Au moment de passer la censure, le film est classé X malgré les demandes du réalisateur de le classer R. Il choque pas mal de monde, à commencer par l’équipe elle-même, le compositeur avouant même qu’il n’a pas pu aller jusqu’au bout. Lors de la projection du film au Festival de Telluride en 1989, près de la moitié de la salle est sortie avant la fin. Lorsque le générique a retenti, le silence s’est installé tant les spectateurs étaient abasourdis par ce qu’ils venaient de voir et ne savaient pas comment réagir. C’est la scène du massacre de la famille qui a le plus choqué et a même posé problème avec la censure dans de nombreux pays. En Angleterre, Henry, Portrait d’un Serial Killer n’est sorti en version intégrale qu’en 2003, soit 18 ans après son tournage. Même topo en Australie et Nouvelle Zélande qui ne verront une version complète que plus de 20 ans après la sortie. Pourtant, lorsqu’on l’analyse à froid, le film ne contient que très peu de sang. Nous voyons certes des corps morts, parfois un peu mutilés, mais jamais le procédé qui a mené à cette mort. Même chose en ce qui concerne le sexe, il n’y en a pour ainsi dire presque pas. Certaines victimes sont nues, mais ça s’arrête là. C’est en partie grâce (ou à cause, c’est selon) de ce film, ainsi que de Le Cuisinier, le voleur, sa femme et son amant (1989) de Peter Greenway et Attache-Moi ! (1989) de Pedro Almodobar, que la classification NC-17 (film réservé aux adultes mais non pornographique) a été créé par MPAA 5Motion Picture Association of America). Il sort finalement 3 ans plus tard en salles très limitées, en 1989, rapporte seulement 600000$US, mais en a généré depuis beaucoup plus avec les sorties VHS, DVD et les ressorties en salles.

L’ambiance générale de Henry, Portrait d’un Serial Killer est vieillotte, inquiétante, avec un gros travail sur la musique toute aussi inquiétante (avec parfois en fond des bruitages bizarres ou des gémissements des victimes). C’est filmé froidement, de façon détachée, presque comme pour lui donner un aspect documentaire où priment l’authenticité et le réalisme. Ce qui a pu choquer le spectateur, c’est aussi l’absence totale de jugement envers les personnages. Ce sont des meurtriers de sang-froid, leur désinvolture est glaçante, agissant comme si de rien n’était entre deux meurtres. Jamais le réalisateur ne prend parti, jamais il ne parle de la frontière entre le bien et le mal. Il n’explique pas réellement les agissements de Henry et son ami Otis. Il les montre, c’est tout. Nous ne sommes pas ici dans un film d’exploitation car justement il n’exploite ni la violence, ni le sexe. Nous suivons simplement Henry dans sa routine quotidienne, sans qu’aucune enquête policière ne vienne le perturber. L’ensemble est tellement froid et parfois brutal que c’est sans doute ce qui a choqué. L’horreur y est impactante, bien plus que chez Freddy Krueger, Jason Voorhees ou Michael Mayers. C’est également le premier film de Michael Rooker (Les Gardiens de la Galaxie, Horribilis), qui avant travaillait comme concierge dans un immeuble, qui s’est donné à fond durant le tournage au point de rester durant un mois dans la peau de son personnage même en dehors du plateau, évitant même de croiser les autres acteurs. Sa prestation est saisissante et glace le sang, prouvant dès ce premier film l’étendue de ses talents. Il est à noter que même si le personnage de Henry est inspiré du vrai tueur en série Henry Lee Lucas, le film prend certaines libertés. Par exemple, dans le film, Henry s’amourache de la sœur d’une 20aine d’année de son pote Otis ; dans la réalité, c’était la nièce de Otis, elle avait 12 ans, et il la violait. Mais quoi qu’il en soit, Rooker arrive à exprimer toute la folie froide de cet homme sur lequel plane aujourd’hui encore des mystères (personne ne sait réellement combien de personnes il aurait tué, entre 4 et 700) et fait partie de la réussite de ce film qui a longtemps fasciné, au point qu’un documentaire lui soit dédié en 2005 : « Portrait : The Making of Henry ».

LES PLUS LES MOINS
♥ Michael Rooker, impressionnant
♥ L’ambiance qui met mal à l’aise
♥ Le réalisme de l’ensemble
♥ La mise en scène documentaire
⊗ Pas forcément facile d’accès

Avec Henry, Portrait d’un Serial Killer, John McNaughton s’est offert une jolie carte de visite dans le monde du cinéma indépendant américain, marquant les esprits à la fois du public et des professionnels du cinéma. Un film qui fait froid dans le dos.

LE SAVIEZ VOUS ?
• La musique du film a été mixée dans un studio d’enregistrement de Chicago dirigé par des chrétiens rock n’roll. Selon John McNaughton, ils ont été très choqués lorsqu’ils ont vu le film.

• Les quatre scènes de meurtre que l’on voit dans les premières minutes du film sont toutes basées sur des meurtres réels que Henry Lee Lucas prétend avoir commis, en particulier le premier plan, où le corps de la femme nue est posé exactement dans la même position qu’une victime dans une affaire impliquant Lucas.

• La scène du salon, où Otis (Tom Towles) filme Henry (Michael Rooker) et Becky (Tracy Arnold) avec le caméscope, a été entièrement improvisée par les trois acteurs.



Titre : Henry, Portrait d’un Serial Killer / Henry : Portrait of a Serial Killer
Année : 1986
Durée : 1h23
Origine : U.S.A
Genre : Glaçant
Réalisateur : John McNaughton
Scénario : Richard Fire, John McNaughton

Acteurs : Michael Rooker, Tracy Arnold, Tom Towles, Mary Demas, Anne Bartoletti, Elizabeth Kaden, Ted Kaden, Denise Sullivan, Anita Ores, Megan Ores

Henry: Portrait of a Serial Killer (1986) on IMDb


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Auteur : Cherycok

Webmaster et homme à tout faire de DarkSideReviews. Fan de cinéma de manière générale, n'ayant que peu d'atomes crochus avec tous ces blockbusters ricains qui inondent les écrans, préférant se pencher sur le ciné US indé et le cinéma mondial. Aime parfois se détendre devant un bon gros nanar WTF ou un film de zombie parce que souvent, ça repose le cerveau.
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