[Festival] Nippon Connection 2012

NIPPON CONNECTION 2012

Seconde participation, et je suis encore plus enthousiaste. Il faut dire que NC fait les choses en grand tout en cultivant un coté amateur de façade histoire de ne pas perdre son ambiance. Car au delà des films, le plus remarquable durant NC c’est l’ambiance festive bien à l’opposé d’un ultra coincé Deauville Asia et cultivée avec soin quitte à ce que le hall principal ressemble à un grand barnum.

Nippon Connection a un public plutôt jeune. Ce qui explique une partie de l’ambiance. Se tenant dans la maison des étudiants de la faculté de Frankfurt, le festival est en partie tenu par des étudiants bénévoles et ne serait ce que le lieu est propice à rameuter une immense majorité de public du coin. On est donc loin d’un quelconque public cinéphile venant s’abreuver de nouveautés ou raretés. Le public vient pour un festival, et il obtient ce qu’il vient chercher. Entre expositions, spectacles vivants, stands commerciaux, on y trouve aussi de quoi se restaurer, japonais bien sur, et surtout de quoi boire. Voilà donc le stand qui ne désemplie jamais, et il n’est pas rare que pendant les séances certains spectateurs sortent pour aller se ravitailler. C’est aussi ça l’ambiance à l’allemande. On mange, on boit durant les films et surtout le public n’est pas avare en réactions. Ce qui a été objet de curiosité pour nombre de réalisateurs japonais ayant fait le déplacement en comparaison des (non) réactions du public japonais. Le réalisateur de Goodbye or not s’est même expliqué – excusé ? – avant séance qu’il avait voulu faire une partie de son film en comédie et qu’il se demandait justement si il n’avait pas foiré cette note d’intention étant donné que les japonais ayant vu le film ne riaient pas. Si son film n’est pas à se tordre de rire, il n’en est pas moins drôle et la salle de NC a bien réagi.

Donc, je disais, NC c’est avant tout de l’ambiance. Le soir venu les couloirs résonnent des performances des courageux se lançant dans des karaoke endiablés, puis de la musique des soirées spéciales organisées histoire de se finir en beauté jusqu’au petit matin. Pour les allergiques au bruit et à la foule il est toujours possible de se détendre au calme dans un petit café, un stand à thé, ou même le temps d’un massage. Et en furetant à l’extérieur, il n’est pas rare de croiser un des nombreux invités et engager la conversation. Ce fut un plaisir que d’échanger avec Wada Atsushi sur les films de Toyoda et les poèmes de Kenji Miyazawa (merci Cathy d’avoir fait l’intermédiaire). Ceci dit tout cela n’est pas exempt de défauts, même si ceux ci restent mineurs. En premier je citerai la qualité des sieges – de simples chaises – et leur disposition favorisant le contact avec le voisin. Si vous avez de grandes jambes, prenez d’office une place sur les bords sinon vous etes bon pour ne plus bouger durant la séance. Et comme la salle n’est pas en pente, comme un cinéma classique, pensez à ne pas avoir un grand en face sinon c’est la cata. Ceci mis à part, avec un peu d’organisation il est possible de voir un film dans de bonnes conditions, surtout que tous les programmes sont sous titrés anglais et que tant la qualité vidéo que sonore sont bonnes. L’autre point un peu négatif est la foule compacte et surtout l’absence de contrôle de flux par l’organisation. Le cas est rare, mais pour la séance de Monsters Club qui a commencé en retard les spectateurs se pressaient les uns contre les autres dans l’espace du hall, avec en plus des mouvements de festivaliers qui ne faisaient que passer pour aller au bar, aux toilettes ou je ne sais quoi d’autre. Désagréable expérience. Le dernier défaut que je citerai est égoïste puisqu’il se base sur le fait que je ne parle pas un traitre mot d’allemand et que même si une partie des pancartes – ainsi que le programme – est traduit il arrive toujours un moment où je ne comprend pas où aller voire quoi faire. L’exemple le plus parlant est lié aux deux files d’attente pour l’achat des billets. Une pour les séances à venir, une pour les réservations des jours suivants. Ce qui me rassure c’est que même des locaux ne pigeaient pas spécialement.

Quelques menus défauts qui font pale figure face à la qualité de ce que propose le festival par ailleurs, dont les films puisque c’est quand même ça qui est le plus important. Comme tous les ans, Nippon Connection divise son programme en 3 sections :

  • Nippon Cinema : des films d’auteurs ou mainstream en compétitions, avec un vote des specateurs en fin de projo.
  • Nippon Visions : des films d’auteurs, de jeunes réalisateurs, ou des documentaires. Une partie de cette catégorie est aussi en compétition avec un jury formé de 3 professionnels.
  • Nippon Retro : des vieux films ou docus, souvent rares. Ces films ne sont pas projettés au sein de la fac mais au musée du film de Frankfurt.

A noter qu’à coté de tout ça, NC propose aussi des Master Class (cette année Wada Atsushi et Tsukamoto Shinya), des interventions de professionnels sur des sujets précis (le sous titrage, la filmographie de Kawamoto, une skype conversation avec Miike…), pour former un évènement homogène et dense. Si dense qu’il est il totalement impossible de tout voir et tout faire. Il n’y a aucune rediffusion (hormis quelques films dans un cinéma excentré), et il faut donc faire un choix dans sa sélection. Si pour ma visite précédente j’avais orienté mon choix vers la quasi intégralité de la section Nippon Visions, je n’ai pas eu à trop m’en faire cette année puisqu’avec l’accréditation presse j’avais accès à la salle presse et donc à la totalité des films en digital. Ça ne m’a pas empêché de profiter de l’ambiance des projos en public, mais je dois dire que je me suis tranquillement fait mon petit festival à moi en salle de presse vu que ça m’a permis d’en voir plus que si j’avais simplement assisté aux séances. Si j’ajoute les screeners reçus des réalisateurs, les 3 jours sur place ont été fructueux en découvertes. Et en rencontres, puisque NC permet de croiser des gens qu’on ne connait que via leurs écrits et bien sur des réalisateurs (autant dire que j’étais mort de trouille avant l’entretien avec Tsukamoto).

Passons aux choses sérieuses. Les avis express sur les films vus.

Postcard : dernier film en date du centennaire Shindo Kaneto, Postcard est un film en apparence classique qui fait pourtant montre d’une verve, d’un humour et d’un cynisme important. On y rit des malheurs à répétition, de la bétise des hommes, de la valeur de l’argent, pour finalement en dégager un message simple et universel. Shindo signe ce qui ressemble à ses adieux. Ce n’est pas son meilleur, mais le papy en a clairement encore sous le capot et sous la plume.

About the pink sky : film indé tourné dans un joli gris et blanc, le film ne raconte malheureusement pas grand chose. On y suit les déambulations d’une jeune fille, tout autant adorable que peste, et de ses 2 amies autour d’une histoire d’argent à rembourser en créant un journal plein de bonnes nouvelles. L’actrice principale est formidable, la réalisation correcte mais fainéante avec une succession de plans séquences, et le film se suit sans trop de déplaisir étant qu’un certain charme s’en dégage. Mais ça reste un peu vain.

Goodbye (or not) : une jeune fille a une réputation de salope surtout depuis qu’elle a été prise en flagrant délit avec le futur époux de sa soeur. Tres classique sur le fond, le film se démarque grace à son actrice, et les touches d’humour déssiminées ça et là dont la legende urbaine du Zombi qui pleure. Malheureusement, au delà du portrait, ça ne raconte rien, et je dois dire que je ne me souviens de pas grand chose.

Saya Zamourai : Déjà vu à Deauville, alors je replace mon avis express. Matsumoto revient après le très déséquilibré Symbol et livre une mise en abyme de son métier de clown télévisuel à travers une fable sur la création et le rire. C’est souvent drôle, quelque fois burlesque, toujours décalé. Le film souffre un peu de répétition, mais Matsumoto gère son rythme avec brio et livre une œuvre peut être moins atypique que ces deux précédents longs métrages, mais très plaisante, voire même touchante.

Die ! Directors, die ! : étrange film que voilà. Formellement amateur, grain, immage tremblante, acting déplorable, maquillages pourris, le film n’est finalement que le reflet de sa thématique qui parle des réalisateurs, leur égo, le tout sur fond d’horreur et de fantomes. C’est donc d’un mauvais goût assumé, drole mais pas fin, interessant, mais aussi fatiguant. A voir, mais je ne suis pas sur qu’il va longtemps me rester en mémoire malgré sa fin satisfaisante qui rappelle un peu ce que faisait Kurosawa Kiyoshi, dans Kairo par ex.

It may be that beauty has strengthenned our resolve : présenté comme un documentaire sur Adachi Masao, le fameux cinéaste révolutionnaire, l’oeuvre est en fait immensement autiste. Sur fond de voix off lente, celle d’Adachi, de ses amis, le réalisateur montre des images flous et éthérées des rues et ciels tokyoites. L’ensemble a quelque chose d’addictif, et pourrait presque paraître instructif. Mais au final on n’y apprend rien sur Adachi, hormis qu’il intellectualise tout – mais on le savait – et c’est dommage. Un documentaire loupé et réussi donc.

Monsters Club : le tant attendu nouveau Toyoda est surprenant car il va là où la bande annonce ne le laissait pas présager. Plastiquement irréprochable et créant une vraie ambiance, Monsters Club n’est pas un film sur l’activisme anarchiste, mais sur une conceptualisation de celui ci, mélangé à des poèmes de Kenji Miyazawa. La fin abrupte pourra décevoir, mais en l’état Toyoda livre à nouveau un film brillant.

River : la derniere production indépendante en date d’Hiroki Ryuichi. On y retrouve ses gimmicks à base de portraits de femme en depression, la caméra portée, de longs plans muets. Le film met du temps à demarrer, se fait désirer. Et on tombe sous le charme. Sauf que le tsunami est venu s’interposé dans l’écriture. Et à un évenement traumatisant (la tuerie d’Akiba), Hiroki ajoute la catastrophe de mars 2011. Mais là où ce processus d’incorporation passe bien dans le Himizu de Sion, dans The River on assiste à un ajout pur et simple, totalement hors histoire, qui brise le rythme. Dommage.

Casting Blossoms to the Sky : un nouveau Obayashi Nobuhiko est toujours un évenement. Il nous livre ici une véritable fresque (160mn) sur la bombe, les feux d’artifice et la mémoire. Chez beaucoup de réalisateurs ça aurait été un calvaire, mais Obayashi se la joue survoltée. Il enchaine les storyline, les croise, incorpore un tas de personnage, et fait parler tout ce beau monde. Tout le temps. C’est un film immensément bavard, soutenu par un montage très serré afin de ne pas verser dans le dialogue pour le dialogue. Et si le film est si long c’est qu’Obayashi tient à expliquer chaque chose qui se présente dans le film pour refleter cette idée de mémoire. C’est ainsi qu’un évenement ou un nom donne le droit à un flash back. Ce n’est heureusement jamais didactique, et le réalisateur ose l’humour permament. C’est souvent absurde, quelque fois suréaliste, et le spectacle final est l’image du talent d’Obayashi : énorme, foisonnant, multicolore.

Kotoko : le nouveau Tsukamoto Shinya. Kotoko est un film sur la folie, un film suffocant, presque malsain par moment. Soutenu par une bande sonore dantesque, le film de Tsukamoto plonge dans le méandres de la folie d’une femme, son autodestruction, mais aussi ses moments de calme comme l’intermède Okinawa. Si la toute fin semble un peu en trop, le reste est une baffe d’une efficacité redoutable.

The Egoits : derniere grosse prod en date d’Hiroki, on y suit le parcours chaotique de deux jeunes en quete d’eux meme. Le film emprunte à différents genre et passe de la chronique au yakuza en un clin d’oeil. Réalisé avec application – il y a des moyens financiers – The Egoists est un beau film, qui souffre peut etre de sa longueur. Heureusement c’est efficacement rattrapé par les acteurs, dont un Omori Nao ahurissant (comme toujours) face à un magnifique kora kengo et une Suzuki Anne qu’on aurait jamais cru voir nue et se faire prendre sur un jukebox. The Egoists est une belle réussite.

Encounters : écrit, réalisé, monté, sonorisé (musique et doublages) par son seul créateur Iitsuka Takashi, Encounters est typiquement le genre de film qu’on se faisait enfant en jouant avec nos jouets. Sauf qu’ici le réalisateur fait preuve d’un sens cinématographique plutot acéré et transforme ce qui aurait pu etre un délire autiste en feu d’artifice jubilatoire. Encounters c’est donc des jouets qui vont se mettre sur la gueule sur fond de kaiju eiga et de toku. Pas de stop motion, les figurines sont manipulées telles des marionettes (et on voit les fils) et toute l’interet passe donc par le rythme mais aussi l’humour de l’ensemble. Gros plaisir coupable.

Project Dengeki : omnibus de courts et moyens métrages proposé par un professeur du Film School of Tokyo et certains de ses éleves. La projection à NC ne contenait pas l’ensemble des films du projet, mais seulement trois. Si le premier, un court métrage sur la dispute de deux soeurs suite à la naissance d’un enfant, est anecdotique voire meme chiant (les bébés en plastique c’est le mal), le reste est convaincant. My Sis violates an insect taboo, de Daikuhara (le prof) reprend une vieille légende chinoise pour faire un film surprenant et oscillant entre humour absurde, introspection glauque (l’histoire d’inceste) et film de fantome sur la fin. C’est carré, tout comme Dengeki de la jeune Watanabe Ai qui est une métaphore à la lisière du yurei eiga sur la femme au foyer. Intelligent, remarquablement photographié (c’est à coter parce que chez les jeunes indépendants japonais c’est souvent la cata), le court métrage est intriguant et ne se perd pas en route.

J’ai encore à voir No Man’s zone, The Sound of light, Our Homeland, Shing Shing Shing et Sugar Baby en dvd screener. Il se peut donc que l’article soit mis à jour à un moment ou un autre.

Si tout va bien les avis express se transformeront pour une partie d’entre eux en avis plus détaillés sur le site www.nihon-eiga.fr. Vu mon rythme d’écriture, ce n’est pas non plus pour demain. Et bien sur les deux interviews glanées durant le festival s’y joindront : Watanabe Ai + Daikuhara Masaki, ainsi que Tsukamoto Shinya (meme si je ne suis pas content du résultat).

Le festival s’est terminé le 6 mai 2012. Et ce jour là, en plus de François Hollande, les films suivants ont remportés l’élection dans les différentes compétitions :

  • Nippon Cinema > The Woodsman and the rain
  • Nippon Visions > Grand Prix pour The Sound of Light et Mention spéciale du jury pour Fukushima : memories of a lost landscape

Je voudrai en profiter pour remercier le staff Nippon Connection pour l’aide et la confiance accordée, et plus particulièrement Robert, Petra et Lukas.
Et comme c’est d’usage, mes salutations les plus distinguées vont à l’adorable Cathy Munroe (http://nishikataeiga.blogspot.com/), à Chris MaGee et Marc Saint-Cyr (http://jfilmpowwow.blogspot.com/), ainsi qu’à un gentil vieux monsieur anglais dont je ne me souviens pas le nom mais qui passe sa retraite en étudiant le cinéma japonais et qui a plein de choses intéressantes à raconter, et à Alex Oost programmateur du Camera Japon Festival aux Pays Bas.

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Auteur : yume

Un bon film doit comporter : sailor fuku, frange, grosses joues, tentacules, latex, culotte humide, et dépression. A partir de là, il n'hésite pas à mettre un 10/10. Membre fondateurs de deux clubs majeurs de la blogosphere fandom cinema asitique : « Le cinema coréen c’est nul » World Wide Association Corp (loi 1901) et le CADY (Club Anti Donnie Yen).
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