[Film] Avalon, de Oshii Mamoru (2001)

Dans un avenir proche, le jeu de guerre illégal Avalon est un jeu vidéo sur lequel les joueurs branchent directement leur cerveau, et qui provoque des comportements addictifs. Certains joueurs sont tellement plongés dans le jeu que leur esprit y reste bloqué, leur corps demeure inerte, dans un état végétatif dont ils ne sortent plus : ce sont les non-revenus. Le nom « Avalon » provient de l’île des légendes celtes où vont les âmes des guerriers, dont celle du roi Arthur. Ash est assurément une des meilleures joueuses de ce jeu. Son but est de trouver le fameux niveau caché, la spéciale classe A.


Avis de Rick :
Lors de sa sortie en 2001, donc il y a déjà 21 ans, Avalon fut pour beaucoup un choc, qu’il soit positif ou négatif. Oui, il faut le préciser, car si le film a son statut de film culte, a ses fans, a chamboulé certains codes, et a su surprendre par rapport à nos attentes vu la carrière de son réalisateur, il en a laissé certains sur le carreau. Même s’il faut bien l’avouer, Avalon est souvent considéré comme le premier film en images réelles de Oshii Mamoru. Ce qui est faux donc ! Le monsieur ayant déjà signé des films, à la fin des années 80 et au début des années 90, que le grand public ne connait pas ou n’a pas vu. Et du coup forcément, Avalon débarque, en 2001, après Patlabor 1 et 2, et surtout après Ghost in the Shell en 1995. Et du coup, les attentes sont là. Retrouver ainsi le même univers, les mêmes thématiques, mais pas en animation, avec de vrais acteurs. Les attentes sont forcément grandes, et Oshii fait un choix osé. Plus qu’osé. À savoir bel et bien continuer ses thématiques, mais dans un univers visuellement à l’opposé de ce qu’il avait en quelque sorte fait jusque là. Ghost in the Shell mettait en avant un univers de science fiction aux détails minutieux, résolument futuriste dans son approche et son visuel. Avalon lui nous donnera une vision plus sombre du futur, les technologies sont étranges, les lieux sont délabrés, crades. Et le film fait des choix visuels qui peuvent quelque peu bousculer le spectateur, puisque si le tout est bel et bien en images réelles, le traitement des images donne immédiatement un côté factice à l’ensemble, que ce soit par ces filtres étranges sur l’image, filtres posés en post production donc, mais même par la façon dont les différents éléments à l’écran semblent séparés les uns des autres, et donc, dans la manière dont tout cela est éclairé. On a très très souvent l’impression de voir des personnages qui se détachent clairement de leur environnement, comme plus éclairés, entourés d’une légère lumière qui renforce ce côté factice.

Visuellement donc, c’est un travail de titan, qui plait ou non, mais qui a le mérite de ne jamais être gratuit, puisque comme souvent chez Oshii, la frontière entre réalité et fiction, réalité et jeu, et surtout est-ce que cela intéresse vraiment les dits joueurs, et bien tout cela est au cœur du récit, sans jamais totalement apporter de réponse clairement définie, Oshii préférant semer le doute, et surtout, nous laisser face à son œuvre, interpréter. Ce qui est très bien donc. Ces thématiques, elles parcourent toutes son œuvre, parfois avec réussite, comme ici, malgré quelques menus défauts, ou encore dans le méconnu Nowhere Girl qu’il signe en 2015, autre film en images réelles, et parfois avec maladresse, voir en se plantant totalement à mes yeux, comme en 2009 dans Assault Girls, pseudo suite à Avalon, se déroulant dans le même univers, et où cette fois-ci, les personnages ne quittaient jamais le monde virtuel. Et si vous ne me croyez pas, je vous invite à lire mon avis sur ce Assault Girls, posté il y a bien longtemps, où à vous procurer le film sorti en France et à juger par vous-mêmes, après tout la bête ne dure qu’une heure de mémoire, même s’il paraît en faire le double. Mais revenons à Avalon, ce film bien plus profond et mystérieux qu’il n’y paraît aux premiers abords. Un film souvent jugé lent et contemplatif, ce qui est le cas, et ce qui pourrait presque être la définition même du style de son réalisateur d’ailleurs. Et à ce niveau là, si le film ne perds pas de sa puissance en le revoyant 20 ans après sa sortie, il faut néanmoins avouer que quelques menus défauts et petites longueurs viennent s’inviter dans le récit. Je pense notamment à cette scène où notre héroïne, Ash (Malgorzata Foremniak), va préparer un délicieux repas pour son chien, pendant cinq bonnes minutes. Je sais bien que le film joue énormément sur la répétitivité des actions, sur Ash qui va jouer, puis prend le métro, rentre chez elle, s’occupe de son chien. Mais là, c’était un peu trop, presque comique. Et puis il y a cette fascination claire et nette pour la nourriture.

Outre la scène citée, on pourra citer la scène du repas entre deux personnages où tout à coup, le temps s’arrête, le dialogue s’arrête, et nous voilà à regarder deux personnages qui mangent, en gros plan. Ces deux moments en particulier, à la révision, me semblent donc de trop. Mais si l’on adhère au reste, on lui pardonne. Car outre son univers travaillé, ses choix tranchés comme celui de tout tourner en Pologne, avec des acteurs Polonais, et donc en Polonais, même si certains acteurs sont clairement moyens, comment ne pas citer la puissance de certaines scènes, de certaines images, les choix encore plus osés de la dernière partie du récit, ou bien entendu la sublime musique de Kawai Kenji, qui elle au moins, met tout le monde d’accord, et qui tourne de temps en temps chez moi, ce qui me donnait depuis quelques temps clairement envie de retourner dans l’univers d’Avalon. Mais pas dans celui d’Assault Girls, même si fidèle, Kawai Kenji y signe également une magnifique partition. Ce qui est amusant en tout cas, surtout avec le recul, c’est qu’Avalon débarquait en 2001, avec ses questions sur la réalité, sur la fiction, la réalité virtuelle, sur le chien (oui j’insiste), et s’amuse constamment à brouiller les pistes, ou plutôt à ouvrir nos horizons vers de nouvelles pistes, et débarquant donc deux ans après Matrix, qui été clairement bien influencé par l’œuvre d’Oshii dans l’animation. Bref, cette aventure parfois nébuleuse aux côtés de Ash, elle est souvent passionnante, à certains moments hypnotisante, et on lui pardonne ses menus défauts, qui malgré tout, ne sont pas là par maladresse, mais clairement des choix du réalisateur. Des choix osés, comme la plupart de ceux du film, qui lui donnent cette aura particulière, cette atmosphère totalement surréaliste, et qui continuent d’interroger aujourd’hui. Le genre d’œuvre qui ne laisse pas indifférent donc, et qui, que l’on adore ou déteste, a le mérite d’exister, de tenter des choses.

LES PLUS LES MOINS
♥ Visuellement hyper intéressant
♥ Des choix qui surprennent
♥ La musique de Kawai Kenji
♥ De très nombreuses pistes de lecture
⊗ Quelques petites longueurs
⊗ Certains acteurs moyens
note6
Avalon était important en 2001, il l’est toujours en 2022, en nous mettant devant les yeux un univers de science fiction qui brouille les frontières et les pistes, joue avec nos attentes. On peut ne pas y adhérer, mais la proposition d’Oshii Mamoru sort du lot.


Titre : Avalon – アヴァロン
Année : 2001
Durée :
1h46
Origine :
Japon
Genre :
Science Fiction
Réalisation :
Oshii Mamoru
Scénario :
Itô Kazunori
Avec :
Malgorzata Foremniak, Wladyslaw Kowalski, Jerzy Gudejko, Dariusz Biskupski, Bartlomiej Swiderski, Katarzyna Bargielowska, Alicja Sapryk, Michal Breitenwald, Zuzanna Kasz, Adam Szyszkowski et Krzysztof Szczerbinski

 Avalon (2001) on IMDb


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Auteur : Rick

Grand fan de cinéma depuis son plus jeune âge et également réalisateur à ses heures perdues, Rick aime particulièrement le cinéma qui ose des choses, sort des sentiers battus, et se refuse la facilité. Gros fan de David Lynch, John Carpenter, David Cronenberg, Tsukamoto Shinya, Sono Sion, Nicolas Winding Refn, Denis Villeneuve, Shiraishi Kôji et tant d'autres. Est toujours hanté par la fin de Twin Peaks The Return.
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